En novembre 2012, les Autrichiens présentent au salon de Milan un prototype méchantissime encore couvert de bouts de gomme. A coup de rupteur dans une micro-canette Akrapovic, une lueur dans le regard, chacun se demandait à quel point asceptiseront-ils le prototype en question pour pouvoir le vendre ? Après un an à jouer au chat et la souris, la KTM Superduke 1290R est officiellement présentée en octobre 2013.
189kg à sec, seulement cinq de plus que la RC8 R, pour 180cv (aussi cinq de plus que la sportive - vous avez bien lu !). Le LC8 a été réallésé à 1'301cc en favorisant le couple et délivre un maximum de 144Nm à 6'500tr/min dont un bon deux tiers disponible dès 2'500tr/min ! On est bien en présence du roadster le plus puissant jamais vendu. Ont-ils juste mis un phare et un échappement homologué ? On dirait bien.
A y regarder de plus près la fourche est toujours une WP, mais n'est plus le modèle compétition à cartouche. Elle est réglable en compression et en détente directement au sommet du tube. L'amortisseur du monobras est aussi un WP entièrement réglable avec un ajustement séparé en compression haute et basse vitesse.
Les freins avant pourraient être les mêmes, puisque la RC8 en est aussi équipée : deux disques de 320mm à étrier monobloc radiaux à l'avant et, derrière, c'est un monodisque de 240mm (+20mm) et un étrier deux pistons.
La plus féroce des KTM peut être mise entre toutes les mains grâce à une série d'aides électroniques à la conduite. Mais fidèle à son image de moto extrême, KTM vous laisse décider de tout désactiver.
La Superduke est d'abord régie par trois modes de conduite ajustant la réponse de l'accélérateur et le comportement du contrôle de traction MTC. En mode pluie, 100cv sont docilement disponibles pendant que le MTC interdit le wheeling et limite au maximum la perte d'adhérence. Sur le réglage route, les 180cv sont solicités alors que le wheeling et la perte d'adhérence sont très limités. En Sport, wheeling et dérives sont permis tandis que les 180 cheveaux sont brutalement lâchés.
En complément, l'ABS peut être déconnecté ou mis dans un mode "supermotard" pour ne plus contrôler que l'anti-blocage de la roue avant. Le contrôle de traction peut aussi être totalement neutralisé. Ces deux aides ne peuvent être modifiées qu'à l'arrêt et sont toujours réactivées à la mise en marche de la moto.
Depuis l'apparition des petites Duke 125, 250 et 390, KTM compte beaucoup sur sa gamme de roadsters. Visuellement, la recette est simple : châssis tubulaire apparent, réservoire anguleux en plastique et échappement en position basse. Pour justifier que c'est elle qui commande dans la famille, la 1290 a eu droit, en plus de son gros moulin, à des atouts visuels comme son feu diurne à LED ou son monobras.
La position de conduite se retrouve aussi d'une Duke à l'autre. Bien campé sur une selle pas trop haute, le guidon large légèrement courbé tombant sous les mains et l'imposant réservoir étant en fait relativement fin à l'entrejambe. Le compteur vient lui de la gamme Adventure de KTM. En effet, c'est l'instrumentation complète de la 1190 Adventure (R) dont l'apparence n'a pas été revue.
Grâce aux quatre boutons du commodo gauche, on navigue facilement au travers des menus. Même si l'arborescence générale est restée un mystère pour moi, en jouant des touches, on finit toujours par arriver là où l'on veut. Sur la droite, on garde toujours un oeil sur la vitesse, la jauge d'essence, la température d'huile et le rapport engagé. A gauche, c'est un écran de six favoris que vous paramétrez ! Vous êtes un grand voyageur et aimez connaître votre autonomie et la distance parcourue ? Vous êtes plutôt du genre à vouloir le 100% de votre moto avec les températures, les modes de conduite et l'état des aides ? Tout est possible, mais il vous faudra néanmoins potasser un minimum le mode d'emploi.
A chaque vidéo mettant en scène la Superduke, KTM semblait prendre un malin plaisir à détruite un pneu arrière. Entre nos mains et avec le MTC, c'est une moto très civilisée voir même étonnement facile à conduire. Grâce à l'embrayage à commande hydraulique et en étant raisonnable sur la poignée de gaz, le motard moyen adoptera sans autre cette moto pour se déplacer tous les jours.
