Le chemin terreux mais légèrement gravillonneux laisse place à des bandes de sable très mou. Quand certains s’enlisent, d’autres s’affranchissent de leur première chute. Une joyeuse mise en bouche ! C’est à ce moment que je comprends l’utilité du réglage en temps réel du contrôle de traction… Tantôt le terrain requiert la puissance maximale à la roue arrière, tantôt un contrôle maîtrisé est nécessaire.
Après cela, nous sommes passés dans une zone beaucoup plus roulante, en direction de Gara Medouar (connu aussi comme la "prison portugaise"). De la piste, de la vraie, en plein milieu d’une zone parfaitement désertique. Pas une habitation à des kilomètres, une végétation inexistante, de la rocaille à perte de vue. Et pourtant, il suffit que mon groupe s’arrête pour voir apparaître une poignée de gamins vendeurs de pierre « rares »… Inutile de vous dire que je n’ai toujours pas compris d’où ils venaient ! Bref, cela pour dire que je roule au milieu de nulle part, avec l’impression que la Terre m’appartient. La piste n’est pas parfaite, entrecoupée de lits de ruisseaux asséchés, de nids de poule profonds et de gros cailloux. Il faut être vigilants, d’autant plus que nous roulons à environ 80km/h et qu’il n’est pas évident d’esquiver un obstacle ou freiner à temps. Nous gardons nos distances, la distance suffisante à ce que le nuage de poussière généré par celui qui nous précède se dissipe.
Dans ces conditions auxquelles se confrontent quotidiennement un motard voyageur du bout du monde, à l’image de Josef Pichler, la 790 Adventure R est reine. La fourche encaisse tous les chocs sans broncher et sans que je sois perturbé ni que j’aie des retours violents dans les poignets. L’amortisseur arrière, lui, assure son rôle avec brio, je n’ai jamais eu à subir de quelconques louvoiements, malgré le poids de la machine. Cet ensemble de suspensions WP XPLOR Pro combinent confort et performances, sans compromis.
Les kilomètres s’enchaînent, les paysages changent peu à peu. Debout, confortablement installé sur les repose-pieds, les bras complètement détendus, je cruise entre 80 et 90km/h sur le quatrième rapport sans que je me rende compte de la vitesse. Bien sûr, l’autre moi, celui qui a une auréole sur la tête, me rappelle que je devrais ralentir le rythme… Force est de constater que je n’ai pas à me crisper, tant la KTM se comporte sainement. Regarder loin, surveiller l’environnement immédiat, le reste se fait naturellement. Le voyage se déroule en toute quiétude et je peux profiter des paysages magnifiques qu’offrent ces étendues désertiques du Sud de l’Atlas.
Après une brève pause de midi dans une oasis au pied de la dune de Merzouga, la balade se poursuit, mais cette fois, on nous recommande les dunes. On ne parle pas de dunes à la façon Chris Birch et sa 1290 Adventure lors de la présentation presse au Péru. On me laissera alors tenter d’évoluer dans le sable aux abords de la dune. Pour quelques-uns d’entre nous qui n’ont jamais roulé dans le sable, c’est une expérience à part entière… autant amusante qu’éprouvante. Le truc, c’est mettre le poids sur l’arrière, regarder loin devant et rouler sur un filet de gaz. Dit comme ça, facile ! En pratique, c’est une autre chanson. Les premières centaines de mètres étaient laborieux, avec une roue avant totalement instable et une roue arrière ne cherchant qu’à s’enliser. Puis, après quelques culbutes, la pratique venant rapidement, je me retrouve à franchir de petites dunes en traçant une trajectoire quasi rectiligne.
Durant cet exercice pour le moins original, j’ai apprécié la légèreté perçue de la 790 Adventure R. Pas légère sur la balance, mais les masses étant concentrées au plus bas de la moto, elle est facile à rattraper. Un coup de botte bien placé sur le sol et la moto se redresse aisément. Bon, je fais le malin, mais ça ne m’a pas empêché de bouffer du sable !
