Le regard que chacun pose sur une moto est subjectif et personnel. Et vous l’aurez compris, cette Diavel version 2019 m’a dès le départ tapé dans l’œil. Ce n’était pourtant pas gagné d’avance, car la ligne de sa devancière, bien qu’osée, était vraiment trop massive pour moi. La faute à un avant enveloppant qui, s’il dégageait une certaine forme de bestialité, me semblait disproportionné. Après 8 ans, et une version ‘’X’’ qui a marqué les esprits, la Diavel originale se transforme, et fait donc place à plus de finesse. Comparée à l’ancienne bien sûr. Car la 1260 S reste une moto trapue, avec une partie avant ramassée sur elle-même, à la façon du poing fermé d’un boxeur prêt à mettre KO son adversaire. Selon le cahier des charges donné aux designers Ducati, le but était de représenter un sprinter dans les startings-blocs, prêt à bondir.
Sans aller jusque-là, il est vrai que les lignes générales tendent à donner l’impression d’une moto en mouvement. Le guidon semble tiré vers l’arrière, comme déformé par des accélérations démesurées, qui aurait obligé le pilote à se cramponner tant bien que mal ! Sans atteindre la fluidité des lignes de la X-Diavel, la nouvelle 1260 S est définitivement plus agréable à regarder, son réservoir s’est affiné et ses écopes latérales, toujours présentes mais plus discrètes, sont désormais mieux intégrées. Là où on avait auparavant l’impression que les prises d’air étaient des ajouts disgracieux, elles se prolongent à présent dans la continuité du réservoir et contribuent à la fluidité de la ligne. Le pot d’échappement est lui raccourci, et son extrémité vient juste à fleur du rayon de la jante, ce qui la met en valeur en la dégageant complétement. On regrettera tout de même les tubulures torturées de l’échappement, qui donnaient un petit côté « usine à gaz » très appréciable à l’engin, et qui disparaissent au profit du moteur. Enfin de ce que l’on imagine être le moteur. Car en réalité, sur le côté droit de la moto, il ne s’agit que d’un cache moulé… en plastique. Si si. Vous trouverez certainement, dans les mois à venir, la même pièce en carbone dans le catalogue du constructeur mais il n’empêche. Voilà une sacrée faute de goût sur une moto qui a pourtant fait l’objet d’une attention particulière sur de nombreux détails.
9h du matin, une poignées de degrés et un ciel gris. Une trentaine de motos, parfaitement alignées, attendent sagement leurs pilotes. Je m’installe à bord et surprise, la selle est plutôt confortable. Convenablement rembourrée, elle offre juste la fermeté adéquate, mais surtout un calage parfait du postérieur. Si la Diavel est impressionnante en statique, elle se révèle donc plutôt accueillante, et une fois au guidon, on a de l’espace. La position de conduite est la même que sur la précédente version, avec les jambes légèrement repliées et les bras à l’horizontale. On est clairement moins basculé sur l’avant que sur certains roadsters sportifs. Décidément, la Diavel aime brouiller les pistes, entre look de power-cruiser, moteur bodybuildé, partie-cycle sportive et position de conduite assez relax. L’ergonomie est bonne, avec en prime des commodos dont le pourtour est rétro-éclairé… en rouge bien sûr !
Je passe en revue les différentes fonctions du tableau de bord TFT, que je commence à connaître. Si la navigation est plutôt intuitive, elle reste tout de même un peu fastidieuse, avec beaucoup de manipulations pour switcher/valider/annuler chaque modification. Il y a 3 modes moteur à disposition : Urban (puissance réduite à 100cv, dont l’arrivée a été lissée), Touring (pleine puissance, mais réponse plus douce à l’accélérateur) et Sport (open bar et tournée générale de canassons, là, tout de suite, maintenant). Les niveaux d’assistances sont plus ou moins élevés en fonction des modes, mais pour les plus pointilleux d’entre vous, il sera possible de les paramétrer entièrement, via le tableau de bord, ou via une application smartphone dédiée. Car oui, il y a le Bluetooth, et vous pourrez, si vous le désirez, passer vos coups de fils en roulant, et voir le nom de l’appelant s’afficher sur le tableau de bord. Okay, c’est dit, même si je peine à comprendre l’intérêt de la chose, surtout sur une meule comme celle-là. A noter encore que l’écran peut prendre plusieurs apparences, en fonction du mode moteur enclenché, avec plus ou moins d’informations affichées. La aussi, c’est paramétrable, et certaines barres de compte-tour seront d’ailleurs moins lisibles que d’autres.
Je glisse dans la poche de mon blouson la désormais classique clé électronique et presse le démarreur. Le moteur se met en marche dans un ronronnement agréable et somme toute assez discret. Je ne résiste pas à mettre quelques coups de gaz, et le pot d’échappement ultra-court me livre enfin sa partition, faite de gargouillements et de résonnance métallique. De bonne augure pour la suite du programme.
Le programme du jour, c’est 200km de petites routes sinueuses, dans l’arrière-pays andalou. Des virages, encore des virages, quelques virages (quand même), et pour finir, enfin, des virages. C’est agaçant, tout ce bonheur qui se présente d’un coup, vous ne trouvez pas ?
Mais ne vous en faites pas, l’arrogance se paie toujours. C’est donc sous un déluge et sur une autoroute saturée de trafic que commence mon périple. Bon, soyons honnête, c’est aussi le meilleur moyen de se rendre compte des qualités et défauts d’une moto. Au petit jeu du gymkhana matinal dans les embouteillages, la Diavel s’en sort plutôt bien. Le big twin DVT offre effectivement une souplesse remarquable, permettant d’évoluer à 2000tr/min en 1ère (à une vingtaine de km/h) et de se faufiler avec aisance entre les files de voitures à l’arrêt.
Après une quinzaine de kilomètre de calvaire, l’heure est venue de s’attaquer enfin à la magique route 397, qui serpente de Marbella à Ronda. Sous la pluie, toujours. Mode Urban enclenché, je peux commencer à mettre du gaz, et à sentir les réactions de la moto. Parfaitement adapté, ce mode ampute la puissance de 59cv, et la distille de façon plus linéaire. L’antipatinage et l’ABS de virage sont à leur maximum, et je peux attaquer sans arrière-pensée. Loin d’être mou dans cette configuration, le bicylindre se montre onctueux, avec des montées en régime tout de même moins vives qu’un mode Touring ou Sport. Les virages s’enchaînent et je constate à priori une maniabilité assez bonne. La moto est saine, l’électronique veille et me met en confiance. Pas la moindre dérobade à signaler, et je commence même à prendre du plaisir à enchaîner les virages sous une pluie torrentielle. Je prie tout de même pour que les conditions s’améliorent et que je puisse enfin tester la moto en profondeur, dans de meilleures conditions. Pour vous offrir le meilleur compte-rendu possible, bien sûr ! Miracle exaucé au bout d’une heure de route. A l’occasion d’une première pause photo, le soleil pointe enfin son nez. L’occasion de constater que je suis complétement détrempé, sur le torse comme dans le dos. C’est bien d’avoir un arrière ultra minimaliste, mais n’oubliez pas que vous le paierez fatalement un jour ou l’autre.