L'encre a coulé comme l'eau d'une rivière, direz-vous, mais qui a bien pu écrire tant de choses sur cette Tiger ? Les concurrents, tout simplement, avec BMW en tête qui a crié au scandale lorsque la moto a été dévoilée en fin d'année 2011. Eh oui, la firme bavaroise lui trouve une certaine ressemblance avec son modèle-phare la GS1200. C'est bien connu, on ne copie que le meilleur, non ?
2012 marque ainsi une année de challenge pour Triumph. Outre la BMW GS1200, il faudra également conquérir la Yamaha Super Ténéré. Les Honda CrossTourer et Kawasaki Versys 1000 se trouvent plutôt dans une catégorie dite routière.
Déjà, un trail, tu ne lui mets pas un quatre pattes sous la jupe, c'est un sacrilège, et puis, tu lui donnes un vrai style de baroudeur !
Triumph n'en est pas à son coup d'essai, car la version light de la Tiger Explorer existe, elle se nomme Tiger 800. Vous aurez beau avoir toute la mauvaise foi du monde, la Tiger 1200 a sa propre identité. Et ceux qui viennent me dire que le bec de canard a été copié de la BMW GS, je répondrai simplement que la GS s'était alors fortement inspirée de la Suzuki DR800.
La moto impressionne par sa prestance. Haute sur pattes, large de l'avant et fine de l'arrière, je pourrais facilement la comparer à un nageur pro. C'est clair, le tableau est posé, les baroudeurs seront ravis de cette esthétique brute de fonderie et apprécieront le superbe cadre treillis assorti aux coloris du moteur. De plus, les petites attention destinées aux plus aggueris d'entre eux les combleront.
La bulle est réglable sur plusieurs positions et ce sans outils. Une mini-prise allume-cigare est disponible en bout de réservoir et, chose importante, Triumph ne s'est pas contenté de n'y mettre qu'une prise. On y trouve également un alternateur conséquent qui ne développe pas moins de 950W (la GS dispose de 720W). Les accrocs d'accessoires seront comblés et pourront partir en vadrouille sans craintes.
D'ailleurs, Triumph propose en option une selle pilote et passager chauffante, des poignées chauffantes, des phares antibrouillard haute puissance, ainsi qu'un top-case avec alimentation intégrée pour charger des appareils pendant le trajet. Pas mal, non?
Outre l'aspect esthétique qui plaira ou non, la deuxième chose qui me frappe est la finition qui parait exempte de défauts. A croire que Triumph à réellement poussé le bouchon très loin pour égaler, voir surpasser la concurrence.
Les plastiques sont ajustés au plus juste et paraissent de bonne facture. La peinture Phantom Black est superbe, mais ne souligne pas assez, selon moi, les lignes de la moto. La version Sapphire Blue ou encore le superbe gris Graphite relèvent bien plus les lignes sculpturales du Tiger.
Le large et épais guidon (réglable) propose à ses extrémités une mine d'informations et réglages via ses comodos qui sont tout naturellement reliés au compteur.
Du côté droit se trouve un Cruise Control manipulable avec le pouce. Je dois avouer que l'accessibilité de ce dernier ne m'a pas convaincu et je ne suis pas certain que ce genre de "gadget" soit réellement un plus sur une machine de ce genre. M'enfin, il est de série, donc on va pas trop s'en plaindre.
Du côté gauche vous aurez la possibilité, à l'aide de trois boutons, de pouvoir accéder à un panel de fonctions des plus complets. En effet, l'ordinateur de bord intègre un indicateur de rapport engagé, un compteur kilométrique, un avertisseur de verglas, deux trips, la consommation instantanée et la consommation moyenne, le réglage du Traction Control sur deux positions, la déconnection de l'ABS, et l'indication de la température extérieure.
Vous pourrez également, moyennant finance, y ajouter un contrôleur de pression pneumatique. Au final, vous aurez un ensemble d'informations et de réglages des plus complets.
Gavé d'informations, l'ordinateur de bord se veut des plus lisibles et ce par tous les temps. Celui-ci adopte également la gestion des warning (feux de détresse), chose que Triumph commence enfin à adopter sur l'ensemble de sa gamme.
Bien évidemment, les leviers d'embrayage (hydraulique) et de frein sont réglables sur plusieurs positions.
Du côté arrière, vous pourrez apprécier une selle réglable en hauteur sur deux positions (837mm à 857mm) via un simple système d'élastique, manipulable sans outils. Le porte paquet en aluminium vous permettra de charger vos effets sans crainte de les voir s'éparpiller sur la route comme il pourrait être le cas avec certains modèles additionnels.
