Comme toute sportive, le terrain de jeu choisi pour une présentation à la presse était le circuit (Nardo - Italie). Bon choix pour juger des performances inouïes de la moto, mais finalement, était-ce vraiment les conditions d’utilisation de la clientèle potentielle de cette hypersport-GT ?
Pour répondre à cette question, nous avons jugé utile de soustraire le monstre vert au test routier, dans ce monde régi par les législations et les limitations de vitesse parfois si castratrices.
A voir les caractéristiques de la Kawasaki ZZR1400, nous pourrions à juste titre nous demander si un pareil engin a encore sa place sur nos routes. Puissance démentielle, couple de camion, record d’accélération sur 400m, dimensions hors normes, ... Kawasaki a clairement joué la carte de la vitrine technologique. Elle est sans conteste la référence dans sa catégorie. Kawasaki enfonce le clou et fait taire la concurrence. Les objectifs de vente ne sont pas ceux de l’ER-6n, c’est certain. Ceci dit, Kawasaki a bien l’intention de régner en maître dans ce créneau.
Bien que conscients de ses nombreux atouts dynamiques découverts sur le circuit de Nardo (I), nous voulions mettre la Kawa’ à l’épreuve de nos routes, limitées à 80km/h et recouvertes d’un asphalte parfois dégradé. Des virolets aux longues courbes, de la ville à l’autoroute en passant par les routes de campagne, la ZZR1400 nous a emmené, en solo ou en duo, sur plus de 1’000km.
Est-ce bien raisonnable sur route ouverte ? 210cv à la roue arrière, les motos de série qui affichent autant de puissance se comptent sur les doigts d’une main. Finalement, on se dit que l’électronique saura contenir nos ardeurs. Dans tous les cas, la ZZR1400 impose tant par sa fiche technique que par sa silhouette !
Enfin, il est temps de monter en selle ! Cette dernière culmine à 800mm, ce n’est pas encore trop haut pour une personne de taille moyenne (175cm). Les pieds sont au sol, tout juste à plat pour se maintenir en équilibre. Heureusement d’ailleurs, car la bête fait son poids (268kg tous pleins faits) ; les manoeuvres à basse vitesse seront à faire avec prudence. La selle est large et très confortable. Aussi, elle est ornée d’une texture façon "carbone" du meilleur goût. La passagère, elle, n’aura visiblement pas à se plaindre ; le moelleux et la largeur sont au rendez-vous.
Même en selle, la moto est grande. L’immense réservoir de 22litres s’étire de la selle au large T de fourche et vous oblige à vous étendre sur lui. La position de conduite est "couchée", sans être exagérément appuyée sur les poignets ; c’est un entre-deux, entre la sportive et la sport-GT. Les longs trajets ne seront alors pas fatigants, pour le dos comme pour les poignets et la nuque. Les bras sont allongés et passablement écartés ; c’est sûr, nous sommes bien loin de la position dite "grenouille" que nous imposerait une supersport, et c’est tant mieux.
Les commodos tombent sous les doigts, pas besoin de les chercher de midi à quatorze heures. L’embrayage à commande hydraulique est souple tout en offrant un parfait feeling (vivement les départs arrêtés!).
L’ensemble compteurs et ordinateur de bord est très lisible et regorge d’informations. De la température extérieure au rapport engagé, en passant par la consommation moyenne et le degré de travail du contrôle de traction, c’est le genre d’ordinateur de bord qu’on aime. Complet, clair, esthétique, c’est tout simplement efficace !
Trêve de blabla, tournons la clé de contact et lançons ce quatre-cylindres de 1441cm3 ! Des deux immenses échappements sort un bruit sourd. Certes, un peu étouffé par l’échappement d’origine, le bloc-moteur de la ZZR intimide tout de même ! Une légère rotation de la poignée de gaz et il monte dans les tours dans un vrombissement évocateur. Le temps de fermer le blouson et d’abaisser la visière, nous passons le premier rapport et nous nous élançons.
On enroule sur le couple du mille-quatre. Les rapports s’enchaînent un à un sans forcer sur l’accélérateur à commande électronique et nous sommes déjà hors-la-loi ! Quelle folie ! En mode balade, sans essorer la poignée des gaz, le couple est tel qu’il gomme cette sensation d’accélération que nous pouvons ressentir en tirant les rapports d’une petite 600, par exemple. Efficace, osons le dire ! Tout en douceur, la ZZR emmène avec énergie son équipage. Quelle force tranquille !
Si nous augmentons le rythme et titillons la zone de couple optimal (entre 5’000 et 8’000tr/min ; 162Nm à 7’500tr/min!), la ZZR se réveille et dévoile son potentiel ! Evidemment, nous ne rechercherons pas ses limites physiques, nous l’avions déjà fait à Nardo, en janvier dernier. Toutefois, nous pouvons juger de ses capacités dynamiques.
C’est un rail ! Les longues courbes sont un jeu d’enfant. On regarde loin et la ZZR suit. Aucun effort à fournir, son pilotage est intuitif. La commande des gaz est douce et en parfaite adéquation avec le caractère du moteur ; à bas régime, aucun à-coup à la remise de gaz, et il en va de même haut dans les tours. Le comportement de la moto est très sain. Cependant, on notera que le poids de la moto se fait sentir, dès que l’on se prête à une conduite nerveuse. De gauche à droite, un bon coup de rein pour balancer la moto n’est pas un luxe ! Aussi, au vu des dimensions (et plus particulièrement de l’empattement 1’480mm) et de son embonpoint, on remarquera rapidement que les petits virolets ne sont pas son terrain de jeu favori. Ceci dit, elle ne rechigne pas à l’exercice !
En ville, la Kawa’ montre sa relative maniabilité. Remonter les filles, se faufiler dans les petites rues, et user des départs arrêtés, la ZZR n’a rien à envier aux grandes routières. C’est sûr, elle n’a pas le gabarit d’une petite ER-6n ; cependant, traverser la jungle urbaine n’est pas sujet à appréhensions.
Côté confort, cette hypersport-GT porte bien son nom : des perf’ et du confort réunis ! Pilote comme passager (passagère, en l’occurrence!) parviendront à encaisser des centaines de kilomètres sans souffrir de quelconques maux.
La passagère bénéficie d’une place de choix. Assise sur une large et épaisse selle, elle jouit d’un bon confort. Aussi, la poignée fixée transversalement à l’arrière de la selle permet de s’y agripper efficacement lors de forts freinages, par exemple. Les cale-pieds sont suffisamment distancés de la selle pour fléchir les jambes à l’équerre, agréable pour les longs trajets.
On constate que la ZZR1400 est capable de se déplacer vite, très vite, tout en apportant au pilote une incroyable quiétude. Installé confortablement et agréablement protégé par la bulle, on peut traverser la Suisse en peu de temps sans se fatiguer. Le pilotage de cette ZZR est étonnamment intuitif pour une moto si puissante et pas si légère. Le feeling est tel que l’on se sent en sécurité et en confiance dès les premiers tours de roue.
La ZZR1400 est un concentré technologique à découvrir !