A peine arrivé à Oulan-Oude, je pars seul chercher de l’aide. Je ne peux pas continuer demain si on ne trouve pas une solution à ce problème. Trouver des motards en Russie, c’est en règle générale très facile. Ils traînent toujours dans un endroit bien visible au centre-ville.
Bingo ! Ils sont parqués en face de l’immense statue de la tête de Lénine, monument emblématique d’Oulan-Oude, qui soit dit en passant, à lui seul justifie la visite de cette charmante ville.
Je leur explique tant bien que mal mon problème en russe et avec des signes. Un des gars possède un atelier et pense avoir un carburateur Mikuni en rab. Une demi-heure plus tard, toute l’équipe débarque bruyamment dans le parking de l’hôtel au guidon de leurs motos. Non seulement, il a la bonne pièce, mais en plus il me la remonte en cinq minutes sans même ôter le réservoir. Balèze, je n’aurais même pas essayé ! Trente balles, un couteau suisse et l’affaire est réglée. J’avais oublié à quel point tout est possible en Russie ! Quel soulagement ! L’histoire de la fuite d’huile attendra demain parce que j’ai rendez-vous avec mon pote Ivan ce soir.
En 2011 , entre Irkoutsk et Oulan-Oude, j’endommage la jante arrière de ma BMW et je me retrouve comme un con à plus de deux cent cinquante kilomètres de ma destination, seul au bord de la route, sous la pluie, avec mon kit de réparation de pneus tubeless... absolument inutile quand la jante est pliée !
Alors que je commençais à songer à stopper un camion pour faire transporter ma moto, une voiture s’arrête et un jeune gars vient à la rescousse. Avec des signes, je lui fais comprendre ce qui s’est passé. Il embarque ma roue arrière avec lui et revient deux heures plus tard avec la roue réparée ! Il me fait comprendre qu’il va me suivre jusqu’à Oulan-Oude au cas où. Et heureusement pour moi !
A peine quelques kilomètres plus tard, c’est le pneu avant qui déjante à presque 100km/h ! J’échappe à un gros accident en réussissant je-ne-sais-comment à m’arrêter au bord de la route. La peur de ma vie ! C’était comme rouler sur de la glace, je ne contrôlais plus rien ! Ivan arrête un camion et, avec du pétrole en feu et de l’air comprimé, il réussit à sauver mon pneu. Une méthode certes très peu orthodoxe, mais qui fonctionne bien. Les quelques deux cents kilomètres restant se feront à moins de 50km/h, et juste avant de rentrer dans la ville, le pneu avant lâche encore une fois. On le fait réparer avec du mastique chez un réparateur de pneus. Finalement, il est passé minuit quand Ivan me laisse devant la porte de l’hôtel.
Ivan ne parlait pas un seul mot d’anglais, ni moi de russe, mais j’avais pris son email et son numéro de téléphone. Pour la première fois, trois ans plus tard, on a eu une vraie conversation et passé une cool soirée dans un bar un peu kitch à boire des bières jusqu’à deux heures du matin. Ce soir-là, je me couche avec un gros sourire, et pas parce que je suis bourré, mais parce que je réalise enfin à quel point mes cours de russe vont m’être utiles pour ce voyage.
Le lendemain matin, on part à trois pour se taper les 460 bornes qui nous séparent d’Irkoutsk avec une météo idéale. Chris, quant à lui, continue seul en direction de Chita. Peut-être qu’on le recroisera sur la route pour Magadan, mais il ne tient pas à tenter la BAM avec une moto aussi lourde.
La poisse me colle définitivement aux pneus, avec cette fois mon démarreur qui rend l’âme. Heureusement que KTM a équipé le moteur LC4 d’un kick mais quelle idée de le mettre à gauche ! Cerise sur le gâteau, ma moto pisse tellement d’huile que je dois en rajouter à deux reprises sur les quelque cinq cent kilomètres qui nous séparent d’Irkoutsk...