Le décor est ainsi posé ; passons à l’actrice vers laquelle tous les projecteurs se tournent.
La dernière-née des sportives de la marque verte n’était pas encore sur le vieux Continent que l’on entendait déjà parler d’elle dans les quatre coins du monde. La fameuse appellation ZZR, désignant les sportives de grosse cylindrée de la marque verte, se voit offrir un nouveau modèle pour 2012. L’ambition de Kawasaki était claire : il fallait une fois pour toutes répondre à la question de la suprématie dans la haute sphère des grosses cylindrées sportives.
Chose dite, chose faite. Kawasaki annonce fièrement les performances évocatrices de sa bête féroce : 210cv à 10’000tr/min et 162Nm à 7’500tr/min, dont près des 60% sont disponibles dès 2’000tr/min ! Le faucon de la concurrence en a perdu son latin...
Lors de la présentation presse, nous ne comprenions guère pourquoi les concepteurs de la Kawasaki ZZR1400 la nommait l’imperator des sportives. En s’approchant de la ZZR et en se penchant sur ses caractéristiques, nous devions avouer que ce sobriquet a pris tout son sens.
La ligne générale inspire la vitesse. Les nombreux passages en soufflerie n’y sont sans doute pas pour rien. Les courbes de la ZZR trouvent leur raison d’être dans la quête de performances aérodynamiques. Bien que le design de la moto ait été très influencé par les résultats des passages en soufflerie, la ZZR offre un look agressif et agréable à l’oeil. Son esthétique ne fait certes pas l’unanimité mais elle fera détourner les regards. Vous ne passerez assurément pas inaperçu au guidon de cette Kawa' !
L’allure générale de cette Kawasaki impose le respect. Ses dimensions, son look, ses attributs esthétiques et dédiés à la performance trahissent son appartenance à la famille des sportives Kawasaki. Les quatre projecteurs ainsi que les deux feux de position aux extrémités rappellent la précédente ZZR. Il en va de même pour les extracteurs d’air latéraux mis en valeur par quatre baguettes noires (design répliqué sur les supports de rétroviseurs). Les deux volumineux silencieux catalytiques ne sont pas présents pour charmer la galerie, mais bel et bien pour libérer tout le volume de gaz sorti du puissant bloc quatre cylindres de 1’441cm3. Le RAM Air (admission d’air forcée) s’impose entre les deux paires de projecteurs, à l’instar de la plupart des modèles sportifs de la marque.
Peu importe l’angle sous lequel on la contemple, cette ZZR en jette et intimiderait le novice qui oserait s’en approcher.
Ce modèle 2012 n’innove pas que par son look. Le souhait du chef de projet ZZR1400 (M. Oshima) était bien clair. Il fallait coûte que coûte détrôner la concurrence et mettre la barre très haute.
Le châssis monocoque de la précédente ZZR a été complètement revu. L’aluminium est abondamment utilisé et les zones de contrainte sont renforcées afin d’obtenir un surcroît de rigidité. Aussi, la colonne de direction est revisitée dans la même optique.
Le bras oscillant a été allongé d’un centimètre et sa conception a été revue pour supporter les 7cv supplémentaires du nouveau moteur.
Niveau suspensions, Kawasaki garde la même formule mais l’affûte ! Les réglages sont plus fermes et le tempérament est de ce fait encore plus sportif. L’essentiel du travail de l'amortisseur est effectué dans la partie haute du débattement. La tenue de route est améliorée et il en va de même pour l’absorption des chocs.
Les jantes, quant à elles, ont subi une cure d’amaigrissement et affichent désormais une perte de 360 grammes pour l’avant et 1’030 kilos pour l’arrière. Cette diminution du poids non suspendu a pour but de favoriser la vivacité de la machine.
Côté freinage, Kawasaki s’applique et équipe sa ZZR de deux généreux disques en pétales de 310 millimètres à l’avant et d’un disque de 200 millimètres à l’arrière. Aussi, l’ABS est de dernière génération ; il se veut léger et très réactif.
