En général, lorsqu'une moto est douée d'un grand pouvoir charismatique, la rigueur n'est pas complètement au rendez-vous... et c'est justement ses petits défauts qui font son côté vivant et attachant et surtout son charme. Chez BMW, on a trouvé le truc. Quand une certaine marque automobile qualifie ses modèles par le slogan "das Auto", nous pourrions en dire autant de BMW : "das Motorrad". Enfin, sur le réservoir de notre RT d'essai, nous pouvons lire "Motorrad Kompetenz"... ce n'est pas le fameux stunter Chris Pfeiffer qui dira le contraire ! Que vous soyez pro-BMW ou non, vous remarquerez que chaque modèle de la marque à l'hélice porte cette touche "BMW" !
Avant même de chevaucher cette nouvelle R1200 RT, nos attentes sont importantes. Sans avoir déchiffrer le dossier de presse, nous spéculons déjà sur la perfection en son domaine.
Détaillons ce monument ! Que l'on s'attarde sur le design, les technologies employées ou la mécanique, la RT se distingue par sa conception entièrement nouvelle. Pour l'occasion, on ne peut pas dire qu'elle comble ses tares (car il était difficile de lui en trouver sur le précédent modèle), mais plutôt qu'elle sublime les notions fondamentales du sport touring.
La mécanique ! Ah, que les puristes excusent les ingénieurs bavarois et admettent l'évolution. Dorénavant, la RT s'équipe du nouveau twin à refroidissement liquide introduit sur le marché par la cousine R1200 GS. Fort de 125cv et de 125Nm, il distille bien plus de sensations que ce que pourrait laisser sous-entendre le papier.
D'un côté du design, on ne dira guère que BMW s'est contenté de rafraîchir sa mythique RT. Bien au contraire, les designers ont réalisé une toute nouvelle moto tout en gardant les volumes caractéristiques de la RT, à savoir un avant large et imposant et une partie arrière plus effilée sans oublier la mise en évidence du twin boxer et du mono-bras oscillant. La RT est une icône de la production deux-roues et se doit de garder son identité. La ligne générale est dorénavant nettement plus fluide et légère, quant à sa face avant, elle prendrait presque des airs sportifs ! Instaurés avec le vaisseau amiral K1600 GT(L), les feux diurnes "angel eyes" à LED sont du plus bel effet.
En parlant du design, on relève également une qualité de finition fidèle à la fabrication allemande. Les assemblages et les matériaux utilisés sont parfaits et, à plusieurs endroits de la moto, on remarque des détails bien pensés qui ajoutent une touche très chic à l'ensemble !
Et finalement, ce sont bien les technologies embarquées sur lesquelles nous nous attarderons. A l'instar de la grande soeur, la K1600 GT(L), la RT est équipée de toute l'armada technologique : Automatic Stability Control (contrôle de traction), Shifter Pro (permettant de passer les rapports en accélération sans débrayer), Hill Start Control (aide au démarrage en côte), gestion de la cartographie moteur (Rain, Road ou Dynamic), suspension semi-active ESA dynamique (Electronic Suspension Adjustment - avec cette suspension, l’amortissement est automatiquement adapté aux conditions repérées, en fonction de l’état de conduite et des manoeuvres du pilote), écran couleur TFT de 5.7 pouces de diagonale (BMW Motorrad Pro), système audio...
Comme à l'accoutumée, nous ne nous surprenons pas que certaines de ces dotations soient en option. Toutefois, avec cet arsenal technologique, la RT fixe à nouveau la barre très haut face à la concurrence.
Quand on est en selle et que l'on se retrouve face au tableau de bord de la RT, heureusement nous ne sommes pas impresionnés par une pléthore de boutons et autres molettes. Bien au contraire, BMW fait dans l'intuitif et propose sa fameuse molette multicontrôle capable de gérer les nombreuses fonctions s'affichant à l'écran en quelques rotations. Quant aux autres boutons, chacun a sa fonction et s'active du bout des doigts. On apprécie cette ergonomie d'utilisation. Le novice trouvera ses marques en deux temps trois mouvements. Aussi, l'écran couleur TFT apporte un agrément d'utilisation important ; en comparaison, d'autres marques concurrentes se contente d'un simple écran monochrome qui semble être d'un autre âge...
Il suffit alors de quelques rotations et coups de molette multicontrôle pour choisir la meilleure chanson stockée sur votre smartphone ou clé USB, paramétrée le comportement du moteur ou le tarage des suspensions. Et s'il fait froid, optez pour le chauffage des poignées ou des sièges.
Au moment de démarrer la moto, on remarque de suite que le boxer provoque moins d'inertie. Un coup de gaz au point mort en apporte la preuve. Aussi, cette version "liquid cooled" présente une sonorité plus feutrée et moins métallique que la précédente version "air cooled". Le R1200 a perdu son bruit caractéristique similaire à une machine à coudre... C'est tant mieux !
Et vient l'instant où l'on engage le premier rapport. Tout en souplesse, débrayer se fait à deux doigts. Le premier rapport se verrouille sans difficulté ni fracas. On reconnaît la griffe BMW dans les moindres détails de la moto. Puis on s'élance dans la circulation urbaine particulièrement dense en ces heures de pointe. Bien qu'il faille prêter attention au poids de la machine, notamment dans les manoeuvres à basse vitesse, la RT se faufile facilement d'une colonne de voitures à l'autre. Sa largeur n'est pas handicapante lorsque les valises latérales sont absentes. Aussi, la sensibilité et la précision des commandes de frein et d'embrayage contribuent à la facilité de prise en main et à son agilité. On se sent à l'aise très rapidement ! Il n'y a que le Telever (système de suspension avant) qui pourrait perturber ceux qui n'y sont pas habitués. En effet, la plupart des motos plongent de l'avant au freinage ; la RT, elle, ne bronche pas et garde une assiette parfaitement horizontale lors des freinages. Il en va de même pour les accélérations, l'amortisseur ne s'enfonce pas grâce au Paralever (système de suspension arrière). Le passager ne sera ainsi pas secoué comme un prunier en passant d'un carrefour à l'autre.
