Apparue en 2007, l’Hypermotard a reçu passablement d’évolutions, notamment du côté de sa cylindrée et de son équipement. L’Hypermotard marie les genres : elle mélange l’esprit supermoto et les gênes Ducati, à savoir les performances brutes. Elle est une moto qui n’a plus de concurrence. Il y a quelque temps encore, on aurait pu la comparer à la 990 SM de KTM. En 2016, elle officie désormais seule dans cette niche du marché.
Sa fameuse motorisation bicylindre passant de 1100cc à 796, puis à 821, la norme Euro4 force le réalésage de 88 à 94mm portant ainsi la cylindrée à exactement 937cc. Au passage, le Testastretta 11° gagne en puissance pour culminer à un total 113cv à 9’000tr/min, mais surtout ne se prive pas d’emporter une bonne louche de couple avec un maximum de 98Nm à 7’500tr/min. En détail, les valeurs de couple sont 18% plus élevées à 6’000tr/min en comparaison avec le bloc Testastretta 821 (812cc). Plus de couple pour plus d’agrément, mais aussi pour limiter la consommation de carburant en utilisation quotidienne sur route ouverte. La puissance est aussi en hausse, tout au long de sa courbe. Et pour les addicts de la performance, Ducati propose déjà une ligne complète Termignoni en position haute. Au menu, la puissance maximale s’élève de 4% et le couple de 3%. Seulement, mais surtout malheureusement, cette ligne complète n’est pas homologuée pour un usage sur route. Cependant, il est possible de se rabattre sur le silencieux seul en remplacement de celui d’origine ; lui apportera un gain appréciable à la bande son quelque peu atténuée avec l’adoption de la norme Euro4.
Côté pratique, l’intervalle entre chaque révision est fixé à 30’000km, une aubaine pour les gros rouleurs.
Quant à l’équipement technologique, Ducati reste fidèle à son Safety Pack que nous avons déjà rencontré sur bons nombres de modèles de la marque. Ce dernier inclut de série un ABS Bosch 9-MP réglable sur trois niveaux d’intervention (deux pour l’Hyperstrada), un contrôle de traction à huit niveaux et trois modes de conduite (Sport, Touring, Urban et Race, Sport, Wet pour la version sportive SP). Les modes Urban et Wet limitent la puissance à 75cv (suffisant pour se mettre sur le toit en cas de conditions précaires, penseront certains). Cerise sur le gâteau, l’Hypermotard dispose dorénavant un indicateur de rapport engagé.
Toujours conforme à sa réputation de grosse supermoto, haute sur pattes et bodybuildée, l’Hypermotard s’empare des meilleurs pièces du marché. Avec ses freins Brembo à quatre pistons et étriers radiaux modèle M4-32, ce ne sera pas un souci d’enfoncer la fourche à gros pistons à l’approche d’un virage serré. Quand l’Hypermotard s’équipe d’une fourche inversée Kayaba de 43mm de diamètre et d’un mono-amortisseur Sachs, la version SP se la joue extrême avec une fourche entièrement ajustable Öhlins de 50mm de diamètre supplée par un mono-amortisseur du même fabricant, lui aussi réglable dans tous les sens.
Et si l’on continue le jeu des différences, on remarquera que la version 939 SP se coiffe d’une culasse en magnésium et se pare de jantes Marchesini à trois branches (elles-mêmes divisées en trois parties) en aluminium forgé et de différentes pièces en carbone. Au passage, elle perd 3kg par rapport à l’Hypermotard standard et affiche ainsi 178kg (à sec). Et dans les petits détails, d’origine, la SP est livrée avec des pneumatiques Pirelli Diablo Supercorsa SP tandis que les Hypermotard 939 et Hyperstrada 939 se chausse respectivement de Diablo Rosso II et Scorpion Trail II, également du fabricant transalpin. Quant à l’Hyperstrada 939, avec ses accessoires confort d’origine, celle-ci s’identifie clairement vers le touring, tout en conservant les qualités dynamiques de l’Hypermotard 939.
