Pour l’occasion, Kawasaki la modernise et l’équipe d’une injection électronique afin de répondre aux normes écologiques. Son twin vertical, ses deux échappements de type saucisson, ses grippe-genoux, son frein arrière à tambour, sa paire d’amortisseurs arrière, ses soufflets de fourche, … nous voici bien nostalgiques en contemplant la belle !
Sous ses airs rétro, le moteur cache toujours une culasse à quatre soupapes par cylindre. Il conserve également sa superbe distribution à un arbre à came en tête entraînée par couple conique. L’injection équipée de doubles papillons de 34mm de diamètre s’est imposée face aux deux carburateurs de la W650 d’époque. Chaque injecteur présente douze trous et garantit une pulvérisation parfaite. D’ailleurs, le couple maximal de la W est présent dès 2’500tr/min… Nous pensons déjà aux balades paisibles en jouant du couple.
La selle matelassée, toujours dans ce même design d’époque, est accueillante du haut de ses 790mm. Les pieds sont bien au sol et les repose-pieds ne sont pas à chercher comme sur certains Custom. Le guidon écarte un peu les bras. L’ensemble repose-pieds/selle/guidon offre une position très naturelle et droite. Les genoux sont pliés à l’équerre tout comme le bassin. La selle est d’un moelleux inégalé et d’une largeur adéquate. Le passager bénéficiera du même confort ; par contre, les petites poignées situées basses grèveront le confort du passager.
Il est temps de faire vrombir ce twin. Un coup de démarreur et le 773cc s’ébroue accompagné de quelques vibrations typiques des bicylindres. Les échappements de type saucisson distillent un son grave agréable. Quelques coups de gaz suffiront à vouloir les entendre s’exprimer de manière un peu plus vive. Le système d’échappement semble étouffer la mécanique. Un tour vers les accessoires ne sera pas à exclure…
On engage le premier rapport et hop, on s’élance à travers la campagne verdoyante. Nous ne cacherons pas notre grand sourire dès les premiers tours de roues. Le moteur ronronne et nous gratifie d’un petit sifflement permanent. Les virages s’enchaînent un à un avec une aisance déconcertante. Nous nous imaginerions bien une herbe entre les dents et rouler au soleil couchant… Cette W800 dégage une certaine aura de bien-être. Se laisser porter et flâner à son guidon est une source de dépaysement assurée !
Revenons à nos moutons et soyons plus cartésiens dans notre démarche d’essai de deux-roues !
La boîte à cinq rapports est facile et franche. Les rapports s’engagent sans difficulté et sans accroc. La mécanique se distingue par une douceur exemplaire. Le moteur est onctueux dès les plus bas régimes. Seuls les hauts régimes révéleront des vibrations dans la selle et les repose-pieds. Le 773cc n’offre que 48cv mais un couple raisonnable (60Nm) qui vous emmènera lors de bucoliques balades. En effet, déjà disponible dès 2’500tr/min, le couple maximal vous autorisera à rouler sur le dernier rapport sans se soucier de devoir rétrograder.
La balade ne sera perturbée que par le manque de protection au vent. Evidemment, l’absence d’un saute-vent (d’origine) vous rebutera à l’idée d’affronter l’épreuve autoroutière. Ceci dit, la Kawasaki W800 a été conçue dans un tout autre esprit que de cruiser et d’avaler les kilomètres sur autoroute ; son terrain de prédilection est la route de campagne, le chemin touristique et la route du vignoble.
A deux, le confort n’est pas excellent. La moelleuse selle est agréable, laissons-lui. Par contre, le passager se retrouve exactement derrière vous, caché derrière votre casque. Les poignées ne lui permettent pas de s’agripper confortablement ; elles sont basses et petites. L’ergonomie est d’époque, c’est ainsi qu’est conçue la W800 dans son ensemble.
Parfois, un passage sinueux viendra perturber votre calme et titiller votre corde sportive. L’envie de vous lâcher et de vous prendre pour un Tom Sykes vous surprend ? Pas de problème, il suffit de tomber quelques rapports et faire vibrer le double berceau en acier du châssis. Les accélérations sont linéaires et le moteur s’essouffle à l’approche de la zone rouge ; jouons donc avec le couple ! A haute vitesse, la suspension peine à filtrer les irrégularités de la chaussée…
A l’approche du premier virage, votre main droite se referme le levier de frein. Bien que le moteur ne développe pas plus de 50cv et que les vitesses atteintes ne sont pas phénoménales, le simple disque de frein de 300mm doit tout de même freiner les 217kg de la machine… et les septante et quelques du pilotes en herbe. Autant dire que le freinage est d’une puissance à la limite de l’acceptable. En conduite en duo, il sera nécessaire de garder vos distances avec votre prédécesseur… En mode arsouille, on se défoule sur ce frein avant et on flirte avec la limite d’adhérence.
En plein virage, on pose la moto sur le cale-pied et évite d’insister, au risque de poser l’échappement qui, lui, présente une adhérence nettement différente à celle de vos pneus ; glissante expérience faite lors d’une étape de la W800 Cup organisée par Kawasaki Suisse. Jouer du frein arrière (à tambour) est possible afin de corriger la trajectoire. Avec la W800, on ne va guère dans la dentelle, l’équipement de la partie-cycle, les pneumatiques et le système de freinage laisse place à de belles approximations et erreurs grotesques de pilotage. A des vitesses prohibées, il est dangereux de prendre de l’angle car, comme révélé plus haut, la suspension distille des ballotements qui ne mettent guère en confiance.
Le virage se termine et on sort la poignée de gaz en butée. Ce ne sont pas les 60Nm qui mettront en défaut l’adhérence du pneu arrière.
La Kawasaki W800 demande du muscle pour la balancer d’un virage à l’autre. Elle n’a pas l’agilité du roadster Z1000, c’est sûr !
Pour plus de sport, de précision et de rigueur, il est toutefois possible d’acquérir la version Cup de la W800. Au menu, on trouve : échappements Akrapovic, suspensions avant et arrière LSL, selle ClubMan, guidon FlatTrack, frein avant avec disque en pétales et durites aviation, supports de repose-pieds pivotant, jantes allégées … et suppression des phares, clignotants et autres appendices inutiles en courses. La W800 Cup ainsi présentée est proposée au prix de CHF 13’900.- (inclus les CHF 7’400.- de pièces et modifications). Le résultat est plutôt sympathique ! Pour une utilisation route, il suffira de penser aux phares et aux clignotants… Dans cette configuration, la W800 prend du grade et devient réellement amusante en mode arsouille ! Il ne lui manque qu’un guidon bracelet pour jouer dans la cour des Café Racer d’époque.
Les qualités de la W800 ne sont pas à chercher dans les chiffres inscrits sur le papier ni même dans ses performances réelles mais plutôt dans son charisme. Une balade sur sa selle est à assimiler à un moment d’intense quiétude et de bien-être. On achète une W800 pour sa philosophie. Elle incite à la balade sourire au vent ! A l’occasion de cet essai pour le moins mémorable, un casque jet aurait été la cerise sur le gâteau.
Alors, qu’attendez-vous pour l’essayer, amis du blouson oldschool ?