La Versys 1000 déboule sur le marché sans grandes ambitions. D’ailleurs, osons le dire au passage, le marché des gros trails est largement dominé par les concurrentes allemandes et anglaises. Pour les titiller, il faut avoir de gros arguments car la barre est fixée haute, très haute. Ainsi, Kawasaki n'a pas voulu rivalisé et a développé un trail routier basique équipé de quelques attributs dits "modernes".
Esthétiquement, cette Versys ne défraie pas la chronique. Certains diraient même qu’elle l’effraie ! Son moteur à 350cm3 de plus que sa petite sœur. Nul doute, elle tient à le montrer ! Elle ne craint pas le plastique, il y en partout ! Peut-être trop ? L’aurions-nous voulue plus nue ? Du plastique anguleux sur les flancs, de la poupe à la proue en passant par les caches-moteur, les écopes de radiateur et le sabot-moteur. Son œil bigleux lui donne un drôle d’air de cachalot ! Des éléments de châssis tubulaires, de belles jantes, des disques de frein en pétales, un tableau de bord aussi sobre qu’efficace, une large et opulente selle, un optique de frein arrière à LED, un amortisseur arrière horizontal, … Tout compte fait, l’ensemble est plutôt homogène et bien différent de tout ce qu’on peut trouver sur le marché des deux-roues. Rouler "différent", n’est-ce pas une philosophie en soi ?
Côté technologie, on retrouve le must du moment : un ABS, un contrôle de traction et une gestion de la puissance. L’ABS est emprunté à la Ninja ZX-10R et présente un anti-stoppie. Le contrôle de traction (nom de code chez Kawa’ : KTRC - Kawasaki TRaction Control) propose trois modes différents ; les deux premiers privilégient l’accélération tout en limitant la glisse et le troisième axe sur une conduite douce et rassurante. Evidemment, le KTRC peut être entièrement désactivé. La gestion de la puissance, quant à elle, offre la possibilité d’avoir un comportement moteur sain, lisse et policé. Plus loin, nous décrirons quels sont les effets en pratique.
Dès que l’on monte en selle, on constate de suite que nous sommes sur un trail. D’une part, la selle est haut perchée (845mm) et d’autre part, la position de conduite est droite et détendue. Le large guidon apporte une réelle aisance, notamment pour les manœuvres à basse vitesse. La selle est très épaisse et présente une fermeté idéale ; large vers l’arrière pour un maximum de confort et un peu plus étroite vers l’avant pour un meilleur contrôle et, aussi, pour permettre aux petits gabarits de toucher le sol de la pointe des pieds. Les jambes, elles, sont légèrement repliées et se plaquent agréablement contre le carénage à l'abri du déplacement de l'air et des intempéries.
Un coup de démarreur plus tard et la Versys nous révèle son quatre cylindres. Quelques petits coups de gaz nous rappellent sa sonorité typique. En effet, ce 1000cm3 n’est autre que celui qui équipe les Z1000 et Z1000SX ; enfin, celui de la Versys a perdu quelques chevaux au profit d'un gain de couple à bas régime. Ce moteur nous avait d’ailleurs laissé une excellente impression, tant il était coupleux et nerveux. L’idée de le loger dans un trail est originale… mais pourquoi pas !
On passe le premier rapport, puis le deuxième et le troisième. Les rapports s’enchaînent aussi vite que l’éclair. La boîte est rapide et précise. Le moteur est plein dès les plus bas régimes. Rapidement, nous remarquerons que traverser la ville pourra se faire sur les cinquième et sixième rapports sans que le moteur ne sourcille. On aime ! On aime tellement que l’on se faufile entre les véhicules avec une facilité déconcertante pour une moto de près de 240kg, pour être précis, 239kg tous pleins faits. Cependant, il ne faut pas oublier que cette Versys d’essai est équipée d’une bagagerie grand volume de marque Hepco&Becker, et, surtout, très large ! Un accrochage pourrait vite arriver. Durant les manœuvres à très basse vitesse, prêter attention à la largeur et à l’encombrement de l’engin ne sera pas un luxe. Aussi, si les valises sont chargées, un conseil : "attention à ne pas se faire emporter par le poids !"
Une fois hors de la ville, on apprécie les sinueuses routes de la verte campagne. La partie-cycle de cette Versys est un régal. Ni trop ferme, ni trop souple, Kawasaki a trouvé le bon milieu. La fourche et l'amortisseur ont un grand débattement (150mm) et sont réglables en précharge (également en détente pour l’amortisseur). Nous voici prêts à affronter tous les types de revêtements : de beaux billards, des routes défoncées mais aussi des chemins blancs. La Versys est un trail routier à l’image des SUV dans l’automobile. Elle n’est pas une moto tout-terrain ; cependant, elle permet de s’aventurer hors des sentiers battus sans soucis.
De la route, cette Versys en a fait durant notre essai (2800km) ! Elle a vécu l’autoroute, les routes de campagne, les chemins forestiers et même la traversée d’un champ (merci au GPS !). Aurait-elle subi ? Non, elle était dans ses éléments !