La boîte de vitesses, elle, répond aux augmentations de puissance et de couple. Renforcée et capable de subir plus de puissance et de couple que délivrés par le moteur, elle est aussi raccourcie pour des accélérations démentielles ; la couronne passe de 41 à 42 dents. Dans le même domaine, l’embrayage s’offre un limiteur de couple. Les rétrogradages sont donc facilités et le blocage de la roue arrière est évité.
Et finalement, attardons-nous sur le coeur de cette ZZR1400 ! Le moteur bénéficie d’un réalésage ; la course est allongée de 4 millimètres. Ainsi, la cylindrée passe à 1’441cm3. Comparativement à la version antérieure, ce nouveau bouilleur développe plus de couple à tous les régimes et une puissance nettement plus élevée à moyen et haut régimes. C’est surtout au-delà de 4’000tr/min que la cavalerie s’emballe. Les chambres de combustion sont fraisées, ce qui apporte un rapport volumétrique intéressant de 12,3:1 (avant, 12,0:1). Les conduits d’admission (d’un diamètre de 44 millimètres) reçoivent aussi un traitement particulier ; ils sont polis afin de lisser l’entrée d’air. Les conduits d’échappement, eux, voient leur diamètre s’agrandir. Le moteur est dorénavant équipé d’un système de gicleurs d’huile dirigés vers les pistons ; ceci permet un meilleur refroidissement et de ce fait un accroissement des performances. Un travail particulier a été accordé au filtre à air : plus grand (moins de résistance au flux d’air), plus épais (meilleure filtration). Pour pallier au confort, deux arbres d’équilibrage secondaires contiennent les vibrations. Côté refroidissement, la ZZR jouit de deux ventilateurs.
Ecologiquement, l’unité électronique centrale a revu ses calculs et permet une baisse significative de la consommation (environ 8% sont annoncés).
Cette ZZR ne se veut pas un simple update de sa génitrice. En effet, elle s’équipe des meilleurs équipements technologiques actuels. Nous l’avions vu lors des essais de ses soeurs, l’une voyageuse, la 1400GTR et l’autre supersportive, la ZX-10R, Kawasaki, comme d’autres marques, a élaboré un système de gestion du moteur mettant en interaction une batterie de capteurs à divers endroits de la moto. Il en résulte des possibilités de personnalisation du style de conduite. Sur la scène technologique, nous nommons le KTRC (Kawasaki TRaction Control) et le sélecteur de puissance. La ZZR1400 reçoit un mix du meilleur de ses soeurs.
Les modes 1 et 2 du KTRC sont ceux qui tolèrent un certain patinage de la roue arrière. Le mode 3, lui, est le plus castrateur et ne permet aucune figure de style comme par exemple un wheelie ou une légère glissade de la roue arrière. C’est celui qui est généralement utilisé pour une conduite sur sol gras et/ou mouillé ; ayant une vitesse de calcul cyclique de 5 millisecondes, il ne fera preuve d’aucune négligence.
Revenons aux modes 1 et 2. Pour tirer meilleur parti de l’accélération de cette ZZR, il faut garder un certain degré de patinage. Le mode 1 est le vrai mode Sport ; quant au mode 2, il s’utilisera lors d’une conduite Touring. Plus tard, nous verrons que le mode 2 offre une homogénéité agréable à la moto. Pour les fous du guidon, le KTRC peut être totalement déconnecté.
Puis, il y a le sélecteur de puissance. Deux positions sont disponibles, Low et Full Power. Full Power, comme son nom l’indique, la puissance délivrée est maximale et la réponse de la poignée des gaz est instantanée. Sur la position Low Power, on se contente du 75% de la puissance maximale et une réponse tempérée de la poignée des gaz.
Ainsi, le pilote dispose de huit possibilités de personnalisation.
