Durant la saison 2010, tout le monde, journalistes, amateurs, professionnels et même la concurrence, spéculaient sur l’arrivée plus que probable d’une nouvelle supersportive 1000 chez Kawasaki. Vexé par la mise sur le marché de la puissante bavaroise S1000RR, Kawasaki n’a pu s’empêcher de riposter ! C’est le genre de dispute que l’on aime… la course aux chevaux et aux performances pures !
La Kawasaki ZX-10R débarque sur le territoire suisse en 2011 avec de grandes ambitions.
Lors de notre prochain quiz-concours, nous pourrions demander quelle était la couleur de la ZX-10R à l’essai. La plupart d’entre vous ne prendraient même pas la peine de consulter notre article-essai et les photos pour cocher la réponse correcte. Une Ninja, c’est vert ! Le vert de cette édition 2011 tire sur le vert fluorescent ; coloris qui lui donne un style très racing. Le but est atteint, je suis sous le charme… Me voici prêt à dompter une bête de course échappée des circuits.
Basse, large de l’avant et fine de l’arrière, elle est imposante et intimide les plus aguerris d’entre nous. Regardons-la d’un œil méfiant, puis, osons ouvrir le deuxième ! Finalement, plus on s’approche d’elle, plus la tentation de la chevaucher est grandissante.
La ZX-10R 2011 peut se targuer d’être une nouvelle moto. Le châssis, la partie-cycle, le moteur, … tout a été repensé ! Faire table rase est dans les mœurs de Kawasaki ; pas que l’on essuie le passé, mais plutôt dans la logique d’utiliser les connaissances acquises au profit de nouvelles technologies. La dernière Z1000 nous a démontré que le procédé était plutôt gagnant !
Pour en revenir aux nouveautés, parlons du moteur, celui qui délivre la bagatelle de 200cv à 12’500tr/min (209.9cv avec le RAM Air) ! Une révolution dans le monde des deux-roues. Le record de puissance en regard de la cylindrée était détenu par la bavaroise S1000RR avec ses 193cv. En 2011, cette dernière est détrônée par la Nippone. A l’heure de la répression routière, n’est-ce pas complètement déraisonnable, ou, plutôt, une incitation à une utilisation intensive sur circuit ?
Au menu des améliorations, on compte l’élargissement des soupapes d’admission, l’allègement des pistons, les arbres à cames en chromoly, les bielles renforcées, la gestion moteur plus légère de 63g (242g), de même pour la batterie qui perd 1kg (3’080g), la fameuse admission d’air forcée RAM Air voit sa boîte prendre du volume, le système d’échappement en titane, la chambre d’expansion des gaz d’échappement en position centrale, l’échappement de petite taille, la boîte de vitesses à cassette de type compétition, …
Le cadre à poutre dédoublée en aluminium de la ZX-10R a été complètement refondu au profit d’une structure encore plus fine, plus légère et plus rigide. Le bras oscillant arbore également l’aluminium.
De nouvelles suspensions équipent la ZX-10R. La fourche BPF à pistons de gros diamètre permet des freinages plus stables et maîtrisés. L’amortisseur arrière, quant à lui, est de type Back-Link. Il a la particularité d’offrir une meilleure tenue de route (notamment sur le dernier tiers du débattement), un travail plus souple en première moitié de débattement (même avec des tarages durs), une stabilité et un ressenti de meilleure qualité en virage ainsi qu’un recentrage des masses. La fourche et l’amortisseur arrière travaillent de concert et l’effet de bascule de la moto est des plus contenus.
Côté électronique, la Ninja n’a pas été écartée des innovations technologiques de la marque verte. Outre une cartographie paramétrable en trois modes, elle dispose d’un contrôle de traction (S-KTRC) évolué et adapté à sa puissance et à sa vocation. De plus, de nos jours, toutes les grosses cylindrées bénéficient d’un ABS moderne (KIBS) ; est-il donc nécessaire de stipuler que la ZX-10R en est équipée ?! Oui, car cet ABS est le premier à être en interaction avec l’unité centrale électronique (UCE) du moteur ! En effet, il surveille la pression hydraulique des étriers avant et divers paramètres fournis par l’UCE du moteur (ouverture des gaz, régime moteur, sollicitation de l’embrayage et rapport engagé). Précisons, au passage, que le contrôle très précis de la pression du frein procure des avantages notoires en conduite sportive : suppression de la levée du train arrière, phénomène de rebond minime au freinage, prise en compte du contre-couple. La Ninja déboule sur le marché avec des atouts non-négligeables à faire trembler la concurrence.
Il est temps de monter en selle, je trépigne d’impatience !
Je chevauche la fée verte et agrippe les bracelets. Ouch, je suis bien sur une sportive ! Ceci dit, contrairement à ses devancières, l’édition 2011 se veut moins radicale, d’un point de vue de la position de conduite. Mes yeux s’écarquillent à la vue du tableau de bord. Le petit écran LCD est surmonté d’une ligne arquée couverte de diodes. Je tourne la clé de contact et m’émerveille. Ambiance racing assurée ! Les diodes s’illuminent, l’amortisseur de direction signé Öhlins, un réservoir imposant, une position de conduite optimale, tout incite à la course !
Sans tarder, je démarre le bloc 998cc. Un feulement rauque et présent réveille la paisible nature qui m’entoure. Un léger coup de gaz et le moteur répond avec rage.
