Voilà la nouvelle équation pour la suite de la journée. Comment vous dire qu’elle me convient nettement mieux ! Mode Touring enclenché, je profite enfin des 159cv disponibles. Et là, deuxième uppercut ! J’ai beau connaître ce moteur, il m’envoûte littéralement. Encore une fois. Souple, disponible, il prend les tours avec force, et propulse la moto dans une autre dimension. Heureusement, en effet, que les fesses sont bien calées. Si vous comptez prendre un passager, le dosseret de selle disponible en option est indispensable, sous peine de le laisser sur la route (et c’est la version soft). La poignée passager (rétractable, cachée sous la selle) ne lui sera d’aucun secours. Les vibrations sont contenues, quasi inexistantes sous les 5000 tr/min, et restent peu présentes au-delà. Moi qui fus prompt à critiquer, lors de mon arrivée à Marbella, la pertinence d’un système anti-wheeling sur une moto de 221kg avec un empattement de quelques 1600mm, j’aime autant vous dire que j’ai ravalé ma question aussi vite que je l’avais posée. Quelque soit le rapport, ouvrez en grand, et vous sentirez illico la roue avant se détacher du sol. Ceci alors que le DWC est enclenché sur le niveau 5 (sur 8 maximum). Autant dire que ça ne rigole pas. Pourtant, je fais mon poids, et j’ai mon matériel photo sur le dos. L’avantage, c’est que tout est sous contrôle, et qu’il n’y a aucun risque de vous retourner. Que les stunters se rassurent, tout est une fois encore déconnectable. Mais pour le motard lambda que je suis, il est clairement rassurant de savoir qu’on peut se faire plaisir en toute sécurité. Ce d’autant plus que la tenue de route est impériale et semble impossible à prendre en défaut.
Les suspensions Öhlins offrent un retour d’informations précises au pilote, et les réglages d’usine offrent un compromis idéal entre rigueur et confort d’amortissement. Pour les plus sportifs, il ne faudra pas hésiter à durcir un peu l’ensemble, mais je dois admettre que le confort est surprenant, et bien supérieur à ce que laissait présager la silhouette de la moto. Le freinage est également au-dessus de tout soupçon. Puissant, dosable, avec un mordant progressif, il stoppe efficacement la masse de métal, même lancée à des vitesses inavouables.
L’autre révélation, c’est la maniabilité. Réellement surprenante d’agilité, cette Diavel S, malgré son imposant train arrière. Les ingénieurs ont vraiment bien bossé. Ceux de Ducati, mais aussi ceux de Pirelli, qui ont développé le Diablo Rossa III spécialement pour elle. Et il fait des miracles ! Le grip est excellent, et la moto fait preuve d’une réactivité étonnante sur les changements d’angles. Franchement bluffant pour un boudin de 240mm de large sur une jante de 17’’. Associé au cadre treillis avant, au cadre arrière et au bras oscillant, entièrement nouveaux, il fait des miracles. Le comportement de la moto, sous ses faux airs de power cruiser, est vraiment celui d’un roadster. Et encore, je n’ai pas enclenché le mode sport !
Tel est le leitmotiv de Ducati. Alors passons donc aux choses sérieuses. J’enclenche le mode Sport et Boum ! 3ème uppercut ! La puissance est toujours là, mais sa courbe change et la connexion avec la poignée de gaz se fait plus brutale. La poussée, déjà vigoureuse sous les 7000 tr/min, vous offre à ce régime un coup de pied au cul qui vous catapulte en avant, jusqu’aux abords de la zone rouge. Les montées en régime, justement, sont franches, et le passage des vitesses avec le nouveau Quick Shifter Up&Down est un pur régal. Déjà testé sur la « petite » Multistrada il y a quelques semaines, il permet de se concentrer sans arrière-pensée sur le pilotage de la moto, et renforce clairement le côté sportif du diable rouge.