Après la développement sur la technologie et des diverses caractéristiques, les ventres gargouillent, l’appétit d’essai est bien présent ! Comme toutes sportives, la ZZR1400 se doit de passer par la piste pour dévoiler son potentiel dynamique.
La journée à Nardò s’est déroulée en trois endroits ayant chacun pour objectif de démontrer une des facettes sportives de la machine : circuit et ses virages, anneau de vitesse et piste d’accélération.
Dans ce premier volet, il est question de tester la ZZR dans l’univers tumultueux du circuit et de sa succession de virages et de lignes droites.
Les pneus Bridgestone Battlax S20 sont encore neufs. Notons au passage qu’ils ont été tout spécialement développés pour la ZZR1400. Un tour de circuit suffira à rôder la gomme. Ce tour fera office de préliminaires et permettra de révéler l’étonnante vivacité de la moto. Sa maniabilité ne laisse de loin pas présager le poids conséquent de la machine (268 kilos tous pleins faits). Aussi, la position de conduite, ni droite ni couchée et les bras mi-tendus, permet d’emmener la moto avec une facilité déconcertante. Le bloc moteur est étroit et permet de bien serrer la moto entre ses jambes. Les repose-pieds ont été abaissés (par rapport au modèle précédent) ; les jambes ne sont donc pas trop repliées. La selle est étroite à l’avant pour la mobilité du pilote autour du réservoir en cas de déhanchement et large et creusée à l’arrière pour se caler lors des fortes accélérations.
Premier tour effectué (Full Power et KTRC 1), l’impression générale est bonne. Nous avons affaire à une grosse et puissante moto qui se laisse apprivoiser sans surprises.
Il est temps de voir ce que Dame ZZR a dans le ventre. En sortie de virage, la ligne droite de près de 400 mètres se profile. Encore sur l’angle et sur le deuxième rapport, on ouvre progressivement les gaz pour atteindre la butée. La roue avant décolle d’une généreuse dizaine de centimètres. L’accélération est extrêmement puissante et constante sur toute la plage de régime. On passe le troisième rapport et on poursuit le sprint avant de sauter sur la paire de disques de frein à l’approche de la chicane séparant la ligne droite en deux parties. La fourche se tasse de manière très limitée et gère parfaitement un violent freinage. L’ABS ne bronche pas, les pneus n’étaient alors pas en limite d’adhérence. Pif-paf, la chicane est passée, la ZZR a virevolté et son pilote n’a pas souffert du moindre effort. Il n’est pas nécessaire de repasser le deuxième rapport, le moteur disposant d’un couple dément, on rouvre les gaz sans la moindre hésitation. La roue arrière reste scotchée à l’asphalte. Quant à la fourche, elle se déleste sans décoller. Le KTRC fait son travail, dans l’ombre, sans que le pilote le remarque.
Le virage suivant est une longue courbe appuyée et perturbée par une dépression en son milieu. La moto attaque le virage et prend de l’angle sans difficultés. Il ne faut pas la jeter, elle s’inscrit intuitivement. La dépression rencontrée, les suspensions réagissent sainement. Elles se tassent sèchement sans perturber la prise d’angle ; la moto conserve son inclinaison et n’est pas déstabilisée. En sortie de virage, on remarque le travail effectué sur le bras oscillant et sur l’amortisseur. De concert, ces deux-ci maîtrisent la cavalerie et le couple sans broncher.
La portion du circuit restante représente des virages à 90°. Enchaînés à grande vitesse et toujours sur le troisième rapport, on s’est surpris de constater à quel point une Hypersport Tourer pouvait être joueuse ! Certes, faut-il encore avoir les bras qui suivent le rythme que peut imposer la ZZR ! Les accélérations sont si musclées que l’on se fatiguerait vite.
Les tours suivants ont permis de tester la sensibilité du freinage et le déclenchement de l’ABS ainsi que le comportement du KTRC dans les situations limites.