Triumph propose un set de valises latérales d'une capacité de 60 litres et un top-case d'une capacité de 35 litres qui se montrera un peu juste en cas de voyage en duo.
Vous l'aurez compris, équipée comme elle l'est, la Tiger Explorer 1200 est une véritable invitation au voyage, du moins sur le papier hein! Car c'est maintenant que nous allons passer au plat principal et enfin voir si elle mérite son nom de TIGER!
Voici le moment que j'attendais depuis un moment, enfin pouvoir poser mon séant sur le Tiger, à défaut d'avoir été convié à la présentation presse par manque de place pour nous autres petits helvètes que nous sommes. Je serais donc le premier Suisse à pouvoir prendre le guidon de cette Explorer 1200.
Le pilote de petit gabarit que je suis (1m88) prend aisément place sur cette moto. Je dirais en fait que c'est le genre de moto qui compte tenu de mon gabarit me sied parfaitement.
Une fois en place, la selle réglée en position taille adulte (donc haute), il est temps de replier la béquille. Je suis surpris par le poids quelque peu élevé de l'ensemble. Forcément, avec 260kg tous pleins faits, il ne faut pas s'attendre à avoir un vélo à déplacer à l'arrêt. Mon grand gabarit me permet toutefois de pouvoir la manier sans trop d'appréhension, du fait que mes pieds reposent parfaitement à plat.
Allez, trêve de blabla ! Un coup de démarreur plus tard, le sifflement caractéristique des Triumph est bel et bien présent, même si ce dernier se veut plus étouffé que pour le reste de la famille.
Mes jambes viennent s'encastrer sous le haut réservoir d'une contenance de 20 litres. La position se veut naturelle, jambes pliées, buste droit, bras assez tendus. Une position qui me met immédiatement à l'aise et qui en dit beaucoup sur le type de moto à laquelle j'ai à faire... "voyageuse".
Pour partir, un petit chemin de terre me sépare de la route. Soit, une petite escapade forestière ne peut pas me faire de mal, ni à la Tiger d'ailleurs. Hop, la position debout est adoptée. Cette dernière n'égale pas celle de la Super Ténéré ou encore celle de la GS qui permettent une position optimale dans ce genre d'exercice. Le guidon du Tigre est en fait trop bas et, même si le réservoir est étroit, la largeur des reposes-pieds ne permet pas de pouvoir le serrer comme il se doit dans ce genre d'évolution. Il se pourrait bien qu'un manufacturier nous sorte une option en ce sens pour le guidon. Pas grave, je m'adapterai quoi qu'il en soit!
La suspension permet de filtrer parfaitement les irrégularités de ce chemin agricole mais risque fort d'être trop ferme en mode je-laboure-le-champ-du-paysan.
La monte pneumatique Metzeler montre rapidement ses limites sur ce genre de terrain. Heureusement, le Traction Control veille au grain et vous permet bien des figures acrobatiques. Les suspensions avant et arrière offrent un débattement qui permettent de franchir des chemins de terre sans avoir à se soucier de la garde au sol (190mm à l'avant et 194mm à l'arrière), le réglage de ces deux éléments se fait d'ailleurs en clin d'oeil.
Au final, je ne suis pas certain que ce modèle de Tiger soit réellement fait pour cet exercice, surtout avec des jantes à bâtons. A ce propos, il se murmurerait du côté de la firme d'Hinckley qu'une version full baroudeuse qui arrache tout, nommée XC, serait dans les cartons... Avec entre autres, comme pour la petite soeur 800, une jante à rayons de 21 pouces pour l'avant, une protection de collecteur, bref tout ce qui va bien. Comme dirait l'autre, qui vivra verra.
Allez, je m'évade sur un terrain qui paraît plus propice à notre Explorer actuelle.
Comme lors de mes derniers essais de ces nouveaux trails (BMW GS et Yamaha Super Ténéré), je constate rapidement que ce genre de machine n'est vraiment pas étudié pour les purs et durs qui aiment partir dans le désert, même si les fabricants vous promettent monts et merveilles.
Le poids est l'un des éléments qui freinera les plus ambitieux. Alors autant rester sur la terre ferme et profiter de la position haute et du couple de ce genre de machine. Après tout, c'est bien là qu'elles sont le plus à l'aise, la preuve en image!
L'Explorer 1200 bénéficie d'une facilité de prise en main incroyable. Le poids se fait oublier dès les 10 km/h, à tel point que seul le couple du gargantuesque moteur de 1'215cc vous rappelle que vous êtes sur une grosse routière. Ce moteur est une véritable réussite, tout comme les autres moteurs de la marque. Coupleux et souple, il permet des relances sans à-coups dès 2'000 tr/min sur absolument tous les rapports. Il m'est arrivé à plusieurs reprises de chercher une dernière vitesse alors que je me trouvais déjà sur le 6ème rapport.
