2019, le grand retour de l’Algérie dans le monde du Rallye Raid ?
Etape incontournable des dix premières éditions du Paris-Dakar, L’Algérie a sombré au début des années 90 dans une dramatique guerre civile qui a duré une décennie et fait des milliers de victimes.
Ce n’est que tout récemment, en 2015, que le pays s’est à nouveau ouvert aux amateurs de sports motorisés avec le Sahari Rallye, une course nationale qui attire également nombre de participants étrangers.
En 2019, alors que le pays semble être à l’aube d’un changement politique, qui espérons-le soit bénéfique au peuple, l’Algérie accueille pour la première fois à nouveau de grands évènements d’organisations étrangères avec le Raid Suricates en janvier et le Tuareg Rallye en mars.
Face au Maroc, qui depuis le printemps arabe s’est taillé la part belle du gâteau, si ce n’est même tout le gâteau des évènements tout-terrains grâce à sa stabilité politique et sa sécurité, il faut dire que l’Algérie a également de sérieux arguments à faire valoir pour susciter l’intérêt des adeptes de sports mécanisés en quête de découverte et d’aventure :
Plus grand pays d’Afrique, l’Algérie possède également le plus grand désert au monde, le Sahara, qui recouvre 84% de sa superficie. Imaginez un terrain de jeu désertique et quasiment inhabité qui fait trois fois la taille de la France !
Sueurs froides avant le départ…
Il va sans dire qu’organiser un tel évènement en Algérie relève du chalenge plutôt corsé. Le Raid Suricates a nécessité les efforts conjoints de l’association Sud Raid Aventure, de l’agence Pro-Raids, de la société Owaka ainsi que d’une agence touristique locale. Les reconnaissances ont été faites sous escorte policière et il a fallu se battre avec une administration dotée d’une bureaucratie procédurière à faire mouiller la culotte du plus soviétique des fonctionnaires russes !
Les visas ne furent acceptés et délivrés que deux jours avant le départ… Etant le seul participant à avoir déposé ma demande à l’ambassade de Berne, qui n’était vraisemblablement pas au courant que celle de Genève a déjà délivré les visas, je dois moi-même me charger de leur demander d’appeler le consulat algérien pour finalement récupérer mon passeport in extrémis le jour avant mon vol !
A l’aéroport d’Alger, je saute dans un taxi avec Christian et Thomas deux compatriotes suisse-alémaniques habitués des Raids SRA. Le chauffeur nous promet une course gratuite si on lui change cent euro chacun. Ça sent l’arnaque à plein nez, mais on accepte, puisque son taux est meilleur que celui pratiqué à l’aéroport. De nuit sur l’autoroute, sans phares, il se fraye un chemin dans un trafic dense et chaotique par la voie d’arrêt d’urgence. Son taxi, non-officiel bien évidemment, ne fera pas long feu avant de se faire arrêter par des policiers à moto. Après s’être affranchi du bakchich de rigueur qui fini directement dans la poche du flic ripoux, on doit tous sortir de la vieille Peugeot pour la démarrer à la poussette, sur la bande d’arrêt d’urgence. La situation est ubuesque !
A l’hôtel, je reconnais quelques participants mais aussi une grande partie des membres de SRA, rencontrées lors du Raid Passion Désert en 2016.
Le lendemain matin, nous partons pour une liaison en bus de sept heures en direction de Laghouat sous une pluie battante… Et dire que deux malheureux qui se sont farcis le trajet à moto…
Cap plein sud
Le départ en grandes pompes du Raid Suricates est donné depuis le stade de Laghouat avec la participation de la télévision algérienne et sous la supervision de la garde nationale et de l’armée. La sécurité n’est pas prise à la légère, avec plus de 3’000 policiers et militaires engagés sur l’évènement ! Nous sommes 20 motos, 2 quads, 14 RZR et 20 équipages en 4x4. Ajoutez à cela encore une bonne vingtaine de véhicules de l’organisation et vous obtenez un groupe de près de 150 personnes.
La première étape de 320 km nous amène à SebSeb où je passe la nuit la plus glaciale de ma vie dans le premier bivouac. Ayant jugé superflu de déballer ma tente, principalement par flemmardise, je dors à la belle étoile tout habillé dans mon sac de couchage totalement inadapté pour ces températures. Je peine à fermer l’œil et je suis réveillé avant même l’appel à la prière du matin.
A El Menia, après une étape de 320 km, j’apprécie grandement le luxe de dormir au chaud à l’hôtel et de pouvoir prendre ma première douche chaude en trois jours.
Ces deux premières étapes furent bien roulantes et pas trop techniques, ce qui constituait de parfaits préliminaires pour moi qui n’avait plus roulé depuis le Rallye des Pionniers en octobre dernier. Ma première impression de l’Algérie est un sentiment d’immensité, encore exacerbé par la monotonie de ces grands plateaux désertiques. On peut rouler pendant une éternité sans voir la moindre trace de construction humaine. C’est absolument jouissif d’avoir tout ça rien que pour soi, surtout sachant que quoi qu’il arrive, il y a l’assistance derrière nous…
En général, sur ce genre d’évènement, seuls quelques points GPS sont fournis et la navigation se fait, comme sur un vrai rallye, au moyen du roadbook et des instruments de navigations. Comme il s’agit d’une première en Algérie, SRA a décidé de nous fournir les traces complètes, afin de limiter les risques dans un pays qui possède des étendues désertiques immenses, mais également un réseau hospitalier moins développé que le Maroc. Mes bonnes résolutions d’utiliser prioritairement le roadbook papier pour améliorer mon niveau de navigation se volatiliseront dès le premier jour. Trop de doutes et d’imprécisions du roadbook me feront suivre la trace GPS fournie par SRA et garder un œil sur le roadbook juste à titre indicatif.
Niveau sécurité, l’organisation a également pris toutes les précautions. Chaque participant est équipé d’une balise Owaka permettant de nous localiser en temps réel mais également de déclencher une alarme en cas d’accident. Deux 4x4 médicaux sillonnent la piste dans nos traces.
Des dunes à pertes de vues
Depuis El Menia où nous restons deux jours dans le même hôtel, nous attaquons notre première étape de dunes, longue d’une centaine de kilomètres. Avec ma KTM 690 Rally Replica qui accuse 40 kg à sec de plus sur la balance que les enduros des autres concurrents, il serait prétentieux de vous cacher mon appréhension...
Une fois les premiers cordons de dunes passés, je me rends compte qu’en fait ça se passe plutôt bien et au fur et à mesure des kilomètres je prends confiance et surtout de plus en plus de plaisir à « surfer » sur les dunes.
Pour éviter de se planter dans le sable mou, il faut être généreux avec la poignée de gaz, ne jamais s’arrêter, mais également choisir les bonnes trajectoires. Aujourd’hui, je fais équipe avec Julien en suivant sa trace. L’étape de cent kilomètres est rapidement bouclée et à 15h30 on est déjà de retour à l’hôtel, même pas fatigué !
Pour la petite anecdote, Julien c’était le chat noir du Raid Passion Désert 2016. Après la casse du moteur neuf de sa KTM Rally Replica 450 le premier jour, la casse après quatre jours du moteur d’une moto prêtée par un concurrent, il prend place comme passager dans un RZR qui termine la journée détruit après une série de tonneau… Le pilote est sérieusement blessé et lui s’en sort « presque » sans une égratignure…