A force d’être dans l’expectative quant à un renouveau du turbulent roadster, il est vrai que les fans et autres "addicts" du trois-cylindres s’imaginaient plus qu’une mise à jour, même sérieuse, et s'attendaient à une révolution. Et si l’on reste rationnel, on sait depuis longtemps déjà qu’il n’est pas dans les objectifs de Triumph de pourchasser les roadsters toujours plus puissants de la concurrence, mais au contraire de développer des machines dotées d’un charisme sans égal grâce à leur style et à leur caractère. Triumph, c’est une marque forte de modèles performants et c’est avant tout une marque à forte identité grâce à ses motos au caractère bien trempé. La Speed Triple veut perpétuer cette image de marque !
Pour preuve, Triumph a souhaité valoriser ses acquis en sublimant les qualités et ce qui a fait le succès de l’intemporelle Speed Triple. On conserve le meilleur, on améliore ce qui peut encore l’être et on enfonce le clou, encore. La Speed Triple renaît sous ses plus beaux atours et se pare au passage des dernières technologies.
La Triumph Speed Triple est un monument stylistique à elle seule. De son bloc-phares si atypique au monobras oscillant, l’Anglaise déboîte ! Triumph, détenant déjà une recette chatoyante, l’a repensée de fond en comble pour être plus séduisante encore.
Les deux phares avant s’étirent encore pour passer d’une forme en amande au dessin d’une goutte d’eau. En surplomb, on trouve un saute-vent profilé d’origine, mais surtout, l’espace entre les deux phares laisse place à une admission d’air forcé.
Le radiateur gagne en compacité en perdant 2cm de large. Le réservoir adopte une forme plus anguleuse. Deux petits rétroviseurs occupent les extrémités du guidon. L’échappement est toujours de type 3-1-2 et ne cède pas à la mode des silencieux en position basse (comme la petite soeur Street Triple). Le monobras oscillant met en exergue le magnifique dessin de la jante à bâtons en Y.
La selle et la boucle arrière ont aussi reçu toute l’attention des designers. Tout en finesse, c’est ainsi que nous pourrions dire. En effet, la selle est maintenant construite en deux parties pour plus d’ergonomie pour le pilote, mais aussi pour un style plus sportif. Quant à la coque arrière, elle s’affine et semble s’être raccourcie.
Les masses sont ainsi visuellement concentrées vers l’avant et cette configuration donne une allure franchement agressive à la Speed Triple. Pour parfaire le tableau, nous opterions volontiers pour un échappement en position basse comme nous l’avions déjà vu sur la Speed Triple R soigneusement préparée par Triumph Motorcycles Switzerland (voir image ci-dessous). Héritage oblige, l’Anglaise garde ses deux silencieux de part et d’autre de la selle.
Qu’on la regarde toute entière ou dans les détails, la Speed Triple respire la qualité de finition. En s’approchant, on remarque aussi qu’un soin tout particulier a été donné aux détails. Ce qui fait ainsi de l’Anglaise une moto à ranger dans les modèles premium. La Speed Triple pourrait être une de ces motos qu’on exposerait dans son salon ! Et vous, qu’en dites-vous ?
Triumph n’a pas manqué l’occasion de cette sérieuse mise à jour pour équiper son roadster emblématique du meilleur au catalogue des technologies contemporaines. Naturellement, pour rester concurrentielle, la Speed Triple a bien dû adopter une unité centrale électronique (UCE) évoluée incluant les inévitables commande de gaz type ride-by-wire, contrôle de traction et différents modes de conduite (Rain, Road, Sport et Track). Comme à l’accoutumée, chaque mode de conduite implique un paramétrage différent du contrôle de traction et de la sensibilité de la commande de gaz. En sus, il existe un mode entièrement personnalisable. Nous vous laissons prendre connaissance du tableau suivant qui détaille la configuration des différents modes. Il est à noter que peu importe le mode choisi, la puissance du moteur est inchangée.
Quand d’autres roadsters plus puissants s’équipent de systèmes de suspensions semi-actives, la Speed Triple fait dans le traditionnel, à l’instar de la concurrence représentée par la Kawasaki Z1000 et la Suzuki GSX-S1000. C’est à coup de tournevis ou de tours de molette que l’on ajuste la suspension ! Et ça tombe bien, car la Speed Triple se pare de suspensions réglables dans tous les sens, peu importe la version S ou R.
Quant à l’ABS, il est en adéquation avec les modes de conduite. Toutefois, il est possible de le calibrer en deux modes : road et track, ce dernier laissant plus de marge à la glisse. Et pour les plus téméraires, il est déconnectable.
