Notre essai débute par un passage en ville, la météo ayant dégradé la route prévue à l’origine, c’était plus sûr. Même large et imposante, la 1290 se débrouille très bien entre les voitures. Avec 108 Nm disponible à 2’500 tr/min puis 140 Nm à 6’750 tr/min, les démarrages se font tout en douceur, pareil pour l’embrayage assisté anti-dribble à commande hydraulique. J’ai même bien aimé avoir l’aide au démarrage en côte qui est cependant une option. A chaque arrêt j’ai le temps de parcourir les menu du tableau de bord. Avec l’écran TFT couleur de 6.5”, tout s’affiche en détails sous mes yeux sur toute la moitié gauche. Le compte tour et la vitesse restent toujours visibles à droite.
Au moyen des 4 boutons du commodo gauche, la navigation est très simple. Et heureusement car il y a bien des choses à paramétrer. Je ne parle pas que du riding mode, mais bien plus. Avec la suspension semi-active WP, les réglages commencent avec la charge de la moto (pilote, passager, bagages) puis le choix de fonctionnement des amortisseurs : confort, street, sport et offroad.
Un peu plus bas on trouve les 3 niveaux des poignées chauffantes optionnelles, les réglages individuels de l'ABS, du contrôle de traction et du “Motor Slip Regulation”. Il y a encore une foule de paramètres mais qui ne concernent pas directement la conduite. Avec autant de fonctions cachées dans le menu, il fallait avoir un accès rapide à certaines d'entre elles. KTM a pensé utile de laisser le choix au conducteur avec 2 accès rapides favoris: riding mode, amortissement, Trip 1 et 2, poignées chauffantes, c’est facile et rapide à changer.
Dans le convoi, on s’impatiente d’attaquer les virages des routes de montagne, seulement il reste à parcourir une portion d’autoroute. Tout juste de quoi utiliser le régulateur de vitesse de la Super Adventure S. Jadis mal placé, il se retrouve sur le côté gauche et il est très intuitif. Bien installé derrière le pare-brise qui s’ajuste avec une crémaillère je pourrais facilement faire des centaines de kilomètres sans me fatiguer. Ce n'est heureusement pas le cas pour l’essai, on prend déjà la sortie.
A l’approche des routes sinueuses, un panneau nous indique qu’en présence de sable volcanique, la circulation des deux-roues est interdite. Ce n'est aujourd’hui pas le cas, mais on est pas à l’abri d’une adhérence précaire par endroit. Au départ, je tente de suivre les 3 italiens devant moi sans toucher aux réglages. La suspension confort travaille sur toute sa course, filtrant à la fois les imperfections de la route mais aussi le retour d’information au guidon. Autant c’est agréable pour une longue journée de tourisme, autant pour élever le rythme, je me sens un peu déconnecté de la route.
On quitte déjà l’axe principal pour une route de traverse avec de nombreux nids de poule, bosses et autre cailloux sur les trajectoires. Dans ce cas je suis plutôt satisfait de la suspension, avec les aides à la conduite j’étais en confiance pour rouler vite dans ces conditions sur cette moto de 215 kg à vide. Même sentiment au freinage ou en sortie de courbe où cette KTM se comporte comme sur un rail malgré les graviers.
Une bifurcation plus tard, retour sur une route plus propre, balayée par un passage plus fréquent de locaux. Grâce aux boutons d’accès rapide, je change l’amortissement sans chercher le menu. Il me faut plus de rigidité, je choisi d’abord le mode “street” et me garde le “sport” pour plus tard. Je gagne ce qui me manquait de retour d’informations sans trop perdre en confort. Le seul ressenti négatif qui subsiste est à la mise sur l’angle, comme un léger temps mort où la 1290 ne pèse plus grand chose avant d’être bien inscrite en courbe et reprendre sa stabilité. C’est surtout dans les virages à grand rayon que je le ressens, sur les enchaînements la répétition plus rapide du mouvement estompe cette impression.
C’est que je commence à avoir de la peine à recoller les trois pilotes devant moi, ils sortent de plus en plus fort des virages en me mettant quelques mètres à chaque fois. Je dois rendre la réponse aux sollicitations de la poignée de gaz plus rapide, le riding mode "Sport" s’impose pour ne plus avoir cette latence à la réaccélération. Ce changement retarde par la même occasion l’entrée en action de l’ABS et du contrôle de traction. Je remonte peu à peu sur ceux qui me précèdent, l'enchaînement idéal de virages sur notre route me procure un plaisir énorme. La Super Adventure S efface déjà la 1290 GT de mes pensées, les capacités dynamique de ce trail sont insoupçonnées.
Durant l’essai, KTM nous a réservé un intermède culturel sur l’Etna. Notre convoi s’arrête au milieu de la route, près d’une bâtisse en ruine. On nous promet une pause café, mais celle-ci se fera avec un casque et une lampe frontale car un guide nous emmène dans un tunnel créé par la lave lors d’une éruption en 1792. Parfois très étroit, large par endroit, ce tube est étonnant. Le sol est relativement lisse, la lave se comportant comme un liquide avant de se solidifier en fin d’éruption. Sur les parois et au plafond on découvre que le magma en fusion peut courber la pierre sur son passage, impressionnant !
