En ce début de saison moto (pour la Suisse, du moins !), Yamaha Suisse a convié la presse à un essai routier. A cheval entre les Grisons et le Tessin, une poignée de journalistes ont eu la chance de s’évader du quotidien pour une escapade énergique. Au menu du jour, c’est la version la mieux équipée de la FJR 1300 qui s’offre à nous. Dans le jargon des commerciaux et des motards avertis, elle s’appelle FJR 1300 AS. L’adjonction du "S" signifie que la FJR 2013 est équipée d’un embrayage à commande électronique (changement automatique des rapports de boîte) et du système de réglage électronique de la suspension. Pas mal, non ?
La belle routière aux trois diapasons ne subit pas de grands chamboulements esthétiques. La ligne générale reste fidèle à la famille FJR. Un carénage avant imposant redessiné, un bloc de phares au style dynamique avec l’adjonction de LED, un arrière effilé prévu pour recevoir des valises latérales, on fait dans le sport-touring et le résultat est plutôt réussi. Yamaha a trouvé le bon compromis entre sportivité, dynamisme et élégance.
A première vue, on surprendrait certains disant que cette FJR limite ses nouveautés à un simple facelift. En réalité, il n’en est rien ! La FJR 1300, modèle AS, emporte un équipement pléthorique de dernière génération. Du moteur aux éléments de carénage en passant par le châssis et les éléments de suspension, la FJR cumule les nouveautés. En voici la liste succincte :
Contrôle électronique de l'ouverture des gaz YCC-T (Yamaha Chip Controlled Throttle) : Toutes les routières y viennent. La commande ride-by-wire est garante de précision et de maîtrise des gaz. Au passage, le moteur de la FJR gagne 2kW.
Système de contrôle de la traction (TCS) : En étroite collaboration avec l’ECU et le YCC-T, le contrôle de la traction surveille en permanence l’adhérence de la roue arrière dans les instants d’accélération. Lorsque le système doit intervenir, il ajuste, par l’intermédiaire de l’ECU, le calage à l’allumage, le volume d’injection et l’ouverture des gaz. Le TCS est déconnectable, si besoin.
Régulateur de vitesse : Cet élément est un inconditionnel pour les longs trajets. Activable dès 50km/h et le troisième rapport, il permet d’envisager sans appréhension l’épreuve autoroutière et les trajets peu divertissants.
Système Yamaha D-Mode : Egalement lié à l’ECU et au YCC-T, le D-Mode n’est autre que la possibilité de basculer la gestion électronique (cartographie) du moteur en mode Touring ou Sport. L’un privilégiera la souplesse et la douceur de la commande des gaz ; l’autre libérera le moteur pour une conduite sportive et précise.
Cylindres sans chemise revêtus d'un placage en céramique : A l’instar des modèles supersports R6 et R1, le bloc de 1298cm3 adopte le placage céramique des cylindres à même l’alliage pour une meilleure dissipation de la chaleur du moteur.
Ajustement plus rapide du système YCC-S (Yamaha Chip Controlled Shift) avec la nouvelle fonction Stop Mode : Pour 2013, Yamaha a amélioré la réactivité et "l’intelligence" du YCC-S, ce système à embrayage électronique permettant un changement éclair des rapports de boîte. L’adoption du YCC-T permet au YCC-S d’être plus à l’écoute du style de conduite et des intentions du pilote.
Le Stop Mode interdit les sous-régimes et rétrograde automatiquement, rapport après rapport, en fonction de la vitesse de déplacement. Par exemple, lors d’un arrêt brutal, partant du principe que vous n’avez eu le temps de rétrograder, le Stop Mode passera alors automatiquement le premier rapport.
Système de réglage électronique de la suspension : Eprouvée par la concurrence bavaroise depuis quelques années, la gestion électronique est enfin choisie par Yamaha pour équiper sa routière FJR. Comme son nom l’indique, du bout du doigt, il est possible de régler sa suspension avant-arrière en fonction du chargement de la moto, avec ou sans passager, avec ou sans bagage. Aussi, le tarage des suspensions peut être choisi de Soft à Hard, en passant par Normal ; chacun des trois s’affine ensuite sur une échelle allant de -3 à +3. Autant dire que cette FJR fait un très grand bond en avant en terme de technologie et de personnalisation du style de conduite !
Nouvelle fourche inversée : Le système de réglage électronique de la suspension a imposé l’adoption d’une fourche inversée. Aussi, l’un des tubes se charge des réglages en compression tandis que l’autre reçoit les réglages de détente. La séparation des "tâches" a été expérimentée et validée sur la Yamaha R1. Cette configuration permet ainsi de plus grandes possibilités d’ajustements précis.
Pare-brise et carénage : Le pare-brise revoit son mécanisme pour plus de légèreté et de rapidité. Quant au carénage, il a subi une refonte complète pour offrir une meilleure protection contre les intempéries et une excellente pénétration dans l’air.