Dès que l'on doit s'arrêter, les petits gabarits peuvent remercier les ingénieurs BMW pour le travail effectué sur la disposition de la selle. En effet, par rapport à sa devancière, celle-ci culmine 20mm plus bas. D'une part, l'ergonomie du triangle formée par le guidon, la selle et les repose-pieds est améliorée, mais surtout, la hauteur de selle passe à 805mm en position basse et 825mm en position haute. Il est également possible d'obtenir en option une selle basse (760-780mm) et une selle haute (830-850mm). La selle basse permet dorénavant de bénéficier du châssis ESA, impossible sur l'ancienne RT.
Une fois la jungle urbaine franchie, c'est avec plaisir que l'on rejoint la campagne et ses routes viroleuses.
On peut enfin profiter pleinement des possibilités de la RT, tant des avantages multimédia (radio ou musique du smartphone) que des nombreux paramètres de conduite (cartographie-moteur, calibrage des suspensions). Bien que le degré de personnalisation de la RT soit élevé, on trouve sans difficulté les réglages qui conviennent à la situation de conduite. En effet, d'un mode à l'autre, la moto change de visage et s'adapte avec grande efficacité. Il suffit de sélectionner le mode Dynamic pour découvrir tout le potentiel sportif de la RT. Le moteur répond alors à la moindre sollicitation de la poignée des gaz, la suspension semi-active ESA se durcit, l'ABS et le contrôle de traction retardent leur entrée en action... c'est ainsi qu'il est possible d'exploiter pleinement les performances de la RT. En se prenant au jeu, on prend un plaisir fou à violenter cette grosse routière de 274kg (poids tous pleins faits) ! Freinage de trappeur à deux doigts, angle de malade sans même que tout frotte, poignée de gaz soudée à la sortie de virage ! La RT permet de belles grosses arsouilles. Son flat-twin très coupleux à bas régime offre d'excellentes relances, rendant ridicules pas mal de sportives qui tenteraient de suivre dans les parcours sinueux. Il ne lui manque qu'une louche de puissance pour vraiment tenir le rythme en ligne droite. Ceci dit, rappelons que la vocation de la RT n'est pas celle d'une ouvreuse de rallye routier ou d'une safety bike sur circuit... la RT est une routière grand tourisme pour voyageurs - parfois - pressés !
Et lorsque l'on passe en mode Road, la RT se transforme en voyageuse prête à enquiller les kilomètres du matin au soir (et même la nuit, car la puissance de ses phares est remarquable). Le moteur adopte une cartographie pour une conduite plus coulée et la suspension s'assouplit pour absorber parfaitement les irrégularités de l'asphalte. Il ne manque que le top-case pour permettre au passager de s'assoupir le temps d'une incartade sur l'autoroute... D'ailleurs, en parlant d'autoroute, la protection à haut vitesse est évidemment excellente une fois le pare-brise remonté à la bonne hauteur pour éviter les turbulences. Et même à la vitesse maximale autorisée, vous continuerez d'écouter votre musique préférée, tant le système stéréo est de bonne qualité ! Pour en revenir au confort offert par la RT, on ne se lassera jamais de la volupté distillée par le flat-twin. De légères vibrations à bas régime qui rappellent l'architecture-moteur, une inertie très maîtrisée qui ne perturbent pas la stabilité de la moto en virage, des relances sur le dernier rapport bien suffisantes pour se balader d'un virage à l'autre, un confort de haut vol qui nous fait oublier l'état parfois lamentable de nos routes secondaires, un aura typiquement BMW qui communique une sensation de sécurité et de total control (il n'y a pas que chez Honda!), ... la RT est l'une de ces machines dont on se sépare difficilement et qui nous donne des ailes au moment de la chevaucher.
Après plus de deux heures en selle, bien qu'elle soit confortable et qu'on ne ressent aucune douleur, la pause s'impose... ne serait-ce que pour boire un schlouk, se dégourdir les pattes et profiter du paysage. Et peut-être passer à la pompe, enfin, pour le peu que la RT consomme (environ 4.8 litres pour 100 kilomètres parcourus).
En quittant la moto, on verrouille nonchalamment les valises latérales de 32 litres chacune à l'aide de la télécommande. A priori, on qualifierait cette télécommande de gadget... mais en pratique, elle prend tout son sens et l'on s'en passerait difficilement. Il ne manquerait que le système keyless (sans besoin d'introduire la clé dans le Neimann) pour parfaire le tableau !
Finalement, nous aurons passé près de deux mille kilomètres à son bord, des instants apaisants dans le cadre de balades dominicales et des instants toniques après une longue journée de travail. Polyvalente à souhait, cette RT comblera les motards les plus exigeants. Et celle ou celui qui occupera la place passager bénéficiera d'un "fauteuil" de choix. Moelleux et grande surface de selle lui feront oublier les kilomètres parcourus !
Nombreux sont ceux qui penseront qu'elle se comporte tel un paquebot juste bon à tailler des lignes droites... on a bien remarqué qu'il n'en était rien et qu'elle était capable de bien des velléités !
"RT, das Motorrad."