Pendant que les mécanos s'affairent à ôter les couvertures chauffantes des Pirelli Diablo Supercorsa SP maintenant à température, un ingénieur Aprilia nous montre en détails les fonctionnalités de l'application V4-MP. Facile ! On sélectionne d'abord le circuit sur lequel nous nous trouvons (Misano!), on calibre le contrôle de traction sur le niveau souhaité et ensuite, si besoin, on afine les réglages prédéfinis par l'application. Vous trouverez une vidéo de démonstration sur Youtube.com.
Les moteurs tournent déjà au ralenti depuis quelques minutes déjà. La mécanique sera chaude, de même que les gommes. Une fois en selle, on pourra arsouiller dès le premier virage !
Le V4 fait un brouha d'enfer, même avec son échappement d'origine. On se demande comme Aprilia a fait pour l'homologuer et on n'ose même pas s'imaginer les vocalises produites par le Slip-On d'Akrapovic proposé parmi les nombreux accessoires "racing" du catalogue Aprilia. Et donner un bref coup de gaz jusqu'à 4-5'000tr/min donne le sourire à chacun de nous ! L'émotion est envahissante ! Ce V4 est à l'image des mécaniques typiquement italiennes : saveur, noblesse et performances.
Le feu passe au vert et nous cinq (ndlr : cinq journalistes suisses ont pris part à l'événement) sortons des box à intervalle régulier. Les 4064 mètres du circuit s'offrent à nous.
Calé sur le premier rapport à 60km/h, je quitte les box... Arrivé sur le circuit entre la "variante del parco" et la "curva del rio", je jette un oeil sur la droite pour s'assurer qu'aucun de mes confrères journalistes ne vient et j'ouvre les gaz en grand. A l'approche de la zone rouge, une légère impulsion du pied gauche sur le sélecteur de vitesses et le deuxième rapport se verrouille aidé par le quickshifter. C'est viril et d'une rapidité extrême !
Ne connaissant pas le tracé, je préfère placer cette première séance de roulage sous le signe de la découverte, histoire de prendre mes marques et fixer quelques repères sur la piste. Pas facile, d'autant plus que le circuit est rapide. Le pire encore reste le triple virage à droite appelé "curvone veloce", impressionnant car pris à plus de 240km/h. Durant ces vingt premières minutes, j'ai aussi pu apprécier la facilité de prise en main de la RSV4 et le caractère de son moteur.
De son caractère, parlons-en ! Très coupleux dès les bas régimes, il ne cesse de pousser jusqu'à la zone rouge, avec un regain certain aux alentours de 9'000tr/min. De la bande son, je n'en parle même pas, les mots ne suffisent pas, tant le V4 "expire" la puissance. On se croirait sur une superbike de compétition ! Et au passage des rapports à la volée, le quickshifter génère des déflagrations détonantes. Outre l'ambiance sonore, les 201cv sont bien présents, Aprilia ne nous a pas trompés.
Après cette première session émotionnellement forte, je profite de vingt minutes de pause pour m'hydrater et reprendre mes esprits. Déroutante, cette RSV4, je vous assure ! Quand chez une autre marque italienne le diable habite un power cruiser (ndlr : la Ducati Diavel), chez Aprilia il a trouvé refuge au coeur de la RSV4, quelque part entre le vilebrequin et l'un des quatre arbres à cames. C'est un fait !
A peine repris mes esprits que je remonte sur la selle de l'Aprilia RSV4 RF, numérotée 68 sur 500 exemplaires (avis au futur propriétaire!). Le circuit est tout juste mémorisé et c'est gaz en grand que je m'élance. L'électronique a beau veiller au grain, on sent la roue avant se délester. Ceci dit, elle lève, elle lève, mais ne dépasse jamais une certaine limite. Cette limite est exactement celle qui définit l'accélération optimale tout en restant dans un niveau de sécurité acceptable. Sentir la moto se cabrer et garder la poignée de gaz au coin grâce à l'action de l'anti-wheelie, il y a quelque chose de (très) jouissif qui m'envahit, loin de toute pensée salace. L'amortisseur arrière signé Öhlins, lui, a été réglé aux petits oignons par les mécanos de Noale ; il n'y a rien à redire à son sujet, si ce n'est qu'il digère à la perfection la débauche de puissance que je lui inflige à chaque sortie de virage.
A Misano, le système de freinage est mis à très rude épreuve. A chaque tour, les freins avant, des Brembo M430, ont pour mission de ralentir sur une distance très courte la moto alors que cette dernière est lancée à près de 250km/h. Lorsque je tire sur le levier à deux doigts, la fourche se tasse et la roue avant ne perd pas son cap un seul instant. La moto, d'un empattement court, garde sa stabilité, bien que la roue arrière se déleste généreusement. Les plus téméraires oseront une glisse contrôlée de la roue arrière. Quant à moi, je me contenterai de me concentrer sur mes trajectoires. Vive, la RSV4 se place là où vous le souhaitez en un clin d'oeil ; Aprilia a réussi à conjuguer stabilité et agilité à haute vitesse. En virage, par exemple, elle ne bouge pas d'un poil si vous ne la sollicitez pas ; par contre, elle ne rechignera pas à corriger la trajectoire si vous lui en donnez l'ordre. La monte pneumatique Pirelli n'y est sans doute pas pour rien non plus dans son comportement exemplaire.
Il n'y a que lors des nombreux freinages sur l'angle que j'aurais souhaité un ABS de type gyroscopique pour gagner en sécurité et en efficacité, notamment dans les "curva tramonto" et "curva del carro". Ceci dit, l'excellent feeling rendu par les freins Brembo permettent de doser correctement le freinage pour optimiser le freinage tout en prenant de l'angle.
A la remise de gaz pour bondir en direction du prochain virage, c'est sans appréhension que j'ouvre en grand et franchement. Le ride-by-wire couplé au contrôle de traction gère en toute discrétion l'avalanche de couple et de puissance qui va crescendo avec l'augmentation du régime moteur. L'action du contrôle de traction est parfaitement linéaire et ne crée aucun à-coup, ce qui confère une excellente stabilité à la RSV4 lorsqu'elle est encore sur l'angle et en pleine réaccélération. Cela me rappelle d'ailleurs la "curva querica", là où l'on doit remettre les gaz très tôt tout en maintenant beaucoup d'angle, tout comme à la "variante del parco".