
Alors, lorsque la firme de Noale annonce à la presse que sa Dorsoduro 750 allait prendre un coup d’amphétamines pour cuber à 1’197cc, tout le monde spéculait sur le résultat. Un monstre de la route ? Une tueuse de sportives dans les virolos ? Ou tout simplement un objet inconnu de plaisir et de jouissance encore ? Eh bien, ce sera un peu des trois réunis !
Esthétiquement, le tableau est posé et familier. Pas de nouveautés de ce côté et c’est tant mieux, car il faut bien avouer qu’elle a une esthétique plutôt agréable cette Dorsoduro. Des lignes tendues, taillées à la serpe, le tout donnant un aspect de Supermotard qui n’attend qu’une seule chose, en découdre avec la concurrence (Ducati Hypermotard en tête). Une fois que vous aurez escaladé, pardon !, une fois monté sur la moto, vous vous apercevrez rapidement que les gabarits de moins de 175cm devront recourir à quelques contorsions lors des arrêts au feu rouge ou autres stops. La selle culmine à 870mm (à 0.5mm prêt la hauteur de l’autre italienne délurée, la Ducati Hypermotard).
L’avantage de ce type d’assise « haut perchée » est qu’il permet d’avoir une vision très étendue. Qui dit voir loin, dit pouvoir mener bon train, facile celle-là, non ? Le guidon large affublé de protèges-mains renforce cet esprit arsouilleur des montagnes. Le réservoir de 15 litres (3 de plus que la Dorsoduro 750), d’une forme ergonomique, vous permet une position très proche du tableau de bord. Epaules et bras en position large, le corps tout en avant, le moteur en marche, vous êtes prêt à l’attaque ? Alors gazzzzzz !!
Premier démarrage, le moteur démarre sans sourciller, le tout avec une sonorité très rauque. C’est à se demander si ses silencieux sont homologués pour la route. Eh bien oui, chouette, pas besoin d’investir dans des modèles optionnels. Un graphisme apparaît sur le tableau de bord, ce dernier est en fait un logo représentant la Dorsoduro. Une fois ce dernier passé, vous avez droit à tous les indicateurs de base et plus encore : ABS « déconnectable », Traction Control « 3 positions », Mode de cartographie « 3 possibilités », température moteur, indicateur de rapport engagé, … Seule ombre au tableau, l’absence de jauge de carburant comme sur bon nombre de concurrentes directes ou indirectes. Les rétroviseurs vous offrent un large champ de vision sur vos éventuels rivaux.
Une fois quelques kilomètres parcourus, vous comprendrez rapidement d’où provient le doux nom de Dorsoduro, qui en italien signifie dos dur. Ce nom prend tout son sens après quelques heures passées sur la moto. Votre séant risque d’apprécier les haltes que vous lui offrirez, si possible régulièrement. De toute façon, vous risquez bien de vous arrêter tous les 150km, voire moins suivant votre conduite. C’est la distance maximale sur laquelle la moto s’est adonnée avant de crier à boire !.
Traverser une ville relève du jeu d’enfant, le champ de vision étant excellent, vous pourrez slalomer à tout-va et éviter bon nombre d’obstacles urbains grâce à la grande maniabilité dont fait preuve cette 1200cc. Les feux rouges deviennent tout d’un coup vos amis, imaginez-vous extrait d’un canon telle une balle. C’est ainsi que vous vous retrouverez rapidement hors-la-loi tant la vitesse prise sera élevée… Seul hic du parcours urbain, les silencieux très sonores remontent également de grosses bouffées d’air chaud. L’embrayage à commande hydraulique est un modèle de douceur. Le moteur demande à rester sur le bon rapport et sur le bon régime, sinon il cognera quelque peu comme tout bon V-twin qui se respecte. On n’a rien sans rien !
Touring
Les routes de campagnes se profilent et c’est bien là que nous attendons le plus de cette version bodybuildée. Le premier mode à être testé sera le Touring. La moto délivre l’ensemble de sa cavalerie avec rigueur et maîtrise. Aucun doute, les 130cv sont bien présents et s’expriment dès 3’000tr/min pour commencer à régresser vers 8’000tr/min. Côté motorisation, rien à dire, ce moteur italien à un coffre exceptionnel et vous incite à en demander toujours plus. A un tel point qu’une escapade sur autoroute risque bien de vous faire perdre rapidement votre permis. Le plus important n’est certainement pas la vitesse de pointe que peut atteindre cette moto, mais sachez toutefois que si vous vouliez vous faire une belle sortie circuit, vous pourrez taquiner des vitesses hautement répréhensibles sur route ouverte. Eh oui, passer les 240km/h n’est pas impossible avec cette moto (test bien évidemment réalisé sur Autobahn (=autoroute allemande))…
La moto se prête facilement au jeu du rodéo sans avoir besoin de jouer avec le levier d’embrayage. Rassurez-vous, le Traction Control vous rappellera à l’ordre très rapidement et vous reposera la roue avant. Pour les néophytes, vous apprécierez ce genre de système, qui vous permet de goûter aux joies des wheelings sans arrière-pensée. Pour les initiés, vous pourrez le déconnecter entièrement. Dans cette configuration, la moto est déconcertante de facilité et maîtrisable au quotidien. Ce mode devrait être le plus utilisé dans 90% des cas.