On regrette d’ores et déjà que la Speed Triple R soit dépourvue d’un quickshifter de série. Evidemment, on le retrouve dans la liste des options du catalogue Triumph.
La Speed Triple est disponible en deux versions : S pour la version standard et R pour plus de sport encore. Sans surprise, Triumph a repris la même recette que celle appliquée au précédent millésime ainsi qu’à la Daytona ; les versions R reçoivent une livrée exclusive avec des touches de rouge ci et là et des pièces en carbone, mais surtout un système de suspension signé par le sorcier suédois Öhlins. Plus précisément, la version standard se contente d’une suspension Showa déjà performante alors que la version R se dote du fameux amortisseur TTX36 RSU et de la fourche inversée de 43mm NIX30.
La Speed Triple R pourrait-elle alors piquer le slogan des Autrichiens, "Ready to Race" ? Nous verrons cela lorsque nous poserons les Pirelli Diablo Supercorsa sur le tortueux et technique circuit de Calafat, dans la région de Barcelone.
Que serait la Speed sans son "Triple" ? Visuellement, son trois-cylindres, initialement dérivé du 955, occupe le centre du sujet. La Speed est construite autour de son moteur. A la conduite, la "Triple Touch" représente l’origine du charisme distillé par l’Anglaise.
Pour ce nouveau millésime, Triumph affirme avoir complètement revu son 1050 dans le but de lui attribuer un caractère plus affirmé et pour répondre aux normes antipollution Euro4. Au total, pas moins de 104 pièces ont été repensées, redessinées ou échangées, comme par exemple le vilebrequin, les pistons et la boîte à air avec son admission d’air forcé.
Résultat de l’opération, le trois-cylindres est moins gourmand en carburant à hauteur de 10% et affiche des valeurs de couple et de puissance plus élevées. Plus exactement, le couple est plus élevé de 5% de 3’500tr/min à 7’500tr/min pour atteindre sa valeur maximale de 112Nm à 7’850tr/min et la puissance maximale de 140cv est développée à 9’500tr/min.
La boîte de vitesse et ses rapports restent identiques. L’embrayage est de type anti-dribble, évitant ainsi la glisse de la roue arrière lors de rétrogradages musclés.
Triumph Motorcycles a convié la presse des différents pays du globe dans la région de Tarragone, à quelques dizaines de kilomètres de Barcelone. La Speed Triple R ayant une vocation sportive, l’essai se déroulera sur route ouverte, dans les lacets des contreforts catalans, puis sur le circuit de Calafat avec son tracé technique.
Afin de prendre en main l’Anglaise, nous débutons par l’essai routier qui nous fait sortir de la zone urbaine pour rejoindre des routes plus attractives, à savoir des enchaînements de virages rapides.
Le premier mot qui nous vient à l’esprit, c’est "ergonomie". On se sent bien sur la selle de la Speed Triple R. La position est détendue, bien que légèrement sur les poignets. Les commandes tombent naturellement sous les doigts et on se prête volontiers à la navigation entre les différents menus disponibles. Passer d’un mode de conduite à l’autre se fait d’une brève impulsion sur le bouton mode ; débrayer sera nécessaire pour valider le mode choisi.
En mode Road, la commande des gaz réagit progressivement et permet de relancer la moto tout en douceur d’un carrefour à l’autre. L’embrayage à commande mécanique demande une certaine poigne pour être actionné ; nous étions habitués à plus de souplesse avec les embrayages anti-dribble. Par chance, le levier de vitesse est précis, quand bien même sa course est un poil longue. La prise en main est instinctive et la moto se laisse rouler sur un filet de gaz. En évoluant à basse vitesse bas dans les tours, on se rend compte que le trois-cylindres a gagné en docilité. De même, on apprécie le travail effectué sur la boîte à air, cette dernière laissant s’échapper un ronronnement sourd sans être envahissant.
On sort de l’agglomération urbaine et de longues courbes s’offrent à nous. Sur le dernier rapport, la Speed Triple R fait fi de l’inertie de son moteur et tracte sans broncher, même bien en-dessous des limitations de vitesse. La souplesse du 1050cc n’est plus à démontrer et cette nouvelle mouture le confirme. Il est plein de bas en haut et ne s’essouffle jamais. Certains lui reprocheront trop de linéarité. C’est justement la particularité d’un trois-cylindres et ce qui fait tout son charme.
On privilégie les rapports supérieurs pour évoluer dans cet environnement : bonne visibilité, voie large et longues courbes. La Speed Triple R a un comportement impérial. Sa suspension dorée (ndlr : badgée Öhlins) filtre les toutes les imperfections de l’asphalte et procure une grande stabilité à la moto, et ce même à des vitesses largement prohibées.