L’attaque des freins ne présente pas un redoutable mordant. Ensuite, le feeling est excellent et le dosage, facile. La puissance des freins est à la hauteur des performances de la machine. A la limite, lorsque l’ABS se déclenche, c’est tout en douceur et sans à-coups. Par contre, à haute vitesse, la moto peine à maintenir la ligne droite et oscille légèrement de gauche à droite. Serait-ce dû à la monte pneumatique, pourtant excellente jusqu’à présent ?
Quant au KTRC, en mode 1, il a été d’une extrême discrétion et laissait place à beaucoup de liberté (grande banane sous le casque du pilote) : glissade à la réouverture des gaz en fin de courbe et wheelie. En mode 2, c’est bien moins joyeux ! Enfin, ce mode est plutôt réservé à un usage routier normal, là où l’on pourrait être surpris d'un excès de zèle... a contrario du circuit où l’on s’y attend. A quelques rares exceptions, la roue avant peut lever de quelques centimètres sans que le KTRC n’intervienne directement. Le mode 2 n’est absolument pas permissif en ce qui concerne le patinage de la roue arrière ; il coupe l’excédent de gaz dès que la roue arrière est en détresse.
Le mode 3 du KTRC ainsi que le niveau de puissance Low Power n’ont pas été testés.
En conclusion de cette épreuve, on remarque que la ZZR1400 n’a pas seulement été conçue pour tailler la route mais aussi pour affronter le circuit. Moins vive qu’une supersportive 600, elle se rattrape sur les sorties de virage et les lignes droites, là où elle seule est reine.
La Kawasaki ZZR1400 est capable de 299km/h. Comme l’Homme est incrédule, il a fallu vérifier !
Dans un premier temps, il était demandé de rouler à 200km/h sur une distance de deux kilomètres. Puis, full gaz sur les cinq sixièmes restants de l’anneau (piste extérieure). Le résultat est bluffant. Les 299km/h sont atteints en peu de temps. Bien que la bise soufflait, la stabilité était remarquable, comme sur un rail.
Un GPS a mesuré la vitesse à 298.22km/h alors que le compteur affichait 299. Aussi, la consommation instantanée, selon l’ordinateur de bord, était de 22.8 litres pour 100 kilomètres. Selon ces données, un réservoir plein serait vide après huit tours !
Oui, ce n’est ni politiquement ni écologiquement correct de rouler à 299km/h !
L’ultime et le plus amusant épisode est celui de la piste de drag. En départ lancé sur le deuxième rapport ou en départ arrêté, la Kawasaki ZZR1400 fait fureur.
Cet exercice a permis essentiellement de révéler l’accélération pure ainsi que les agissements du KTRC. Lorsque le KTRC est activé, peu importe le niveau de réglage, jouer de l'embrayage pour tenter le wheelie se résume à perturber la gestion électronique. Un bon wheelie se réalise en mode 1 et full gaz sur les deux premiers rapports. Le mode 2 est également permissif, mais dans une moindre mesure.
Aussi, en pleine accélération, jamais il a été constaté une perte d'adhérence de la roue arrière. Appréciable et sécurisant !
Bien que cette Kawasaki ZZR1400 s'impose sur le 400m départ arrêté en affichant fièrement un record établi à 9.08 secondes (vitesse de passage : 250km/h), ce n'est pas l'exercice le plus ludique de la journée.
La Kawasaki ZZR1400 met de l’ordre sur le marché et s’impose comme l’Hypersport Tourer du moment. Reste à savoir si les aficionados d’Hayabusa resteront sectaires ? L’avenir nous le dira. Mais finalement, peu importe, cette ZZR a démontré qu’elle était capable de performances inouïes et qu’elle s’adresse à un marché d’avertis ! Durant cette journée d’essai à Nardò, seules ses qualités Hypersport ont pu être vérifiées. Son côté Tourer se dévoilera lors de l’essai sur nos routes qui se fera durant le printemps. Restez donc sur le fil !