Sport
Il fait beau, les températures remontent, il est temps de tester le mode Sport. Ni une ni deux, une pichenette sur le bouton prévu à cet effet permet de changer de mode en deux secondes et ce, même en roulant, pour autant que vous pensiez à débrayer, sans quoi, la manoeuvre est impossible.
La moto prend une toute autre dimension. La réactivité à la gâchette, pardon à la poignée est bien plus rapide, à un tel point que les premiers kilomètres demanderont un petit lap d’adaptation. La moto répond à la moindre rotation, les wheelings ne cessent de s’enchaîner et ce jusqu’en 3ème. Les premiers virages arrivent vite, très vite même, la prise des freins est imminente. Ouf ! Ça freine fort et même avec un seul doigt. Merci à Brembo et ses galettes de 320mm pincées par des étriers à 4 pistons pour l’avant et disque de 240mm pour l’arrière avec étrier à 1 piston. Le système ABS se déclenche extrêmement tard et ne bride pas le plaisir, si ce n’est celui de pouvoir faire de belles dérives du train arrière. Heureusement, celui-ci est déconnectable entièrement. Monsieur Sécurité, le remettra toutefois automatiquement à chaque démarrage.
Les virages s’enchaînent à bon rythme, les Pirelli Corsa III commencent à chauffer et permettent de prendre de très grande prises d’angle. La moto ne demande qu’à s’exprimer pleinement et son pilote qu’à arsouiller. La confiance monte, le pied sort du câle-pied pour venir lécher la roue avant. Ça y est, le crossman sort l’artillerie lourde et se rappelle son enfance (un jour, je penserai à vieillir !). Ça passe fort, très fort, une Supersport sur le chemin en fera d’ailleurs les frais dans un virage serré. La moto montrera quelques faiblesses lors de la prise d’angle rapide ou sur route en mauvaise état. Cette dernière à tendance à tirer de l’avant, rien d’alarmant, mais les trajectoires approximatives sont à bannir de vos habitudes. Pour aller vite, il faudra apprendre à dompter cette moto de 195kg (20kg de plus qu’une Hypermotard) et adapter les superbes suspensions Sachs à vos habitudes de conduite. La fourche de 43mm tout comme l’amortisseur arrière sont réglables dans tous les sens et il n’est à pas douter qu’un bon réglage vous donnera entièrement satisfaction et vous permettra de taquiner de la grosse Supersport dans les cols.
Rain
Mais ? IIs sont passés où les chevaux ? Le mode pluie est vraiment le mode anti-plaisir. De toute façon, qui, de nos jours, prend du plaisir à rouler sous la pluie ? On est d’accord, personne ! Personne n’est à l’abri de se retrouver sous une belle averse qui pour l’occasion rendra la route bien grasse et glissante. Les ingénieurs italiens ont bien compris que cette moto pouvait se révéler compliquée à maîtriser sous la pluie. Ce mode prend donc tout son sens et permet de garder une moto facilement contrôlable en toutes circonstances. Pour l’occasion, le moteur est amputé de 30cv… Lors du passage sur ce mode Rain, on a l’impression que la garde à la poignée a été rallongée, mais il n’en est rien. Le système Made by Aprilia, Ride-By-Wire, se charge de gérer l’injection électronique via la poignée de gaz, le tout électriquement. Au départ, c’est assez déconcertant, mais après quelques rotations, le coup de poignet s’y fait rapidement.
C’est également à ce moment que le comparo des trois modes de Traction Control devient le plus flagrant. Car si, sur le papier, le système en promet beaucoup, en conduite normale, il n’est pas aisé de pouvoir l’apprécier à sa juste valeur et de se rendre compte des réelles différences. Le mode Sport est le plus Hard et permet de faire quelques glisses et wheelings maîtrisés. Le Touring est le plus passe-partout, ce mode a été le plus régulièrement utilisé lors de cet essai. Le mode Rain est celui qui castre le plus la moto, les glisses et wheelings sont quasiment impossibles ; parfait pour cruiser sous la pluie.
Pour conclure, cette moto s’adresse avant tout à celui qui doit se déplacer chaque jour du point A au point B. Facile à conduire en toutes circonstances, il vous sera possible de vous prendre pour un pilote de Maxi-SuperMotard en changeant simplement le mode de votre cartographie. C’est bien là la force de cette Dorsoduro, la polyvalence est son point fort. Pouvoir s’adapter aux conditions de route en un clin d’oeil et assurer ses arrières en cas d’optimisme sont les maîtres-mots de cette Dorsoduro ABS/TC, n’est-elle pas belle, l’électronique?