On apprécie également le système de freinage choisi, des étriers Brembo type 4.34 et son équipement associé. Le dosage peut être si fin et la puissance si forte qu’un seul doigt suffit pour freiner efficacement. Quant au frein arrière, il est plutôt anecdotique et ne sert qu’à ralentir la moto ou à corriger la trajectoire en virage.
Comme tout roadster, la Speed Triple (R) n’offre pas une bonne protection face au vent. On a beau se coller au réservoir, ce n’est pas le petit saute-vent qui changera radicalement la donne. Cependant, il est intéressant de savoir qu’on trouve un saute-vent allongé parmi les options, comme celui illustré ci-dessus.
Le circuit de Calafat est un petit circuit de 3.250 kilomètres en bord de mer, à quelques kilomètres de Tarragone. Apprécié pour ses enchaînements de virages (22 au total!), il s’inscrit parmi les circuits très techniques. On n’y atteint pas des vitesses très élevées, mais il demande pas mal d’efforts physiques.
A peine arrivés dans l’enceinte du circuit qu’on nous kidnappe nos motos d’essai pour chausser leurs Pirelli Diablo Supercorsa de couvertures chauffantes.
Le temps d’avaler une salade verte et une part d’une côte de boeuf grillée au feu de bois, nous sommes prêts à attaquer la piste. Des protéines et de l’énergie, il en faudra ! On chevauche nos montures et on suit notre guide qui nous fera découvrir le tracé. Une brève ligne droite qui laisse à peine le temps d’user du cinquième rapport jusqu’à 230km/h, des virages qui se referment, d’autres qui s’ouvrent, des enchaînements rapides, … il y en a pour tous les goûts, mais surtout de quoi mettre la Speed Triple R dans tous ses états.
Il n’a fallu que quelques tours pour mémoriser le circuit, mais pas suffisamment pour adopter les trajectoires idéales.
Durant l’exercice, la Speed Triple R se montre bonne élève et facile à emmener d’un virage à l’autre. Montée sur ses suspensions Öhlins, elle est imperturbable ; c’est particulièrement en virage qu’on remarque la qualité de la suspension lorsqu’on passe sur les déformations de l’asphalte alors que la moto est plein angle.
Cependant, dans les enchaînements rapides, l’excellente stabilité que nous évoquions est au détriment de la vivacité. Pas que l’Anglaise n’est pas maniable, de loin pas, mais plutôt qu’elle demande à être travaillée pour la pousser dans ses derniers retranchements. Elle s'avère efficace, pour autant que nous adoptions une conduite musclée.
Les aficionados de la puissance seront déçus d’avance en consultant la seule fiche technique. Détrompez-vous, les 140cv, aidés par le couple généreux du trois-cylindres, sont bien nés et catapultent généreusement la Speed Triple R ! Plus ne semble pas nécessaire ! Et pour compléter l'ambiance sonore, sans même parler d'ergonomie et de confort de pilotage, on se servirait encore une fois volontiers d'un quickshifter, surtout sur piste.
Quant aux technologies embarquées, elles sont un atout sécuritaire non négligeable. Notre passage sur circuit a été l’occasion de découvrir la manière dont travaillent le contrôle de traction et l’ABS en fonction du mode de conduite choisi. Lorsque l'on peut ouvrir gaz en grand à chaque sortie de virage sans se soucier de la motricité, le contrôle de traction gérant discrètement et efficacement, on peut parler d’une certaine jouissance. De même que piler sur les freins tel un goret sans risquer de perdre le contrôle de la roue avant… Toujours à la limite du décrochage, on sait que l’électronique gère.
Sur piste, la Speed Triple R est une moto facile : un moteur linéaire, une partie-cycle parfaitement réglée qui conjugue stabilité et vivacité, un freinage puissant et facilement dosable, ... À son guidon, hormis quelques coups de reins pour balancer la moto dans les chicanes, on a tout le loisir de se concentrer sur la trajectoire idéale et sur son pilotage.
La Triumph Speed Triple R millésime 2016 n’est pas une vraie nouveauté en soi, elle est dans les faits une (très) sérieuse mise à jour d’un modèle à succès. Au top, c’est sans gêne que nous le déclarons ! Les ingénieurs d’Hinckley ont trouvé le parfait compromis entre sportivité, confort, héritage, modernité et noblesse.
Et finalement, son trois-cylindres est unique en son genre, de même que son design façon bad-boy en costard cravatte et chaussure de sport. Vous voyez le genre ?