A basse vitesse, sous les 2'000 tr/min, on est malmené par le gros bicylindre rappelant plutôt violement sa présence. C'est l'apanage de ce genre de grosse motorisation, difficile d'y couper. A moins de rouler très vite, les cinquième et sixième vitesses ne sont que peu utilisées. Tenir un 100km/h sur le dernier rapport n'est vraiment pas agréable. Notez aussi que sur cette boîte de vitesses, mettre le point mort demande de l'exercice. Pour sa défense, la moto n'était que très peu kilométrée, il y a fort à parier qu'après le premier service, l'opération deviendra plus facile.
Une fois passé le seuil des 3'000 tr/mn, on entre dans une autre dimension, pour faire mieux il faudrait se rendre sur le pont d'un porte-avion, avec une catapulte. Les teasers produits par KTM ne sont pas abusifs, et la SuperDuke est en effet dotée d'un couple incroyable que les pauvres Dunlop SportSmart 2 ont de la peine à encaisser. A ce jour, ce choix de monte pneumatique reste encore un mystère à nos yeux.
Avec les pneus froids, n'oubliez pas de bien vérifier que vous avez payé votre RC tant le contrôle de traction se met en sapin de Noël à la moindre remise des gaz avec un peu d'angle. Même bien chaud, il n'est pas rare d'avoir l'arrière qui dérive, et ce sans être sur le mode Sport ! Bon, il faut dire que peu de motos peuvent se targuer d'offrir un couple aussi phénoménal que la bombe orange.
En mode Sport, la Superduke devient encore plus méchante et permet de sérieuses dérives à l'accélération. L'aiguille du compte tours s'affole et le paysage vous saute carrément aux yeux, le moteur ne semble jamais vouloir s'arrêter. Sauf quand le rupteur met son veto, reste à monter un rapport si vous voulez continuer votre apprentissage de pilote d'avion de chasse !
Par contre, revers de la médaille, la moto devient encore plus pousse-au-crime et les vitesses indiquées par l'écran LCD font peur... Il est dur de rester raisonnable à son guidon, un peu comme si vous deviez partager votre canapé avec Penelope Cruz... difficile dans ces conditions de discuter art contemporain ou littérature. La Superduke devra être amenée sur piste pour offrir le meilleur d'elle-même.
Le freinage est quant à lui irréprochable. Mordant et endurant, il encaisse sans aucun problème les phases de freinage de trappeur. Pour les adeptes du travers de porc, activez le mode supermoto pour vous offrir quelques belles dérives. C'est certain, KTM sait prendre soin de ses clients !
Au niveau des sensations de conduite, on est bien sur une KTM, avec le sentiment d'être assis sur la colonne de direction tant celle-ci est vive et contrôlable. Le ressenti est excellent, c'est un réel plaisir de la faire virevolter de gauche à droite et inversément. Le poids contenu du monstre fait tout son effet, on ne le répétera jamais assez, Light is Right !
Je retiendrais un petit défaut au niveau de l'amortisseur arrière qui avait un peu tendance à "pomper" en mode full gaz. Une petite séance de réglage aurait sûrement permis de venir à bout de ce phénomène, les WP équipant la gamme KTM sont d'excellents éléments.
On n'est pas non plus obligé de rouler poignée soudée avec la SuperDuke. En ville, la moto est agréable, bien aidée par sa maniabilité hors-pair et son couple débordant. On s'extrait du trafic comme une fleur et la position droite permet de bien voir le danger qui arrive de tous les côtés. Cela permet aussi de voir que la SuperDuke ne laisse pas les badauds indifférents, son look et son bruit attirent les regards.
Non, elle n'est pas trop puissante, je ne me suis pas fair peur avec pendant toute la période de l'essai. Sa carrosserie en plastique me plaît aussi, elle correspond au dessin sportif de la moto tout en optimisant le poids. La position de conduite est bien pensée, elle permet un contrôle total de la moto dans un confort satisfaisant.
Toutes ces qualités, mais surtout faire perdre la tête à la majorité des motards, ça a un prix. Un revendeur KTM vous en livrera une contre CHF 19'790.-, mais lorsqu'il vous tendra le catalogue des PowerParts et des PowerWare, prenez garde de ne pas doubler le montant de votre facture.