Depuis 2002, la Tuono d'Aprilia a toujours été l'une des motos "supernaked" les plus enviées du marché, peu importe la génération. Directement dérivée de la superbike RSV, la firme de Noale ne se contentait que d'ôter quelques éléments de carénage, de l'équiper d'un guidon tubulaire roadster et d'une tête de fourche intégrant le conduit d'air forcé. La boîte de vitesses comme le moteur ont aussi été adapté aux exigences des roadsters, soit des rapports plus courts et moins de puissance pour plus de couple.
En 2011, Aprilia hausse le ton en proposant la Tuono 1000 V4 R. La fameuse RSV4 s'est déshabillée pour donner naissance au plus puissant supernaked 1000. Son V4 développe 170cv, de quoi mettre à mal l'asphalte de nos routes secondaires. Aussi, la Tuono 1000 V4 R n'avait rien de ridicule sur circuit.
Quatre ans plus tard, on garde la même recette, au demeurant excellente, et on la pimente encore du côté de la mécanique ! Et, pour ce qui est de l'ergonomie et du confort, on améliore différents points pour rendre la Tuono plus agréable à rouler sur route. La Tuono 1100 V4 RR 2015 est née !
Côté mécanique, ça cause sérieusement. Aprilia enfonce le clou, comme pour commémorer son titre 2014 en World Superbike avec Sylvain Guintoli. Le V4 à 65° voit son alésage passer de 78 à 81mm pour atteindre une cylindrée de 1'077cc exactement. Le but est d'obtenir un moteur encore plus disponible, plus que de courir après la puissance maximale. Aussi, à l'instar de la nouvelle RSV4 RR, le moteur est équipé de bielles Pankl plus légères, d'une admission et d'une lubrification revues, d'une ECU plus puissante et d'un recalibrage des trois modes de conduite. Par cette opération, le V4 gagne 5cv à 11'000tr/min, mais surtout, 20cv de plus à 8'000tr/min par rapport à la précédente Tuono ; le couple atteint 120Nm à 9'000tr/min. On peut aisément s'attendre à des performances de premiers ordres mettant d'accord toute la concurrence. Cette dernière n'aura sans doute guère le choix.
En ce qui concerne la partie-cycle, Aprilia tire profit de son expérience en compétition. Le cadre double poutre en aluminium reste inchangé. Par contre, la géométrie change pour plus d'agilité, de motricité et de stabilité à haute vitesse : bras oscillant allongé de 6mm, angle de chasse rentré de 25.1° à 24.7° et chasse réduite de 107.4mm à 99.7mm. La suspension fait confiance à Sachs (version Factory s'accorde un ensemble Öhlins) avec une fourche inversée de 43mm (réglages hydrauliques en compression et détente séparés "one by one", en plus des ajustements de la précontrainte du ressort sur les deux tubes) ; l'amortisseur arrière est également réglable dans tous les sens. Et, pour stopper les 184kg (à sec), le freinage se tourne naturellement vers Brembo avec d'excellents étriers monoblocs à fixation radiale M432 et de gros disques de 320mm.
Et finalement, le pilote gagne en confort et en ergonomie. La selle est plus moelleuse (nouvelle mousse) et 15mm plus basse ; le guidon est aussi plus étroit. Quant à la tête de fourche, elle a été allégée de 1'500gr et redessinée pour une meilleure protection du pilote contre la force du vent.
Quant au bagage technologique, la Tuono V4 1100 RR ne fait pas dans la demi-mesure et se pare des dernières novations : commande des gaz ride-by-wire avec trois cartographies (Track, Sport, Road), contrôle de traction à huit niveaux, anti-wheeling, assistant de départ arrêté (launch control) et quickshifter, ABS Bosch 9MP trois modes et anti-stoppie. Cerise sur le gâteau, Aprilia introduit la télémétrie avec le système V4-MP connectable sans fil à un smartphone, fonctionnant de manière identique à celui de la RSV4 RR pour compléter la dotation numérique (voir l'article-essai de la RSV4 RF pour plus de détails).
Plus musclée, plus technologique, plus ergonomique, ... le millésime 2015 s'annonce comme l'un des roadsters les plus redoutables du marché ! Voyons en quelle langue s'expriment ses bielles !
Dès que l'on chevauche la Tuono, on constate de suite les efforts effectués pour une meilleure ergonomie. Les gabarits moyens auront les deux pieds bien posés au sol, sur toute leur longeur. La selle plus basse de 15mm permet aussi d'avoir une position plus droite, et donc moins en appui sur les poignets.
On démarre le V4 qui ne tarde pas à s'ébrouer dans un fracas très racing. Les vocalises typiques du V4 sont mises en évidence par la ligne d'échappement juste assez libérée pour encore passer l'homogolation. Quel son ! On se délecte à donner quelques coups de gaz bien dosés. Ça ronronne parfaitement ! Et nous sommes de suite dans l'ambiance "be a racer" promulguée par Aprilia et ses modèles à vocation sportive.
La commande de boîte est précise. Le premier rapport se verrouille sans peine, de même que le neutre est passé intiutivement. On relâche l'embrayage à commande à câble ; ce dernier montre beaucoup de douceur et de précision. On est bien loin de l'embrayage à commande hydraulique des Tuono 1000 R motorisées par le twin Rotax. Le temps que la mécanique chauffe, on enroule à bas régime, le V4 raclant quelque peu sous les 3'000tr/min. La Tuono se laisse facilement emmener en ville. Ce n'est que dans les manoeuvres à basse vitesse que l'on pestera contre son rayon de braquage ridicule (c'est une sportive, qui plus est italienne!).
La mécanique tout comme les gommes, des Pirelli Diablo Rosso Corsa, étant rapidement à température, on peut se permettre de tomber quelques rapports, bien que ce ne soit pas nécessaire, tant le V4 dispose de couple dans les mi-régimes. A grands coups de gaz, on se réjouit de chaque accélération ! Ambiance sonore unique et force d'accélération virile sont au rendez-vous. Equipée d'un quickshifter qui vous permet de passer les rapports à la volée, on regrette seulement qu'il n'ait pas la fonction "down" comme certains supernaked de la concurrence. Outre un gain de performances, sur piste essentiellement, ce serait la cerise sur le gâteau en termes de sensations de pilotage !