Le contrôle de traction est réglé au minimum (route sèche impérative), la gestion du moteur affiche un F comme full… Je ferme mon blouson, puis ma visière. Le premier rapport se verrouille d’une brève impulsion de mon gros orteil gauche. Je relâche l’embrayage progressivement… me voilà en route !
Quelques minutes suffiront à laisser le moteur et les pneus monter en température. L’ordinateur de bord m’informe des températures du liquide de refroidissement et de l’air à l’entrée du RAM Air. Ces dernières sont optimales : 88 et 20°C.
Je tombe quelques rapports à la vitesse de l’éclair. La boîte de vitesses offre une réactivité remarquable. A la vitesse à laquelle je roule, je sens l’assistance électronique de l’embrayage travaillée… elle évitera à ma roue arrière de bloquer (même pas drôle !). Je suis sur le deuxième rapport, le bruit du moteur me plaît plutôt bien. Très policé à bas régime et méchant garçon dès que l’on franchit la barre des 6’000trs/min ; j’apprécie, beau travail pour un échappement d’origine ! Par contre, si cette Ninja était mienne, j’avoue que j’opterais sans hésiter pour le mini-échappement Akrapovic disponible dans la liste des accessoires.
Un bruit qui m’incite clairement à essorer la poignée de droite. Oserais-je ? Et comment ! Je câle mes fesses au fond de la selle, approche mon torse du réservoir, et m’élance ! Les 6’000trs/min passés, une première vague de puissance se manifeste… puis, les 10’000trs/min, et, là, l’excitation est à son paroxisme. A ce stade, la roue avant est complètement délestée ; milliseconde après milliseconde, l’électronique veille à ce que la roue arrière ne se dérobe pas et que la roue avant ne décolle pas d’un millimètre. Je ressens à peine la lutte entre la mécanique, les lois de la physique et l’électronique, tant les corrections sont précises et distribuées à doses calculées minutieusement.
La prise d’angle est impressionnante ! A force de rouler des roadsters sportifs, des grandes routières, j’ai oublié à quel point il était possible de pencher. La légèreté de la moto, sa nervosité et sa monte pneumatique permettent de placer la moto en virage simplement en se focalisant sur son regard porté au point de sortie.
En appui, sur l’angle, même sur nos routes parfois un peu dégradées, la moto filtre parfaitement les irrégularités du bitume et me met en confiance dès les premières courbes. Elle répond à mes moindres sollicitations et, une fois positionnée, elle ne bouge plus d’un poil !
En sortie de virage, gaz ouvertes en grand, la roue avant tend un peu à chasser vers l’extérieur et la roue arrière glissouille de manière amusante ! Le S-KTRC (contrôle de traction de Kawasaki) travaille à merveille. Sur les trois modes, le plus permissif n’a pas un rôle castrateur. Il permet l’arsouille couteau entre les dents sans ressentir de violentes coupures de gaz ou diverses autres réactions néfastes au pilotage.
Il en va de même pour l’ABS, freins appuyés au maximum, les freins ne se bloqueront pas puis se débloqueront comme un ABS standard ; la force de freinage est optimisé, les effets de l’ABS sont complètement lissés. Vraiment bluffant ! De plus, vous ne risquerez pas de partir en stoppie avec la Ninja car, tout comme pour l’accélération, son électronique empêche la roue arrière de se lever.
Une fois n’est pas coutume, les éléments jouant à la sécurité des pilote et passager chantent à l’unisson avec les objectifs visant à des performances encore plus élevées ! Les ingénieurs de Kawasaki ont rempli leur mission avec brio !
La vie à bord de la Kawasaki ZX-10R est pour le moins déroutante. Bien que l’on se trouve sur une supersportive, on s’y sent bien ! Le confort, relativement à la catégorie, est remarquable. On s’osera à de longues balades sans appréhension. Durant toute la durée de l’essai, je n’ai pas eu à me plaindre de douleurs… et pourtant, je fais partie des douillets ! Seule ma passagère a souffert… cela ne vous étonnera point ! Une supersportive n’est pas vouée à la balade paisible à deux, cela va de soi.
Une consommation d’essence avoisinant les 6.5litres/100km reste correcte pour la cylindrée et la puissance de la machine. En ouvrant sérieusement, la consommation grimpe d’un litre pour 100km… encore une fois, aucune exagération.
Un point qui mérite d’être relevé est bien l’efficacité des rétroviseurs ! Effectivement, la position basse et très éloignée du carénage leur permet d’offrir un excellent champ de vision vers l’arrière. D’autres constructeurs devraient prendre exemple !
La Ninja ZX-10R se définit comme une supersportive aboutie. Elle se laissera apprivoiser sans appréhension autant qu’elle intimidera par sa puissance d’accélération. Des performances inexploitables sur routes ouvertes, notons-le ; cependant, elle ravira les amateurs de sensations fortes. Une précision extrême, une puissance démentielle, un look à faire pâlir la concurrence, la Ninja a tous les atouts pour elle ! Son confort relatif lui confère polyvalence ; son propriétaire pourra s’échapper dans les cols de nos Alpes tout comme s’attaquer au circuit sans devoir passer au rayon des pièces pour la piste…
Les Neuchâtelois ont leur Fée verte, alors, pourquoi pas vous ?!