L’évolution a du bon. Cette réflexion ne s’applique pas forcément à tout, mais force est de constater qu’elle tombe à pic pour définir l’Hypermotard EVO SP. Avec un nom pareil, forcément, quelque chose a changé! L’EVO se distingue principalement de la version de base par l’adoption d’une fourche Marzocchi de 50mm et d’un gain de puissance de 5 chevaux. Il est gentil, le journaliste, mais il a essayé la version EVO SP… Eh oui! La SP, donc, se distingue de l’EVO « standard » par des débattements de fourche et d’amortisseur plus importants, pour mieux coller au style supermotard.
Vous n’avez pas encore bien saisi? C’est en effet difficile de s’y retrouver en comparant ces différentes versions sur le papier. Même en les alignant côte à côte, les différencier n’est pas évident. Tiens, l’EVO SP dispose d’une jolie bande blanche sur son coloris rouge! Ouf! On a enfin trouvé! Il faut dire que cette bande blanche et ses multiples rappels sur la carrosserie confèrent un côté racing à l’Hypermotard, déjà splendide à la base.
Haute, fine, merveilleusement finie, on ne se lasse pas de l’admirer sous toutes les coutures. On notera les amusants rétroviseurs repliables sur les pare-mains, qui élargissent encore l’interminable guidon droit. C’est beau, mais on roulerait volontiers rétroviseurs repliés pour gagner quelques centimètres de marge dans la circulation… Les plus raisonnables laisseront le rétro gauche ouvert! En regardant vers l’arrière, justement, on peine à décoller son regard de la splendide jante Marchesini, dévoilée par le monobras oscillant. Ou peut-être un moment, pour apprécier les caches d’échappement en carbone ou l’amusante poignée passager, qui ressemble plus à un spoiler de voiture de course.
L’Hypermotard, comme toutes les Ducati, se laisse volontiers admirer pendant de longues minutes. Non pas qu’elle n’invite pas à rouler, au contraire, mais on pourrait en faire le tour chaque matin en la sortant du garage et la détailler encore. Mais il est temps de démarrer et d’enfourcher la bête. En tournant le contact, le tableau de bord rikiki s’allume façon sapin de Noël. De quoi vous mettre la banane dès le matin! D’une longue pression sur le bouton de démarreur, le bicylindre s’ébroue dans un claquement très, très présent. Elle avait l’air si douce, si parfaite. Rien qu’à l’écouter, on comprend qu’elle en réserve des vertes et des pas mûres à quiconque oserait s’installer à son guidon. C’est en l’enfourchant que vous réaliserez qu’avant de redescendre de cet engin, vous n’aurez pas une seconde de répit!
A l’arrêt, déhanché obligatoire pour les moins d’1m90! On vous conseillerait bien de rester en première aux feux, mais l’embrayage plutôt viril vous en dissuadera rapidement. Placé très haut, très en avant et avec les bras très écartés, le pilote est immédiatement prêt à attaquer les choses sérieuses. Sauf que l’Hypermotard est encore à l’arrêt… Pas une seconde de répit, ouaip’! Une fois dans la circulation, la Ducati se comporte plutôt bien si l’on prend garde à ne pas trop rester sous les 3’000 tours, où elle rechigne un peu à fonctionner sans à-coups. La hauteur de selle conséquente met à l’aise: on voit facilement au dessus des voitures. La finesse de la moto permet de se faufiler facilement n’importe où (attention aux rétroviseurs!). Vous êtes remonté en tête de la file, tout le monde vous regarde et vous pensez que, finalement, elle n’est pas si terrible, cette EVO SP. Attendez un peu le feu vert, on en reparle…
Au vert, justement, s’extraire du «paquet de départ» composé de vélos, motos et scooters, est un jeu d’enfant sur une grosse cylindrée. Avec l’Hypermotard, cela devient vite un vrai show dont vous êtes la vedette! A la moindre accélération un peu franche, la roue avant bondit vers le ciel sans trop vous demander votre avis. Soyons raisonnables, passons la deuxième. Rebelotte! Ça monte et ça descend comme un yo-yo, tout en vous catapultant vite au-dessus des limitations. Il faut savoir la tenir, cette moto! Les boulevards embouteillés ne sont clairement pas son domaine de prédilection. A moins que vous vouliez faire sauter votre permis dans la minute, terroriser la ville entière et changer de sous-vêtements une fois arrivé à destination…
Non, pour exploiter cet engin, il vous faudra gagner les hauteurs, synonymes de belles routes sinueuses et moins fréquentées. Pour rejoindre les hauteurs, l’autoroute est fortement déconseillée. Non seulement l’EVO SP marche carrément fort, mais elle se passe en plus de toute protection contre le vent! Comme pour vous dire: «T’as vu? Je peux faire vieillir ton dos de dix ans en trois kilomètres!». Fuyez l’autoroute comme la peste si vous tenez à votre santé physique et mentale!
Une fois sur un terrain plus en rapport avec son caractère, l’italienne se lâche carrément… et vous aussi! Le twin desmodromique gronde en vous collant de grandes claques à chaque accélération. Et le châssis suit carrément la cadence! Balancer une moto d’un angle à l’autre n’a jamais été aussi facile: une pichenette du petit doigt sur le guidon et l’Hypermotard plonge à la corde. Avec un appui sur le repose-pied adéquat, cela marche très bien aussi! Si bien qu’on hésite souvent quant au style de pilotage à adopter. Plutôt supermotard, la jambe sortie et les fesses décalées vers l’extérieur? Ou plutôt sportif, buste bien incliné vers l’intérieur et genou parterre?
Eh bien, c’est un peu des deux, au final! Suivant la longueur de la courbe, la visibilité ou le revêtement, on jongle entre ces deux styles de pilotage qui s’adaptent aussi bien l’un que l’autre à l’EVO SP. La première Hypermotard donnait du mal aux pilotes souhaitant improviser sur des routes parfois inconnues. Aujourd’hui, plus de souci, on sort des virages aussi vite qu’on y entre et on en redemande! Il est impossible de ne pas péter un câble au guidon de cette machine!
Une route bien revêtue et de larges virages? Les sliders en prennent pour leur grade! Des petites épingles défoncées? La roue avant bondit à chaque sortie dans un grondement à faire fuir le bétail! Une portion d’autoroute? Après-tout, pourquoi pas…
On a très vite envie de tout faire avec cette Ducati! Bon, son autonomie plutôt juste et son manque d’aspects pratiques n’inciteront pas vraiment aux longs voyages. Ne prononcez surtout pas le mot «bagages» devant l’EVO SP, vous risquez de la vexer… Les bonnes vibrations pourront également freiner vos envies d’évasion. Mais c’est surtout au niveau de la protection contre le vent que l’Hypermotard pêche. Vous étiez prévenus: elle ne vous laissera pas une seconde de répit!
L’EVO SP est indéniablement une moto «coup de coeur». Elle est de celles qui vous donnent des frissons quand vous les regardez. Une fois au guidon, elle débranche votre cerveau et vous fait faire des choses qui, quinze secondes plus tôt, vous paraissaient aussi folles qu’inutiles. Cette moto rend fou! L’ennui, la monotonie (et la limite du raisonnable) deviennent des concepts tout à fait abstraits sur l’Hypermotard. Une fois vos bêtises terminées, posée sur sa béquille, elle fera se retourner tous les passants, qui se demanderont ce qu’ils pourraient faire d’un si bel engin. S’ils savaient!