Tableau de bord complètement redessiné et ordinateur de bord de conception nouvelle : Le tableau de bord se divise en trois parties. A gauche, une aiguille indique le régime moteur. Au centre, un écran LCD présente la vitesse, le niveau d’essence et l’heure. A droite, on retrouve toutes les informations importantes (les trips, la consommation moyenne, l’autonomie, les températures extérieure et du liquide de refroidissement, le temps de route, ...) et les possibilités de personnalisation (réglages du pare-brise, des suspensions, des poignées chauffantes).
Les ingénieurs Yamaha ont eu pour tâche de revoir la FJR de fond en comble avec une seule idée en tête : offrir aux acquéreurs une moto à la fois performante, agréable à rouler et confortable pour de longs trajets.
Outre ces nouveautés, la FJR conserve les attributs et qualités déjà présents sur le modèle précédent (lire notre article-essai), à savoir un puissant moteur de 1298cm3 développant 146cv et 138Nm, un cadre typé sport en alu, un grand réservoir de 25 litres, des sacoches latérales étanches, une transmission finale par cardan, des poignées chauffantes, une prise 12V de série, un pare-brise, une selle et un guidon réglables, ... La FJR 1300AS livrée de série est complète et "ready to travel" !
Le soleil se lève sur Coire, capitale du canton des Grisons. Le ciel est d’un bleu profond. Le thermomètre dépasse à peine les 10°C. La météo joue en notre faveur (enfin, diront certains !). Les conditions sont réunies pour un test routier optimal.
Après une instruction sur les multiples possibilités de personnalisation des suspensions, je ne tarde pas à faire ronronner cette noble mécanique à quatre cylindres. Un doux feulement sort des deux échappements catalytiques (plus que deux catalyseurs contre quatre auparavant). Je passe le premier rapport en levant le sélecteur du bout du pied gauche, déroutant ! C’est simple mais inhabituel ; on monte les rapports en levant le sélecteur, on les tombe en appuyant sur le sélecteur. Le schéma est le suivant : N-1-2-3-4-5. Vous avez bien lu, la FJR a toujours ses cinq rapports. Yamaha a jugé son moteur si souple qu’un sixième rapport n’était pas nécessaire.
Les manoeuvres à basse vitesse sur le premier rapport sont aisées. Le YCC-S gère parfaitement l’embrayage et ne génère aucun à-coup ou sensation malvenue.
Dès les premiers tours de roue, je remarque de suite que tous les commodos tombent naturellement sous les doigts, et pourtant les boutons et autres poussoirs sont nombreux. L’ergonomie a été travaillée et ça se voit. A priori compliquée, du moins en la décrivant, la navigation dans les menus de l’ordinateur de bord se fait intuitivement. D’ailleurs, en cette fraîche matinée, je m’empresse d’activer les poignées chauffantes (réglables sur trois positions en roulant et niveau de température entièrement paramétrable à l’arrêt). La chaleur dissipée est constante et ne varie pas en fonction de la disponibilité de l’alternateur, comme nous voyons (encore) trop souvent sur d'autres motos.
La position de conduite est strictement identique à l’ancien modèle. Les jambes repliées, le buste légèrement orienté vers l’avant, la position est naturelle et adaptée à de longs trajets. La selle est assez ferme ; les plus douillets opteront pour la selle en gel proposée au catalogue des options Yamaha.
Calfeutré derrière le pare-brise mis en position haute, je ne crains pas les quelques kilomètres autoroutiers à parcourir. De ce fait, j’imagine que le carénage et le pare-brise protègent idéalement des intempéries. Il me semble également que le pare-brise ne monte plus aussi haut ; ainsi, le champ visuel n’est plus entravé comme je le regrettais sur l'ancien modèle. La face avant du carénage a été dessinée de sorte qu’un flux d’air pénètre juste au-dessus du tableau de bord et évite le vide d’air désagréable entre mon buste et le pare-brise, lorsque ce dernier est en position haute.
Je profite du parcours autoroutier pour évaluer le fameux D-Mode. En mode Touring, apprécié lors de balade en duo, le moteur répond tout en douceur à la rotation de la poignée des gaz. Pour un angle de rotation équivalent, le mode Sport provoque une réaction instantanée du moteur. Le ride-by-wire a du bon et est parfaitement maîtrisé sur cette FJR. Le moteur se contrôle du bout des doigts. Durant tout l’essai, je resterai en mode Sport, plus approprié aux circonstances.