L’autoroute :
Comme tout bon motard, moins on en fait, mieux on se porte ! Parfois, l’autoroute raccourcit les trajets afin d’éviter l’orage de fin de journée… L’argument est convaincant. Malgré ce que l’on peut s’imaginer d’une moto haute, lourde et avec de grands débattements, la Versys ne souffre pas de louvoiements ou d’imprécisions. On ne craindra pas non plus un fort freinage ou un brusque changement de direction. Quant à la protection, elle est parfaite jusqu’au torse. Par contre, le saute-vent n’est pas d’une grande utilité au-delà de 120km/h ; il a même tendance à créer des turbulences désagréables, peu importe la hauteur choisie (réglable manuellement). Le sixième rapport assure une consommation modérée à vitesse stabilisée (à peine plus de 5 litres pour 100km parcourus).
Les routes de campagne :
S’il y a bien un endroit où la Versys se royaume, c’est sur les routes de campagne ! Le quatre cylindres, le guidon droit, la position de conduite et l’excellente partie-cycle permettent d’emmener l’équipage avec vigueur, précision, mais aussi, confort. Pif-paf-pif, on se balance de gauche à droite et de droite à gauche. Mettre la Versys sur l’angle est un jeu d’enfant ; un coup de guidon et la moto s’inscrit dans le virage. Pour la redresser, il en va de même !
Le KTRC en mode 3, le moins permissif, aucun souci à la réouverture des gaz ! A fond, à chaque sortie de virage ! Ce mode très sécurisant sera idéal lors de roulage sous la pluie ou sur des routes grasses à moindre adhérence. Les modes 1 et 2, surtout le 1, offrent un maximum d’accélération tout en contrôlant le grip de la roue arrière. Bien que permissif, le système maîtrise parfaitement les lois de la physique. La roue arrière peut partir en glisse, oui, mais toujours de manière contrôlée.
Au sujet des deux modes de puissance, l’un offre le comportement normal du moteur (Full), tandis que l’autre (Low) lisse complètement la courbe de couple et limite la puissance à 75% du maximum. Autrement dit, on se retrouve avec un moteur sans saveur et sans sensations. Ce mode est utilisable sur chaussée mouillée ou en hors piste. Pour notre part, le mode « Full » a été préféré dans toutes les situations de l'essai.
Le freinage offre un parfait feeling et une puissance bien suffisante. On usera du frein arrière lors d’une utilisation en duo ; des freinages "à plat" sont bien plus confortables pour le passager. Quant au frein avant, on peut « rentrer dedans », il ne bronche pas, ça plante ! La fourche s'écrase et la roue va là où on le souhaite.
Le moteur, nous le disions plus haut, est d’une souplesse exemplaire pour un 1000cm3 ; à bas régime, on enroule sur le couple ! Puis, une fois la barre des 6’000tr/min passée, le quatre cylindres dévoile son vrai visage. Il devient franchement nerveux, bien que dégonflé par rapport à sa version "roadster". Les rapports sont longs, et pourtant, la zone rouge est vite atteinte. En pleine accélération comme à régime stabilisé, nous noterons toutefois quelques vibrations aux alentours de 6'000tr/min.
Avec la Versys, s’amuser est possible, de même que tenir tête à de nombreuses autres motos.
En duo, la Kawasaki choie ses occupants. Confort et bonne protection sont au rendez-vous. Assis quelques centimètres plus haut, le passager bénéficie d’un excellent champ de vision et peut ainsi facilement anticiper les courbes et freinages. Son assise est autant moelleuse que celle du pilote. De plus, sa sécurité est assurée par des longues poignées ergonomiques, de part et d’autre de la selle.
Les chemins blancs :
Aidée par son KTRC, sa garde au sol et ses suspensions à grand débattement, la Versys 1000 ose sortir des sentiers battus. Parcourir des kilomètres sur des chemins blancs et des sentiers forestiers est envisageable ! Il est évident qu’elle n’a pas l’âme d’une grande baroudeuse, mais on relève ses aptitudes dont elle n’a pas à rougir ! Le KTRC est d’ailleurs très appréciable et contient parfaitement les ardeurs du moteur... et du pilote. Par ailleurs, c’est bien sur ce genre de revêtement à adhérence limitée que l’on peut juger de l’efficacité du système. Nous nous rappelons des départs arrêtés tonitruants sans que la roue arrière ne se dandine de gauche à droite !
Bien que nous côtoyons plutôt un trail routier qu’un vrai baroudeur, la Kawasaki Versys 1000 a fait preuve d’une polyvalence à toute épreuve ! Facile, évidente et confortable dans toutes les situations, cette Kawasaki nous a séduits. De très longs trajets, seul ou à deux, peuvent être planifiés ; ce n’est pas la capacité du réservoir de plus de 21 litres qui vous retiendra ! Son esthétique discutable sera pardonnée au vu de ses nombreuses qualités dynamiques. Pas prétentieuse pour un sou, cette Versys voulait étoffer le catalogue Kawasaki ; finalement, nous constatons qu'elle se range bel et bien dans le cercle fermé des très bons trails routiers !