En état de choc, et incapable de voir la gravité de la plaie, je me contente de me tenir le cou et je commence à courir dans la direction du village avant de reprendre mes esprits et d’appeler l’assistance médicale avec mon téléphone marocain en leur indiquant ma position approximative sur le roadbook.
Entre-temps, j’aperçois deux 4x4 venant dans ma direction. Je leur fais des grands signes et ils viennent vers moi. Ils m’enlèvent le casque, le neck-brace et regardent la plaie qui fait quasiment tout le pourtour de mon cou. Par chance, ce n’est que superficiel, mon tour de cou en tissu m’a protégé, il est troué de partout. Le véhicule médical arrive une dizaine de minutes plus tard et Clémentine, l’infirmière, me prend en charge. Elle me dit que j’ai une chance inouïe de me retrouver avec si peu de dégâts... Elle me désinfecte et me pose un gros bandage qui ne tient pas très bien avec ma barbe et la transpiration.
Un deuxième pickup charge ma moto et moi je monte dans le 4x4 médical. Alors que l’on s’apprête à partir, j’observe dépité les locaux rapidement apparus de nulle part après l’accident, replanter le piquet que j’ai arraché à la force de mon cou. Quelle idée de mettre un barbelé en travers d’un chemin !
Une journée chargée pour l’équipe médicale aujourd’hui. Juste avant moi, un motard s’est ouvert la main lors d’une chute et quelques minutes après mon accident, un side-by-side a fait onze tonneaux. Il paraît qu’il est détruit et on pense que le pilote est sérieusement blessé. Une autre équipe médicale est déjà en route. Sur le raid, il y a au total six pickups médicaux avec chacun un médecin réanimateur et une infirmière urgentiste. Je n’avais pas l’intention de tester leur efficacité, mais puisque c’est le cas, je dois dire qu’ils ont été très rapides pour arriver sur les lieux de l’accident.
Ensablement, pneu éclaté, assistance à un autre 4x4 en panne, etc. En temps normal, j’aurais considéré ce trajet comme une galère absolue, mais là, tout ce qui m’importait c’était d’être en vie.
C’était intéressant de vivre le raid du point de vue de l’équipe médicale le temps d’une journée. J’ai appris beaucoup de chose après 10 heures en compagnie de Marcel et Chloé. Si nos journées sont éprouvantes, les leurs sont également loin d’être de tout repos. Ils sont tous les jours avant nous sur la route et ne rentre qu’une fois tous les participants de retour. Ils sont tous bénévoles et le plus fou dans cette histoire, c’est qu’ils sont nombreux à dédier chaque année leurs vacances au Raid Passion Désert pour que des gars comme nous puissions aller faire mumuse dans le bac à sable.
On arrive peu après 22h00 à l’hôtel, juste à temps pour se servir un repas bien mérité au buffet. Malgré moi, je suis devenu un peu l’attraction de la soirée avec ma mésaventure, j’aurais préféré que ce soit pour quelque chose de plus glorieux.
Les deux concurrents qui ont eu l’accident en side-by-side seront évacués vers la France demain matin. J’ai trouvé bien l’attitude de l’organisation et des médecins qui jouent la transparence et nous tiennent informés des accidents et de ce qu’il advient des blessés. Il n’y en a pas eu tous les jours, mais sur toute la durée du raid, plusieurs personnes ont quand même dû être rapatriées et le tout a été fait très rapidement.
Mes blessures n’étant pas profondes, je me fais entourer le cou de bandage et je prends le départ de la 7ème étape, qui par chance est assez courte. La première moitié fut très éprouvante. Une piste avec d’énormes cailloux, je n’arrive pas à trouver le bon rythme pour ne pas me faire des frayeurs. Les suspensions de ma Rallye sont tellement dures, que je sens chaque caillou, c’est vraiment cassant.
La second partie de l’itinéraire devient sablonneuse et on a droit à de petites dunes. Ça passe déjà mieux. A mon arrivée au camp, je suis assez rassuré d’apprendre que beaucoup ont galéré sur la première partie, à part mes collègues suisses-allemands qui ont pris la piste à plus de 100km/h.
C’est notre seconde soirée dans un campement berbère, au milieu du désert et je trouve que c’est une excellente idée de la part de l’organisation d’inclure ce type de campement. Le dépaysement et l’authenticité de l’endroit valent bien une nuit avec un peu moins de confort.
A nouveau, les organisateurs nous préparent un apéro accompagné par des musiciens berbères avant qu’on se mette à table. Une soirée inoubliable.