Sans surprise, la Street Twin débarque dans le but de pérenniser la mythique famille Bonneville mais avec la mission supplémentaire d’attaquer une clientèle jeune, citadine et branchée. On se méprendrait à croire qu’elle s’inspire de l’essentiel de la Bonneville 865cc. En réalité, la Street Twin est une moto complètement nouvelle, il suffit de s’en approcher et de la détailler pour le constater.
Triumph souhaite faire fort, c’est un fait. Bien qu’à prime abord on s’attende à une Bonneville rajeunie, il n’en est rien. La quasi-totalité de la moto a été revue de fond en comble : le moteur, le châssis, les freins, les jantes, l’ergonomie... et surtout la technologie embarquée. Une Bonneville technologique alors ? Plus que cela !
La Street Twin présente une ligne légère et moderne. Les jantes à cinq bâtons en Y chaussée de Pirelli Phantom Sportscomp, le disque de frein avant avec moyeu en spirale, la discrétion du radiateur d’eau, le style épuré et contemporain du moteur, la ligne fluide des tubulures d’échappement qui s’étirent ensuite jusqu’à l’arrière de la moto, le réservoir slim, la boucle arrière minimaliste, l’ensemble phare/bloc-compteurs, l’aspect soigné des rétroviseurs, ... autant d’attentions des designers d’Hinckley qui contribuent à cette légèreté perçue !
Si on aime ? On adore et on la trouve plutôt craquante ! On s’en satisfait déjà à la sortie de la ligne de production. Et dire que Triumph la destine à être personnalisée à souhait avec un catalogue de près de 150 accessoires d’origine ! A ce propos, il est proposé trois kits "inspiration" : Scrambler, Brat Tracker et Urban (liste des accessoires inclus et prix indiqués dans cet article). En Scrambler, elle a de la gueule !
Côté ergonomie, la position de conduite devient plus "engagée" avec un appui sur l’avant plus marqué que sur la Bonneville, de même que les pieds sont positionnés plus bas. La selle gagne en épaisseur de mousse pour plus de moelleux. On apprécie aussi le bloc-compteurs (unique sur la Street Twin) ; il apporte toutes les informations nécessaires sur un écran à cristaux liquides, à savoir le niveau de carburant, l’indicateur de rapport engagé, l’heure, les consommations moyenne et instantanée, l’autonomie, l’odomètre, les trips journaliers, ... on n'en demandait pas autant. On remarque l’absence du compte-tours au profit d’une aiguille indiquant la vitesse.
Un bouton, accessible du bout du pouce gauche, fait défiler ces informations.
Et quand nous disions que la Street Twin est une moto entièrement nouvelle, c’est ménager les mots. C’est principalement au niveau du moteur que Triumph a réalisé un effort conséquent. Le bicylindre parallèle 900cc est naturellement dérivé du 865cc, mais il reçoit une foule d’améliorations pour répondre aux drastiques normes antipollution Euro4. Que ce soit une contrainte importante pour le motoriste est un fait ; dans tous les cas, les bénéfices de ces efforts techniques paient en votre faveur. En effet, les valeurs de couple sont redistribuées différemment pour optimiser la souplesse dès les plus bas régimes et offrir ainsi une disponibilité bienvenue au moteur (18% de couple supplémentaire à 3’200tr/min par rapport à l’ancien bloc-moteur, soit 80Nm). En sus, la consommation d’essence diminue grandement, Triumph annonçant une économie de 36% par rapport à son prédécesseur pour atteindre une moyenne théorique en cycle mixte de 3.7L/100km.
Côté technologie dernier cri, la Street Twin ne lésine pas sur les moyens. Une Triumph Classic au look vintage n’implique pas qu'elle soit dépourvue de la modernité devenue habituelle sur les nouvelles motos. Pour permettre une parfaite maîtrise de la commande des gaz, Triumph a adopté le tout-électronique avec une commande de type ride-by-wire. A cela s’ajoutent un contrôle de traction (déconnectable) et un ABS de dernière génération, l’UCE (unité centrale électronique) gérant le tout. Et d’un fonctionnement entièrement mécanique, on retrouve un embrayage anti-dribble ; en d’autres termes, ce type d’embrayage empêche le blocage de la roue arrière lorsque l’on descend les rapports de manière trop musclée (eh oui, ça peut arriver !).
Il est vrai que le descriptif technique de la Street Twin est attractif et la met tout à son avantage. Cependant, au vu du nombre de nouveautés, il semble impératif de la chevaucher.
D’office, on remarque que la Street Twin conviendra à tous les gabarits, même à la gente féminine souvent prétéritée par des selles trop larges et positionnées trop haut. La position de conduite est naturelle et les pieds sont bien au sol, on ne peine pas à manoeuvrer la moto, surtout que sur la balance elle se montre raisonnable avec ses 198kg (à sec). Les masses étant bien réparties, elle semble même encore plus légère.
Au moment de mettre le contact, on se surprend de constater que le Neimann n’est plus sur le côté de la machine ; dorénavant, il a pris place, comme sur la plupart des motos, dans l’axe de la colonne de direction. Les puristes crient déjà au scandale, mais il faut avouer que c’est plus pratique ainsi. Remarquez aussi qu’une seule clé (codée) suffit à mettre le contact, ouvrir le bouchon de réservoir d’essence et verrouiller la moto ! Ça change du passé et de la très classique Bonneville 865cc.
