Après une instruction sur les multiples possibilités de personnalisation des suspensions, je ne tarde pas à faire ronronner cette noble mécanique à quatre cylindres. Un doux feulement sort des deux échappements catalytiques (plus que deux catalyseurs contre quatre auparavant). Je passe le premier rapport en levant le sélecteur du bout du pied gauche, déroutant ! C’est simple mais inhabituel ; on monte les rapports en levant le sélecteur, on les tombe en appuyant sur le sélecteur. Le schéma est le suivant : N-1-2-3-4-5. Vous avez bien lu, la FJR a toujours ses cinq rapports. Yamaha a jugé son moteur si souple qu’un sixième rapport n’était pas nécessaire.
Les manoeuvres à basse vitesse sur le premier rapport sont aisées. Le YCC-S gère parfaitement l’embrayage et ne génère aucun à-coup ou sensation malvenue.
Dès les premiers tours de roue, je remarque de suite que tous les commodos tombent naturellement sous les doigts, et pourtant les boutons et autres poussoirs sont nombreux. L’ergonomie a été travaillée et ça se voit. A priori compliquée, du moins en la décrivant, la navigation dans les menus de l’ordinateur de bord se fait intuitivement. D’ailleurs, en cette fraîche matinée, je m’empresse d’activer les poignées chauffantes (réglables sur trois positions en roulant et niveau de température entièrement paramétrable à l’arrêt). La chaleur dissipée est constante et ne varie pas en fonction de la disponibilité de l’alternateur, comme nous voyons (encore) trop souvent sur d'autres motos.
La position de conduite est strictement identique à l’ancien modèle. Les jambes repliées, le buste légèrement orienté vers l’avant, la position est naturelle et adaptée à de longs trajets. La selle est assez ferme ; les plus douillets opteront pour la selle en gel proposée au catalogue des options Yamaha.
Calfeutré derrière le pare-brise mis en position haute, je ne crains pas les quelques kilomètres autoroutiers à parcourir. De ce fait, j’imagine que le carénage et le pare-brise protègent idéalement des intempéries. Il me semble également que le pare-brise ne monte plus aussi haut ; ainsi, le champ visuel n’est plus entravé comme je le regrettais sur l'ancien modèle. La face avant du carénage a été dessinée de sorte qu’un flux d’air pénètre juste au-dessus du tableau de bord et évite le vide d’air désagréable entre mon buste et le pare-brise, lorsque ce dernier est en position haute.
Je profite du parcours autoroutier pour évaluer le fameux D-Mode. En mode Touring, apprécié lors de balade en duo, le moteur répond tout en douceur à la rotation de la poignée des gaz. Pour un angle de rotation équivalent, le mode Sport provoque une réaction instantanée du moteur. Le ride-by-wire a du bon et est parfaitement maîtrisé sur cette FJR. Le moteur se contrôle du bout des doigts. Durant tout l’essai, je resterai en mode Sport, plus approprié aux circonstances.
Enfin, la sortie d'autoroute ! Les virages sont à quelques coups de gaz. Mon guide avait mangé du lion au petit-déjeuner, c'est sûr ! Trois coups de pouce gauche sur la gâchette et je me retrouve sur le deuxième rapport sans avoir subi une seule secousse. J’ouvre les gaz en grand. Le quatre-cylindres fait bondir la FJR. Son allonge est bluffante. De 2’000tr/min à la zone rouge (située à 9'000tr/min), il souffle sans faiblir. Il a du coffre et distille sa puissance et son couple avec une douce poigne. Les performances sont bien là et je n’ose regarder le tachymètre qui affiche déjà trois chiffres... Je me calme et passe alors les rapports à la hausse. Lorsque le moteur n’est pas en charge, à la décélération par exemple, le YCC-S dose parfaitement les gaz et l’embrayage. Par contre, lors de grosses accélérations, on regrettera toujours la présence d’à-coups à chaque passage de rapport. Mais finalement, est-ce techniquement possible de couper les gaz, débrayer, passer le rapport supérieur, embrayer et rouvrir les gaz, tout cela en une fraction de seconde (0.3 seconde exactement) sans provoquer d’à-coup ? Il ne faut pas oublier que le YCC-S est un simple embrayage assisté pour plus de confort et non un système de boîte automatique à viscocoupleur ou à double embrayage... Yamaha a souhaité conserver une architecture traditionnelle de l’embrayage et de la boîte de vitesses. L’authenticité-même que recherche le motard, le vrai.