La sonorité du moteur, ainsi que de l’échappement, vous prend aux tripes et participe grandement au plaisir de conduite. Le moteur, gavé d’air, gargouille dans un bruit digne d’un gros V8 américain lors des phases d’accélération, alors que de bons gros retours qui claquent se font entendre au rétrogradage. C’est rauque, c’est bestial ; bref, c’est jouissif. En mode Sport, ABS, DTC et DWC (vous suivez au fond ?) sont actifs, mais laissent une certaine lattitude au pilote pour contrôler la moto. Et les sensation offertes sont incroyables ! Petite courbe serrée, j’arrive au point de corde, je rentre en rapport, je remets de gaz alors que je suis encore sur l’angle et je sens le pneu arrière dériver. Pas de risque de décrochage, tout est contrôlé et progressif, et le pneu patine juste ce qu’il faut pour me faire me sentir comme Dovizioso l’espace d’un instant. Jouissif pour un motard qui n’a jamais posé ses roues sur un circuit !
Victoire par K.O, donc, pour cette Diavel 1260 S qui m’a littéralement assommé. Cette journée à son bord a été une véritable tornade d’émotions, et rien que pour ça, je remercie les ingénieurs Ducati qui ont permis à cette moto d’exister. Le moteur DVT offre un excellent agrément. Sa distribution variable lui permet en effet d’adapter en permanence la puissance et le couple en fonction des conditions de conduite, en agissant sur les arbres à cames d’admission et d’échappement. On se retrouve donc avec un moteur relativement souple, qui accepte de reprendre dès 2000 tr/min, mais qui est capable de libérer les 159 canassons dans une énergie explosive. Les 3 modes ont chacun leur personnalité, et c’est vraiment sympa de passer de l’un à l’autre en fonction de ses envies et de ses besoins.
Au rayon des points négatifs (j’en ai cherché, promis), il faut noter un certain manque de praticité pour passer d’un mode moteur à l’autre en roulant, déjà constaté sur la Multistrada 950 S (il faut rentrer dans le menu, sélectionner le mode souhaité, laisser appuyer 3 secondes, puis ne pas toucher ni aux freins, ni à l’accélérateur jusqu’à ce que le voyant cesse de clignoter) ainsi que la difficulté à appuyer sur les boutons avec des gros gants d’hiver (ne rigolez pas, il faisait 4° sous la pluie à 1100m d’altitude !). Guère pratique en roulant ! Autre détail à signaler, un faux point mort au rétrogradage. Un cas isolé sur cet essai, mais déjà vécu sur d’autres motos de la firme de Bologne. A surveiller. Et bien sur, il y a le prix. 24'990.- CHF pour cette version S. En soit, il semble correct, au regard des prestations délivrées, du niveau de finition et de l’équipement fourni de série. Mais il classe définitivement la Diavel dans une catégorie de motos premium, qui la rends inaccessible pour beaucoup. Dommage, car elle est réellement attachante, et procure vraiment des sensations de haut niveau ! Pour ceux qui voudraient tout de même faire le pas avec un budget moindre, la version standard (que je n’ai malheureusement pas pu essayer pour comparer) est disponible pour 2900.- CHF de moins (22'090.- CHF). Cependant, il vous faudra accepter de faire l’impasse sur les suspensions Öhlins, le DMS et le shifter, et de baisser en gamme en termes de freinage. Mais c’est vraiment tout ce qu’on peut, en cherchant bien, lui reprocher.
Alors oui, Manu. Tu as raison, elle ne sert à rien cette moto. A part à me coller les yeux à l’arrière du crâne à chaque accélération. A part à me faire sentir comme un pilote de MotoGP parce que j’ai l’impression de contrôler les dérives de l’arrière. Ou à part me faire prendre mon pied sur chaque trajet, qu’il soit quotidien ou dominical. Il n’y a rien de rationnel dans cette Diavel 1260 S, elle met simplement l’ensemble de mes sens en éveil et provoque en moi une émotion brute. Et ça tombe très bien : c’est justement ce que j’attends d’une moto comme celle-ci.