Un coup de démarreur et le twin parallèle s’ébroue dans un ronronnement sourd appréciable. C’est un 900 et il le montre sans rougir ! Une brève rotation de la poignée des gaz met en évidence le travail élaboré sur la boîte à air. Le twin gronde, on aime !
L’itinéraire proposé par le staff de Triumph nous fait traverser la ville de Valencia (E), emprunter quelques kilomètres de voies rapides et finalement rejoindre les lacets des contreforts de la côte méditerranéennes. Comme la Street Twin se destine à tous ces environnements, l’itinéraire semble ainsi idéal.
Il n’a fallu que le temps de quitter l’hôtel et de s'insérer dans le trafic pour que la Street Twin dévoile son aisance dans le paysage urbain. Sa commande d’embrayage hyper-souple s’actionne à un doigt (carrément!), mais contraste toutefois avec le sélecteur de vitesse parfois un peu ferme. Mais c’est principalement le couple important du twin qui réjouit ! Relâcher l’embrayage suffit à mettre en mouvement la machine. Et sur un léger filet de gaz, on évolue déjà à bon rythme d’un feu rouge à l’autre sans être secoué par le twin.
Il va sans dire que le rayon de braquage généreux de la Street Twin et son petit gabarit lui permettent de se faufiler entre les voitures et les divers obstacles avec une grande facilité. Sans dire que le moindre déséquilibre peut être récupéré en posant un pied au sol.
Facile, la Street Twin est dans son élément. Seulement, la ville, ce n’est pas notre tasse de thé et il faut admettre que l’attrait des virolets est grandissant au fur et à mesure que l’on découvre la petite Anglaise.
Quelques kilomètres autoroutiers nous rappellent qu’un petit saute-vent fait partie de la liste des accessoires... ce qui pourrait soulager notre nuque bien mise à contribution lors de cet exercice. On roule entre 100 et 130km/h en toute quiétude sur le cinquième et dernier rapport de boîte ; les reprises sont bonnes et la stabilité de la moto est appréciable. Hormis une prise au vent importante, l’autoroute n’est pas une épreuve en soi et on ne la redoutera pas, même si c’est une nécessité lors des déplacements quotidien.
Viennent enfin les virages ! Vous savez, ces enchaînements de courbes serrées qui font virevolter inlassablement la moto de gauche à droite.
Malgré son look de moto classique, la Street Twin a l’avantage d’une garde au sol importante, ce qui lui permet une bonne prise d’angle et ainsi d’enrouler d’un virage à l’autre à rythme très soutenu. Il est vrai qu’on ne l’a pas ménagée la petite Anglaise ! Pif-paf, elle s’engage avec entrain dans chaque courbe. Et, pour autant que l’asphalte soit régulier, la suspension digère avec brio les changements d’appui. Quand la chaussée se dégrade, la moto se désarçonne si l’allure n’est pas adaptée. Mais il faut se rappeler que la Street Twin n’est pas un roadster à vocation sportive... hein, ne lui en demandons pas trop !
Lors de la balade, pris dans le sillage du guide, on le colle à la roue arrière, lui faisant aveuglément confiance : "s’il passe, on passe". Sauf que, à quelques reprises, il a fait preuve d'une dose inconsidérée d’optimisme... quand le virage se referme (encore) alors que la moto est déjà plein angle posée sur le cale-pied, par exemple. On redresse la moto, on dévie légèrement de la trajectoire idéale et on ralentit généreusement grâce au frein avant. Ce dernier étant facilement dosable et d’une puissance raisonnable, il ne nous prendra pas en défaut. Dans ce genre de situation d’urgence, la Street Twin est facile et pardonne sans broncher.
La petite Triumph dispose d'une bonne partie-cycle qui lui donne beaucoup d'aisance dans les virages. Associé à son poids contenu et à un bon niveau de confort, c'est un réel plaisir d'envisager de petites routes de campagne qui ne manquent pas de virages et de petites enfilades.
Aidée par son couple généreux, elle s’extrait en sortie de courbe avec une vigueur toute maîtrisée ; s'il faut, sur sol glissant, le contrôle de traction veille au grain. Et le twin disposant d’une belle allonge, il est possible de rester sur le troisième rapport de 30km/h à plus de 100. Avouons que l'on peine à croire qu'il ne développe que 55cv ! Sans porter regard sur la fiche technique, on l'aurait estimé plus puissant d'une bonne quinzaine de chevaux !
Ce n’est pas non plus l’excès de vibrations qui dérangera une fois arrivé dans les tours ; au contraire, à ce tableau, on aurait souhaité plus de vie ! Cependant, la bande sonore fait toute la différence, même avec les silencieux d’origine. Le 900cc se fait entendre sans non plus être envahissant et contribue ainsi largement au plaisir de conduite.
Belle, élégante, vigoureuse, charismatique, ... les qualificatifs sont nombreux ! La Street Twin séduit par tout son charme à l'arrêt comme à son guidon. On apprécie aussi ses aides à la conduite comme l'ABS de dernière génération et le contrôle de traction ainsi que la commande des gaz ride--by-wire qui sécuriseront les jeunes motards dans leur apprentissage... Idéalement proposée à un tarif compétitif sous la barre des CHF 10'000.-, elle attirera de même bon nombre de motards avides de motos classiques et désireux de se lancer dans de belles préparations esthétiques.