Même si cette info est totalement inutile de nos jours, prendre plus de 200 km/h relève d'une simple formalité. Oui! sur autoroute allemande... D'ailleurs, cette étape autoroutière me permettra de constater que les réglages de la bulle se font non seulement en moins de 10 secondes montre en main, mais également que cette dernière protège parfaitement son pilote et ce dans toutes les situations et à toutes les vitesses "légales" !
Qui dit couple (12.1Nm dès 6'400 tr/min) dit nul besoin de tirer les rapports. Bien que le moteur de la Tiger se montre volontaire jusqu'à la zone rouge de 10'000 tr/min, il sera totalement inutile d'aller jusque là pour tailler la route à bon rythme. Ma plage d'utilisation idéale durant les quelques 550 kilomètres de ce test s'est toujours située entre 5'000 et 7'000 tr/min. Le cardan ne m'a jamais secoué et s'est montré très discret dans son fonctionnement. Je ne le trouve toutefois pas aussi silencieux que chez la concurrence Bavaroise.
Avec une plage d'utilisation si basse, la consommation moyenne constatée m'affichait 5.4 litres aux cent kilomètres. En monde arsouille-de-ouf, je suis monté à 6.2 litres. Etant joueur je me suis autorisé un presque "coup de la panne", à savoir que j'ai attendu la disparition du dernier témoin avant de ravitailler et ce au bout de 330 kilomètres. Une fois à la station des voleurs, pardon, des vendeurs de carburant, je suis surpris de n'avoir à remettre que 16 litres d'essence. La jauge de la Tiger est donc pessimiste et permettra aisément des étapes de 300 km sans avoir à ravitailler.
Ok j'ai bien compris le message. Même si le passage sur l'autoroute s'est avéré d'une facilité incroyable, qui dit voyage dit forcément passage dans les cols et passage dans des courbes qui liment les cales-pieds et permettent (quelques fois) de mettre minables certains propriétaires de sportive. Si si c'est possible!
Même si la garde au sol est dans la moyenne haute, il m'est arrivé à plusieurs reprises d'entendre crier mes reposes-pieds, voir même de leur mettre le feu. Sadique que je suis, je m'en suis donné à coeur joie. Quelques virevoltements d'un virage à l'autre m'auront permis de mettre à mal à la suspension, qui pour l'occasion s'en sort avec les honneurs!
La fourche mériterait de plonger un peu moins sur les freinages de trappeur, mais il faut bien garder en tête que cette moto n'est pas faite pour ça bien que disposant d'une partie cycle qui ne peut qu'inciter à envoyer du lourd.
Les freins avant m'ont surpris par leur constance et leur puissance malgré le poids du bestiau. J'émets cependant une réserve sur la sensibilité de l'ABS du frein arrière qui, à mes yeux, est bien trop tatillon. Bein oui, il faut nous laisser nous amuser un peu! Allez hop, mode OFF adopté... c'est ça qui est bon avec la technologie.
La neutralité du châssis et le parfait équilibre entre moteur et suspensions vous permettra bien des fantaisies et bien des plaisirs. Le moteur vous permet de bien vous éclater au guidon sans avoir besoin de tirer dans les tours et vous extirpera des virages serrés tel un diesel survitaminé (oui oui, pour le couple). N'oubliez pas que vous avez tout de même 137cv sous la poignée de droite.
Toutefois, la Tiger demande un peu de souplesse dans la poignée Ride by Wire. Cette dernière m'a d'ailleurs surprise à deux ou trois reprises par sa sensibilité, notamment sur les très mauvais revêtements. Si le réglage en était possible je la mettrais sur "moins sensible", même si il n'y a qu'en conditions extrêmes que vous pourrez éventuellement le constater.
Pour une incursion dans le monde des maxi-trails, Triumph ne pouvait pas faire mieux que cette Tiger Explorer 1200. Bien finie, offrant un moteur et un châssis des plus sûrs, le tout affublé d'électronique bienveillante, la Tiger vous emmènera loin, très loin.
Côté tarif, là encore, le Tigre a mangé du Lion et vous en donne pour votre argent. Si BMW avait le monopole sur le marché, il se pourrait bien que la tendance s'inverse rapidement. Affichée à CHF 17'990.- exactement, soit presque CHF 2'000.- de moins que la BMW GS, au même prix que la Yamaha Super Ténéré, en-dessous de la Honda CrossTourer, mais plus chère que la Kawasaki Versys.
Nul doute que le Tigre anglais va réussir à percer dans ce nouveau marché des grosses avaleuses de kilomètres.