Après quelques kilomètres d’utilisation, le YCC-S se fait oublier et me permet de me concentrer sur la route et ses dangers, sur mes trajectoires et mon pilotage, mais aussi d’apprécier les paysages et la nature qui s’éveille en ce printemps.
Quand le premier virage pointe à l’horizon et vient perturber ma grande quiétude au guidon de cette routière, je me demande comment va réagir ce petit monstre de près de 300kg (296kg pour être précis). Avant tout, il faudra ralentir sa course folle. A choix, le frein arrière couplé au frein avant pour un freinage sûr et homogène ou le frein avant seul pour un gros freinage de trappeurs (à éviter en duo, cela va de soi!). Dans les deux cas, je constate que la FJR est équipée correctement. A l’avant, Yamaha assure avec un ensemble Nissin composé de deux disques de 320mm de diamètre serrés par des mâchoires à quatre pistons. Rien d’extravagant, mais peu importe, c’est efficace. Le freinage est progressif, puissant et dosable. L’ABS se fait très discret lors des freinages appuyés. La moto reste stable, même dans les situations, osons-le dire, extrêmes.
A l’entrée du virage, je soigne ma trajectoire avec dextérité. La FJR obéit à mon regard et rien ne vient la déstabiliser. Elle s’inscrit et je maintiens l’angle sans difficulté. La direction est précise et légère. La suspension correctement calibrée en mode Hard, la moto passe le virage sans broncher. Bien que je sente le poids de la machine, je n’éprouve aucune difficulté à la balancer d’un angle à l’autre. Yamaha avait promis une mise à niveau des capacités dynamiques de la FJR, la promesse est tenue !
En sortie de virage, on peut compter sur le contrôle de traction pour ouvrir les gaz en grand, très grand. La moto a un comportement très rassurant et gomme les imperfections de pilotage. Sur le deuxième rapport, je me propulse au virage suivant avec vigueur.
Que les virages s’assimilent à des épingles ou à des longues courbes, la FJR se pilote intuitivement. Les masses sont parfaitement équilibrées et rien ne vient perturber l’équilibre naturel de la moto lorsque je suis sur l’angle... même en rabotant les cale-pieds. Au passage, ne pensez pas par là que la FJR n’a pas une garde au sol suffisante ; bien au contraire, elle est fidèle à sa vocation sportive et vous permet de passer les courbes à vive allure avec une prise d’angle inavouable.
Coire d’un côté, Ascona de l’autre, nous avons franchi le col du San Bernardino. Il fallait le préciser car à l’allure à laquelle j’ai avalé les cent quarante derniers kilomètres, je n’ai guère profité du paysage.
Arrivé aux portes Ascona, très chic ville tessinoise au bord du lac de Majeur, la circulation se densifie. Se faufiler entre les voitures n’est pas franchement le point fort de la FJR, il faut avouer qu’avec ses valises latérales et ses larges rétroviseurs, elle n’a pas l’aisance d’un filiforme roadster 600cm3. C’est un fait. Par contre, je n’ai souffert d’aucune difficulté à basse vitesse. Comme dit plus haut, le YCC-S travaille à la perfection sur le premier rapport. De plus, il est un allié idéal pour les déplacements urbains... En effet, la main droite est soulagée de l’action intempestive de l’embrayage.
La ville, ce n’est pas son fort, mais elle ne rechigne pas à l’épreuve de la jungle urbaine.
En cette FJR 1300AS millésime 2013, j’ai découvert une vraie et authentique moto sport-touring. Capable de balade et de longues virées au bout de l’Europe comme de belles parties d’arsouille, la FJR enfonce le clou et fait taire à nouveau la concurrence qui s’embourgeoise au détriment des sensations de conduite.