En parlant de chute, un confrère suisse-allemand a sévèrement perdu la maîtrise de sa moto. A près de 70km/h, une dépression l’a déstabilisé. Il fait un front-flip, la moto le suit dans son élan. Le collègue s’en sort heureusement. Quant à la moto, hormis le guidon tordu, la protection de réservoir fissuré (le carbone cassant plus facilement que le plastique) et le saute-vent brisé, elle ne souffre d’aucun bobo. Preuve en est que la KTM est de construction robuste et qu’elle ne vous lâchera pas à la première chute.
Nous terminons la journée par un chemin défoncé menant à un point de vue. Rochers, graviers, sable, le tout en dévers avec un précipice sur le côté, c’est en quelque sorte l’examen final après la série d’épreuves de la journée. La moto, elle saura relever le défi. Et moi, la fatigue se faisant sentir, j’attaque sur la défensive. Correctement dirigée par la roue avant, la KTM assure avec docilité. Et comme avec un peu de vitesse ça passera plus facilement, je soude. Et, ça passe ! Certes, ce n’était pas de tout repos, mais ça a passé avec une étonnante assurance.
Quelques mots sur le moteur. Bien qu’il n’ait pas été possible de le tester dans des conditions optimales, à savoir sur des portions de routes viroleuses, il est difficile de juger pleinement des capacités de ce moteur. J’ai toutefois constaté qu’il était très souple à bas régime et qu’il ne tapait lors des relances. Aidé par ces valeurs de couple importantes jusque dans les mi-régimes, il est agréable en évolution tout-terrain. Et quand bien même il est un bicylindre parallèle, il bénéficie d’un pic de puissance généreux à haut régime, histoire d’offrir de belles sensations en accélération pure. Quant à l’étagement de boîte, il semble polyvalent : premiers rapports courts pour satisfaire aux exigences du tout-terrain et rapports supérieurs longs pour assurer les économies de carburant à haute vitesse. Plus précisément, le premier rapport est suffisamment court pour affronter les parcours techniques sans devoir systématiquement jouer de l’embrayage, c’est un atout.
KTM faisant des économies d’échelle en reprenant le 799cc de la 790 Duke, la cartographie a été cependant complètement modifiée pour répondre aux besoins de la 790 Adventure R.
Et les freins ? C'est vrai, je n'en ai pas parlé jusqu'à présent. Ils ont avant tout leur job à faire. Mais plus dur encore, ils doivent combiner puissance pour une utilisation routière et progressivité dans le terrain. C’est ce que j’ai pu constater lors de l’essai, l’attaque du frein n’est pas brutale, et vient ensuite la puissance. C’est un bon combiné qui rassure dans toutes les situations.
Mention spéciale pour le frein arrière, qui, lui, est plus qu’un honnête ralentisseur. Même avec des bottes cross, j’ai eu un bon feeling et ai pu justement doser le freinage, notamment dans les pentes raides en tout-terrain, lorsque l’ABS est déconnecté à l’arrière.
Cette journée de présentation de la KTM 790 Adventure R m’a permis de découvrir, du point de vue d’un motard novice en enduro, que cette moto était destinée à une large clientèle motarde, expérimentée ou non. Les motards expérimentés apprécieront sa facilité qui leur permettra de repousser leurs limites, quant aux novices, ils profiteront d’une moto qui leur donnera la chance d’oser l’aventure. Au fait, KTM tenterait de populariser l’aventure ? Et toi, d'avoir une moto aussi efficace chargée comme une mule sur de longues distances que dans le terrain ne t'intéresserait pas ? De mon point de vue, j'hésiterais presque à remplacer ma Triumph Tiger 800 dont je suis pourtant pleinement satisfait... et je connais plusieurs motards de mon entourage qui attendaient impatiemment cette KTM 790 Adventure R.