Nouveau changement d’itinéraire, la fin de la route est impraticable à cause de la neige fraîchement tombée. Nous redescendons pour contourner la montagne et remonter plus loin. On découvre maintenant de grands bouts droits entrecoupés de longs virages rapides. C’est le moment de durcir la suspension au maximum avec le mode "Sport" de cette dernière. Le changement est flagrant, la 1290 S devient un veritable bout de bois d’une redoutable précision. Elle secoue son conducteur, mais je sais pourquoi. Elle autorise maintenant à se jeter en courbe à des vitesses inavouables, le QuickShifter+ n’y arrange rien car je veux toujours passer une vitesse de plus. Au freinage c’est l’inverse, je rétrograde rapidement sans débrayer pour repartir sur la montagne de couple du moteur.
Ça me vaudra une petite frayeur dans un gauche, en regardant au loin je vois la route continuer et remet très tôt gaz en grand. Seulement la route à suivre faisait une fourche et je visais le côté droit et non le côté gauche qui se refermait légèrement ! Trop vite, je veux resserrer mon virage au frein arrière, la moto ne bronche pas mais je suis toujours trop vite, je redresse et vise l’autre route en attrapant le frein avant. La chaussée n’est pas régulière, avec son réglage rigide la moto sautille et je sens qu’elle travaille pour freiner efficacement.
Une fois les roues en contact avec le sol, les disques de 320 mm et les étriers M4.32 stoppent rapidement la moto, tout comme l’énorme disque de 267 mm à l’arrière. Sous la supervision du tout dernier ABS de Bosch, connecté aux suspensions ainsi qu’au bras oscillant, qui est plus connu comme “cornering ABS”. Celui-ci ne cesse de s’améliorer, même en pleine courbe on peut saisir violemment les freins et rester sur ses roues.
Incroyable, je m’éclate autant au guidon de la Super Adventure S que sur ma Super Duke R, seulement j’ai une position plus décontractée et je pourrais sans autre partir en voyage sur le trail dont la selle est réglable en hauteur. Seulement avant de me faire changer mon roadster je devrai m’habituer au nouveau look des KTM. Le dessin du nouveau phare entièrement à LED est assez particulier, cependant c’est un choix d’ingénieur avec lequel les designer ont dû composer. Un phare à LED impose d’avoir des composants qui montent à des températures élevées, mais où les cacher sur une moto ? Plutôt que les cacher, il est là sous vos yeux: la partie centrale qui sépare les 2 moitiés est en alu et sert de support et de dissipateur thermique. En plus des clignotants, feux de jour, de croisement et de route, la partie inférieur du phare est reliée au capteur d’angle. Ces diodes ne s’allument qu’en virage pour éclairer l’intérieur de la courbe, un petit plus pas négligeable.
De part et d’autre du phare prennent place des prises d’air, redessinées pour optimiser le flux et réduire au maximum l’humidité avant même d’atteindre le filtre à air. Les supports pour valises latérales sont aussi nouveau, avec une articulation atténuant les mouvements qu’elles pourraient transmettre à la boucle arrière du cadre. Ce nouveau support a en plus l’avantage d’être compatible avec les valises Powerparts existantes, que ce soit pour les valises Touring que celles en alu.
Tous les panneaux de carrosserie sont en plastique pour réduire le poids. J’entend déjà que ce n’est pas compatible avec l’image prémium que souhaite KTM, personnellement je préfère une moto légère d’autant plus qu’en métal ce serait du poids haut-perché. Le reste de la finition est irréprochable: peu de câbles sont visibles, les commodos semblent robustes et chaque pièce mobile est bien ajustée. Un mot encore au sujet de l’écran du tableau de bord, il est relié à une prise USB qui se cache dans un rangement à l’épreuve de la pluie (mais n’est pas garanti étanche) et avec l’option KTM MY RIDE on peut connecter son smartphone via le bluetooth à la moto pour accepter un appel entrant ou naviguer dans sa playlist en roulant (aussi compatible Spotify!).
A l’image de l’automobile allemande, les autrichiens commencent à garnir leur catalogue d’options. Pour avoir exactement la moto que j’ai essayé il faut en ajouter 3: le Travel Pack (aide au démarrage en côte, MSR, KTM MY RIDE et QuickShifter+ up/down), les poignées chauffantes et le silencieux soit CHF 2’160.- supplémentaires. Sans compter le support GPS ou la selle chauffante que j’ai aussi pu essayer.
Voilà la phrase que je prononcerai tôt ou tard. J’ai adoré rouler en Super Adventure S. Le châssis semi-actif permet de faire passer la moto de très souple à plus dur qu’une 1290 R. Même si le moteur est 20 chevaux moins puissant, il a toujours cette explosivité caractéristique du bloc de 1’301 cm3. L’ensemble des aides au pilotage avec l’ABS sensible à l’angle m’a tapé dans l’oeil, alors que je venais de regoûter à une conduite plus simple.
Comme à mon habitude, j’aurais préféré un freinage bien mordant à la saisie du levier et une facture moins salée quand on veut une moto bien équipée. Mais le tarif se justifie parfaitement lorsqu’on compare les équipements et performances de modèles concurrents. Bologne peut trembler, la dernière née de Mattighofen lorgne sur le titre de voyageuse à très grande vitesse.