La construction de la BAM qui a débuté en 1974 et qui a duré plus de quinze ans fut un énorme challenge. Construire une route, une ligne de chemin de fer et des villages pour loger les milliers de travailleurs dans cette partie quasiment vierge de la Russie n’a pas dû être une sinécure. Ici, les températures descendent en dessous de -50°C en hiver ; et en été, l’épaisse toundra marécageuse est infestée de moustiques qui ont pour seul objectif de vous pourrir la vie.
Cette région est perdue au milieu de nulle part ! Même une ville majeure comme Novossibirsk, capitale de la Sibérie, n’est atteignable qu’après plusieurs jours de train. L’avenir de ceux qui travaillent et survivent sur le tracé de la BAM est aussi noir que les murs couverts de suie des immenses centrales à charbon que l’on trouve dans chaque ville. Ici, il n’y a rien d’autre à faire que travailler, faire des gosses ou devenir alcoolique, ou les deux en même temps... Oubliez les loisirs, le shopping, les restos et les bars, les concerts, etc. Il n’y a rien de tout ça sur les milliers de kilomètres de la BAM.
La route qui a permis de construire la ligne de chemin de fer est praticable en hiver quand tout est gelé, et pendant quelques semaines en été, mais uniquement par des véhicules tout-terrain.
Par la route, seule la section Ouest jusqu’à la ville de Tynda est réellement praticable. On compte à présent trois expéditions ayant tenté la section Est, mais aucun n’a réussi à parcourir son intégralité sans devoir charger les motos sur le train à plusieurs reprises.
La dernière tentative a eu lieu exactement au même moment que nous étions sur la section Ouest. Un mois plus tôt, plusieurs fractures pour l'un d’entre eux et une moto à moitié détruite parce qu’happée par un train sur un pont ferroviaire, c’est ce qu’il a fallu aux quatre Anglais pour arriver au bout de leurs efforts.
De notre côté, contre tout attente, notre premier jour sur la BAM était facile ! Les 180km qui nous séparent de Novi Uyan, étaient tout à fait plaisants : une bonne piste, avec quelques sections goudronnées sous un ciel ensoleillé. On trouve un hôtel, vide bien évidemment, et un café dans le centre-ville qui prépare quelques plats réchauffés au micro-onde, comme c’est la coutume dans tous les cafés de Russie. Je pense qu’on puisse dire sans trop prendre de risques que les Russes sont les champions du monde de l’utilisation du micro-onde. La plupart de leurs plats sont préparés en avance, répartis dans des Tupperware et réchauffés avant consommation.
Au centre de ce petit bled constitué d’immeubles de style soviétique d’une mocheté affligeante, on trouve une place de jeu pas beaucoup plus belle et des enfants qui jouent. Ils semblent heureux et pas conscients de l’endroit où ils habitent, et c’est tant mieux pour eux. Comme je me promène avec mon appareil photo, les petites filles me montrent leurs exercices de gymnastique en prenant de poses de mannequin. Elles n’ont probablement pas plus de 7-8 ans ! C’est vraiment quelque chose qu’elles doivent avoir dans les gènes, les femmes russes, je ne vois pas d’autre moyen pour expliquer cela !
Le matin du dixième jour, on sait déjà avant de se lever qu’à partir d’aujourd’hui la rigolade est terminée... Il a plu toute la nuit, et on ne dirait pas que ça va s’arrêter de sitôt...
Faire la BAM dans des bonnes conditions, c’est aussi difficile que de trouver des gens qui sourient dans les rues de Moscou. On y a cru l’espace d’un moment, mais il ne fallait pas rêver non plus, si tous ceux qui l’ont faite en ont tellement bavé, je ne vois pas pour quelle raison on serait épargné...