Autant de différences qui distinguent clairement la vocation de la 939 SP de ses consoeurs Hypermotard 939 et Hyperstrada 939. Mais celle qu’on essaie ce jour, c’est l’Hypermotard 939 SP, la crème.
Ducati a convié la presse sur le circuit de Castelloli, situé aux alentours des contreforts de Montserrat, non loin de Barcelone. Ce circuit n’a rien de très particulier, si ce n’est qu’il s’apparente volontiers à une route standard, la circulation et les dangereux obstacles en moins.
Le ton est donné par la météo. Bien que les Hyper’ soient alignées, chaussettes chauffantes sur les gommes, la pluie s’est invitée et s’est même permise d’emmener sa cousine peu commode, la grêle… Il ne manquait que la neige pour parfaire le tableau. Par chance, les Hyper’ sont chaussées de pneus pluie, gage d’une adhérence bien supérieure à ce qu’offre un pneu routier.
A peine le temps de nous briefer qu’on trépigne d’impatience à l’idée de grimper sur la haute selle de la SP (890mm au garot!). C’est l’occasion de prendre connaissance des settings choisis pour ces quelques tours de piste qui s’offrent à nous. On apprend que la suspension a été assouplie au vu des conditions météorologiques et que le mode Wet (mais full power) a été sélectionné. Par défaut, dans ce mode, le contrôle de traction est sur 7 et l’ABS sur 2. Vu la piste détrempée, ce n’est pas de refus.
Je prends place au guidon de la SP. Première impression : confortable, position bien droite, guidon bien en mains… mais qu’est-ce que c’est haut ! Mon mètre septante-quatre me permet à peine de de poser les deux pointes du pied sur le sol, c’est dire. C’est à ce moment que je me rappelle qu’effectivement l’Hypermotard reprend l’esprit supermoto. Par chance, elle est un poids-plume et ne risque pas de m’emporter au détour d’une perte d’équilibre.
Après un tour de reconnaissance à vitesse réduite, on rentre au box et chacun part à intervalle régulier. La piste est complètement mouillée et il y a des bandes d’eau qui traversent chacun des virages. En un mot : gaffe ! Ce bref tour a permis aussi de découvrir le caractère du moteur à bas et mi-régimes. Quelque peu hargneux sous les 4’000tr/min, je me plais alors à rester au-delà, jusqu’à 7’000tr/min. Toutefois, il faudra s’accoutumer des à-coups à la remise des gaz, peu importe le régime. Après une brève discussion avec l’un des ingénieurs motoristes présents lors de cette présentation presse, il semblerait que le problème est connu et qu’il sera résolu lors d’une prochaine mise à jour du logiciel de gestion moteur.
Je m’élance en piste. Je fais cirer l’embrayage, gaz à fond et lève la roue avant légèrement, l’effet wheelie étant contrôlé par l’ABS. Deuxième, troisième rapport, ça marche fort pour "seulement" 113cv. L’accélération est linéaire et le moteur ne délivre pas spontanément une avalanche de couple comme je l’avais déjà constaté sur d’autres bicylindres. C’est appréciable, surtout dans les conditions actuelles.
La ligne d’échappement titane/carbone de Termignoni (non homologuée) montée sur les SP d’essai apporte un réel gain d’agrément de conduite. Plein gaz, ça claque bien fort ; et au moment de relâcher les gaz, ça ratatouille. Ambiance racing assurée ! A près de trois tickets pour la ligne complète, c’est finalement le moins que l’on puisse demander.
Le premier virage approche. A moitié en dévers, ma vision est trompée et je peine à trouver la trajectoire idéale. Peu importe, je pile sur les freins. La fourche Öhlins s’enfonce et amortit la décélération. Le freinage est incisif et d’une rigueur chirurgicale. Merci Brembo, il y a du stoppie dans l’air ! La direction reste très précise, malgré le large guidon de l’Hyper’. Pendant ce temps, la roue arrière se dandine de gauche à droite. Par chance, pour limiter tout blocage de cette dernière, la Ducati est dotée d’un embrayage anti-dribble.
