Mais l’Eldorado, pour Moto Guzzi, c’est avant tout un modèle emblématique, lancé au début des années septante pour partir à la conquête du marché américain, alors largement dominé par les indétrônables bicylindres de William Harley et Arthur Davidson. Dotée de roues rayonnées, d’une large selle confortable, d’un guidon de type corne de vache et surtout bardée de chromes, la V7 850 Eldorado a rencontré un réel succès au pays de l’oncle Sam.
C’est à cette machine osée, lancée à la conquête de l’Amérique, que la firme de Mandello del Lario a voulu rendre hommage avec cette 1400 Eldorado. Construite sur la base de la California 1400 et sortie en 2015 déjà, elle fait une carrière assez timide, cachée derrière des grandes sœurs plutôt turbulentes, dont l’Audace, au look de bad boy, et la MGX-21, sorte de vaisseau intergalactique intégralement recouvert de carbone. C’est certain, l’Eldorado fait preuve de plus de retenue. Avec son look semblant tout droit sorti d’un roman de gare des années septante, elle séduira les amateurs de gros cruiser cherchant le style et la discrétion avant tout.
La ligne est réussie et on prend du plaisir à détailler la moto. Si, avec son bicylindre de 1380cc positionné transversalement à la route, elle en impose, l’ensemble est très harmonieux et ses courbes sont agréables à l’œil. Le galbe du réservoir est souligné par un double liseret blanc très classieux, qui prend naissance à l’avant de la culasse du twin, pour un effet typiquement seventies. Il continue sur les flancs, où il se transforme en V, comme un clin d’œil à l’architecture chère à la marque, pour se terminer sur le garde-boue arrière, à proximité d’un feu rond, d’un classicisme absolument parfait. Testée dans ce sobre coloris noir, l’Eldorado également disponible dans un rouge éclatant, qui n’est pas sans rappeler la Cadillac Eldorado, elle aussi star des seventies. Il y a des chromes à profusion: des flancs du réservoir à l’aigle qui orne ce dernier, en passant par les clignotants, les rétros ou, bien sûr, les pots d’échappement. Les gardes boues enveloppants, les roues à rayons et les pneus à flancs blancs achèvent de nous plonger dans une ambiance nostalgique.
Le soin apporté aux détails est très poussé, et la finition exemplaire, même si elle semble inégale, à l’image de l’emblème du réservoir qui se décolle, ou de la peinture malheureusement déjà marquée à certains endroits, alors que ma moto de test n’a que 600 kilomètres au compteur. A voir sur la durée, mais il faut avouer que cela peut faire grincer sur une machine vendue 22'480.- CHF.
Si la recherche esthétique a été poussée pour donner à l’Eldorado l’élégance authentique des américaines de l’époque, Moto Guzzi n’en a pas pour autant oublié une touche de modernité. Nous sommes en 2019 et la technologie se doit d’être présente, avant tout pour la sécurité : l’ABS est donc présent, ainsi qu’un contrôle de traction réglable sur 3 niveaux (et même déconnectable) et 3 modes de conduite (Veloce, Turismo et Pioggia). Cela ne sera pas de trop vu le poids de la bête et le couple disponible. Le contrôle de la poignée de gaz se fait électroniquement et un tempomat est installé de série sur le commodo gauche. Seule faute de goût à mes yeux : le compteur. Identique à celui de l’Audace, il est doté d’un compte-tour à aiguille, avec en son centre un gros écran LCD affichant une multitude d’informations, mais tranchant franchement avec le côté vintage de la moto. Dommage, un compteur à aiguille sur fond blanc, avec une jauge sur le réservoir, aurait sûrement été plus approprié.
Bon, c’est bien joli de se faire flatter la rétine, mais il est temps à présent de chevaucher l’engin. J’ai hâte de voir si l’Eldorado arrivera à transmettre les mêmes émotions en dynamique qu’en statique.