A peine cent kilomètre après Irkoutsk, Ian crève le pneu avant. Les crevaisons, c’est ma hantise absolue, je n’ai dû réparer une chambre à air qu’à une seule reprise tout seul, quelque part à plus de 4000m d’altitude au Kirghizstan, en 2011, et ça m’avait pris deux heures, tellement j’avais peur de percer la chambre à air en remontant le pneu ! Ce petit incident aura tôt fait de me rassurer. Ian en temps qu’enduriste accompli est capable de réparer un pneu en quinze minutes !
Il fait très chaud, les pistes sont bonnes, on roule toute la journée debout à 80-100km/h avec bien de l’espace entre nous pour ne pas bouffer la poussière de l’autre. Mis à part quelques camions, il n’y a personne sur la route.
A mi-chemin d'Irkoutsk et Severobaïkalsk se trouve le seul village où l’on peut trouver un hôtel. Zhygalovo, situé à environ quatre cents kilomètres au nord d'Irkoutsk possède une scierie, et quelques maisons. A l’intersection centrale, on trouve une petite statue "merdique" de Lénine, un hôtel et un minimarché, c’est tout ! Manque de pot, l’hôtel est soi-disant plein alors qu’il n’y a aucune voiture parquée devant... Je crois surtout que la tenancière ne voulait pas que trois motards pouilleux viennent salir ses chambres...
Par chance, avec nos motos, on ne passe pas inaperçu dans ce genre d’endroit et rapidement un jeune gars vient vers nous et nous aide à trouver un endroit pour dormir. La tenancière nous a tout d’abord refusés dès qu’il est reparti, mais a fini par nous accepter quand je lui ai dit que j’allais remplir tous les documents en cyrillique. Elle n’avait jamais vu d’étrangers et était complètement dépassée avec nos passeports européens, ne sachant pas comment remplir son registre.
Comme il n’y a pas de restaurants à Zygalovo, on achète des bières et des varenikis, une sorte de raviolis version russe, qu’on peut acheter en paquets surgelés dans l’unique magasin du village. On les cuisine sous la supervision de la patronne.
Un sacré matrone celle-ci, à contrôler tout ce qui se passe autour d’elle et à crier sur tout le monde à travers le couloir de ce petit établissement. Au final, on a bien rigolé avec elle et, à la fin de la soirée, elle nous aimait même bien je crois !
Comme presque toutes les nuits qui vont suivre, on dort à trois dans la même chambre et on a une salle de bain commune pour toutes les chambres. A 30 balles par personne en moyenne, les hôtels russes ne sont ni bon marché ni agréables, mais toujours largement préférable au camping, spécialement en Sibérie où une armée de moustiques géants et extrêmement voraces auront tôt fait de vous faire regretter d’avoir posé votre tente dehors.
Puisqu’on parle du sujet, sachez qu’en Russie, en règle générale, il ne faut jamais se fier à la couleur du robinet. Très souvent le chaud et le froid ont été intervertis. Aussi, il n’y a jamais de salle de bain dans les chambres et, aussi miteux sont les hôtels, ils sont toujours équipés d’une cabine de douche dernier cri avec des jets dans tous les sens, radio et éclairage à LED... Bien entendu, rien de tout cela n’est connecté et donc vous n’aurez au final qu’une douche standard ! Avec peut-être l’eau chaude et l’eau froide inversées...
Environ quatre cent cinquante kilomètres de piste nous séparent de Severobaïkalsk. A peine sommes-nous partis que Ian crève encore son pneu avant ! Après une rapide réparation, on en profite également pour s’arrêter dans un café, probablement un des seuls sur cette section pour déjeuner avec des blinis, les crêpes russes. La suite de la journée sera un mélange de poussière, de pistes poussiéreuses et de camions dégageant des nuages de poussière, le tout dans une chaleur étouffante ! Nous sommes au milieu de nulle part, il n’y a rien, pas de stations-services, pas de villages, pas de cafés, seuls quelques campements abandonnés attestent de la présence humaine par le passé.
Quelques kilomètres avant d’arriver à Severobaïkalsk, on rejoint enfin la mythique route BAM, celle pour laquelle nous sommes ici. Et quelle surprise lorsque les derniers kilomètres qui nous séparent de la ville se font sur une route goudronnée ! Après avoir fait le plein à l’unique station de la ville, on se pose enfin dans un charmant petit camp de vacances avec des petites maisonnettes en bois. Pour aller prendre une douche dans l’unique cabine collective de l’hôtel, il faut passer à travers... la salle à manger ! Et bien évidemment, une demi-douzaine de personnes étaient en train de souper quand je débarque en calbar et mon micro-linge de voyage... Bon, les présentations étaient faites !
Ian est entre-temps allé chercher des bières au petit magasin du coin. J’ai un peu gâché son plaisir en lui disant qu’il avait pris des bières... sans alcool !