Je file à la corde simplement en déplaçant mon corps vers l’intérieur du virage. L’Hypermotard est haute, très haute ; pour mon gabarit du moins. Les cale-pieds sont encore bien loin du sol. Quand d’autres se la jouent pilotage façon supermotard, je m’obstine à me déhancher un maximum et ainsi transférer les masses pour soulager la force exercée sur les pneumatiques qui, eux, tentent tant bien que mal de crocher à l’asphalte.
Une fois à la corde, il ne reste qu’à croiser les doigts et mettre plein gaz. Si j’ouvre les gaz sans brutalité, je ressens que la roue arrière glisse légèrement, sans danger puisque le contrôle de traction a déjà détecté une anomalie. En considérant les conditions de piste actuelle, rouvrir en grand spontanément se solderait par un coup de raquette, assurément ; d’ailleurs, sous l’effet de l’adrénaline, j’en ai fait les frais à quelques reprises. Gott sei dank, le contrôle de traction fait des miracles !
Les suspensions Öhlins sont réglées aux petits oignons par les mécaniciens Ducati. Les successions de bosses générées par les voitures qui ont usé le circuit sont passées sans peine, même plein gaz et sur l’angle. L’Hypermotard ne se désarçonne pas et assure pleine motricité. Ce n’est que le train avant, trop léger à mon goût, qui ne cesse de se délester provoquant ainsi un sérieux guidonnage peu agréable. Il faut alors soulager les gaz pour retrouver une certaine quiétude. Dans tous les cas, passé le cap des 130km/h, il faut s’accrocher sévèrement au guidon, tant la prise au vent est importante, mais aussi et surtout, tant la train avant est nerveux pour peu que je sollicite la poignée des gaz. Un amortisseur de direction aurait-il peut-être fait l’affaire ? Ce pourrait être un sujet d’amélioration à l’Hypermotard.
Les virages s’enchaînent et j’apprends à connaître la moto. Légère de l’avant, il faut le charger en entrée de courbe et attendre le point de corde pour rouvrir les gaz, le contrôle de traction se chargeant de la motricité. La moto est haute et je dois me faire violence pour rapprocher le genou du sol (je n’ai pas les fémurs de mon rédac’ chef!) ; au moins pour la photo ! Avec les conditions de roulage passablement précaires, j’ai misé sur la sécurité et me suis concentré sur les trajectoires et un déhanché maximal. Facile d’accès pour peu que l’on ait quelques notions de pilotage, l’Hypermotard se laisse apprivoiser après quelques tours de piste seulement. Je prends rapidement beaucoup de plaisir à tirer la quintessence de l’excellente partie-cycle et de la puissance du bicylindre. Une moto école ? Non quand même, la SP fait partie de ses motos extrêmes qui ne demandent qu’à être domptée, cravache à la main.
Quand, dans le titre de cet article, je précisais "pour adulte consentant", ce n’est pas par hasard. Caractérielle, pousse-au(x)-vice(s), expressive, rigoureuse, l’Hypermotard 939 SP ne manque pas d’atouts et ne se laisse pas entre toutes les mains. Tu veux jouer avec elle ? Ok, assure alors !
L’Hypermotard 939 SP est un mélange de genres, savant qui plus est. On l’aime pour sa maniabilité extrême façon supermoto, pour ses performances dignes des meilleurs roadsters du moment, pour son look ravageur et tellement atypique… mais finalement surtout pour son côté fun très (très) développé !
C’est exactement ce genre de moto avec laquelle on se rend au travail le matin, calmement dans l’enfer de la circulation urbaine, et, après une journée de dur labeur, on rentre chez soi par des routes sinueuses à souhait, histoire de décompresser avec un maximum de fun à la clé.
A consommer, sans modération !