Enfin, la sortie d'autoroute ! Les virages sont à quelques coups de gaz. Mon guide avait mangé du lion au petit-déjeuner, c'est sûr ! Trois coups de pouce gauche sur la gâchette et je me retrouve sur le deuxième rapport sans avoir subi une seule secousse. J’ouvre les gaz en grand. Le quatre-cylindres fait bondir la FJR. Son allonge est bluffante. De 2’000tr/min à la zone rouge (située à 9'000tr/min), il souffle sans faiblir. Il a du coffre et distille sa puissance et son couple avec une douce poigne. Les performances sont bien là et je n’ose regarder le tachymètre qui affiche déjà trois chiffres... Je me calme et passe alors les rapports à la hausse. Lorsque le moteur n’est pas en charge, à la décélération par exemple, le YCC-S dose parfaitement les gaz et l’embrayage. Par contre, lors de grosses accélérations, on regrettera toujours la présence d’à-coups à chaque passage de rapport. Mais finalement, est-ce techniquement possible de couper les gaz, débrayer, passer le rapport supérieur, embrayer et rouvrir les gaz, tout cela en une fraction de seconde (0.3 seconde exactement) sans provoquer d’à-coup ? Il ne faut pas oublier que le YCC-S est un simple embrayage assisté pour plus de confort et non un système de boîte automatique à viscocoupleur ou à double embrayage... Yamaha a souhaité conserver une architecture traditionnelle de l’embrayage et de la boîte de vitesses. L’authenticité-même que recherche le motard, le vrai.
Après quelques kilomètres d’utilisation, le YCC-S se fait oublier et me permet de me concentrer sur la route et ses dangers, sur mes trajectoires et mon pilotage, mais aussi d’apprécier les paysages et la nature qui s’éveille en ce printemps.
Quand le premier virage pointe à l’horizon et vient perturber ma grande quiétude au guidon de cette routière, je me demande comment va réagir ce petit monstre de près de 300kg (296kg pour être précis). Avant tout, il faudra ralentir sa course folle. A choix, le frein arrière couplé au frein avant pour un freinage sûr et homogène ou le frein avant seul pour un gros freinage de trappeurs (à éviter en duo, cela va de soi!). Dans les deux cas, je constate que la FJR est équipée correctement. A l’avant, Yamaha assure avec un ensemble Nissin composé de deux disques de 320mm de diamètre serrés par des mâchoires à quatre pistons. Rien d’extravagant, mais peu importe, c’est efficace. Le freinage est progressif, puissant et dosable. L’ABS se fait très discret lors des freinages appuyés. La moto reste stable, même dans les situations, osons-le dire, extrêmes.
A l’entrée du virage, je soigne ma trajectoire avec dextérité. La FJR obéit à mon regard et rien ne vient la déstabiliser. Elle s’inscrit et je maintiens l’angle sans difficulté. La direction est précise et légère. La suspension correctement calibrée en mode Hard, la moto passe le virage sans broncher. Bien que je sente le poids de la machine, je n’éprouve aucune difficulté à la balancer d’un angle à l’autre. Yamaha avait promis une mise à niveau des capacités dynamiques de la FJR, la promesse est tenue !
En sortie de virage, on peut compter sur le contrôle de traction pour ouvrir les gaz en grand, très grand. La moto a un comportement très rassurant et gomme les imperfections de pilotage. Sur le deuxième rapport, je me propulse au virage suivant avec vigueur.
Que les virages s’assimilent à des épingles ou à des longues courbes, la FJR se pilote intuitivement. Les masses sont parfaitement équilibrées et rien ne vient perturber l’équilibre naturel de la moto lorsque je suis sur l’angle... même en rabotant les cale-pieds. Au passage, ne pensez pas par là que la FJR n’a pas une garde au sol suffisante ; bien au contraire, elle est fidèle à sa vocation sportive et vous permet de passer les courbes à vive allure avec une prise d’angle inavouable.
Coire d’un côté, Ascona de l’autre, nous avons franchi le col du San Bernardino. Il fallait le préciser car à l’allure à laquelle j’ai avalé les cent quarante derniers kilomètres, je n’ai guère profité du paysage.
Arrivé aux portes Ascona, très chic ville tessinoise au bord du lac de Majeur, la circulation se densifie. Se faufiler entre les voitures n’est pas franchement le point fort de la FJR, il faut avouer qu’avec ses valises latérales et ses larges rétroviseurs, elle n’a pas l’aisance d’un filiforme roadster 600cm3. C’est un fait. Par contre, je n’ai souffert d’aucune difficulté à basse vitesse. Comme dit plus haut, le YCC-S travaille à la perfection sur le premier rapport. De plus, il est un allié idéal pour les déplacements urbains... En effet, la main droite est soulagée de l’action intempestive de l’embrayage.
La ville, ce n’est pas son fort, mais elle ne rechigne pas à l’épreuve de la jungle urbaine.
En cette FJR 1300AS millésime 2013, j’ai découvert une vraie et authentique moto sport-touring. Capable de balade et de longues virées au bout de l’Europe comme de belles parties d’arsouille, la FJR enfonce le clou et fait taire à nouveau la concurrence qui s’embourgeoise au détriment des sensations de conduite.