Au-delà de 5'000tr/min, le compresseur charge et gave le quatre-cylindres d'air frais. La moindre rotation de la poignée des gaz fait bondir la moto. Avec une bonne dose de courage, on tente, pour la première fois et sur le deuxième rapport, d'ouvrir en grand. On la pensait violente, mais c'est bien plus que cela ; en réalité, la Ninja H2 est une véritable brute épaisse qui ne demande qu'à se faire fouetter à grands coups de gaz. Littéralement scotché contre les "repose-fesses", on s'agrippe au guidon bracelet et on prie pour que la moto ne décolle pas. Phénoménale, l'accélération est vécue comme un véritable baptême de puissance. Jamais auparavant nous n'avions connu une pareille poussée. Les grosses supersportives 1000 et autres Hayabusa et ZZR 1400 ne sont de loin pas à la hauteur ! L'avalanche de puissance et de couple met à l'épreuve le contrôle de traction comme l'anti-wheeling... ça glissouille et ça lève, même avec l'intervention continue de l'électronique soulageant les gaz. Et ça n'arrête pas, d'une impulsion sur le levier de vitesse, le quickshifter se charge de passer le troisième rapport qui se verrouille sans douceur et le roue avant ne cesse de chercher le ciel.
En fond de trois, on reprend conscience et, du coin du regard, on mate le compteur qui affiche une vitesse débutant par le chiffre 2... Soulageons de suite les gaz, au risque de se faire flageller par unsere liebe Frau Via Sicura (ndlr : nouvelles mesures apportées à la LCR visant à "rendre les routes suisses plus sûres"). A ce moment, le compresseur se décharge d'un coup, accompagné d'un sifflement aigu. Le frein-moteur est très présent et ralentit brusquement la moto, comme si le moteur était un gros bicylindre à 90°.
En pleine accélération, physiologiquement, quelque chose d'anormal se passe. D'une part, ouvrir en grand sur les trois premiers rapports demandent une bonne dose de courage et de force physique, et d'autre part, le corps tout entier se retrouve ébranlé par l'accélération. Il aurait été intéressant de mesurer l'accélération et ainsi définir combien de g l'organisme devait supporter. Cette Ninja H2 est un truc de fou ! Imaginez alors les sensations à bord de la Ninja H2R qui, elle, développe 100cv de plus !
La ligne droite, c'est beau, et les accélérations défoulent après une journée de travail, nul doute ! Mais la Ninja H2 bénéficie d'une partie-cycle évoluée lui offrant d'excellentes aptitudes dynamiques. Il va sans dire que si le châssis-treillis est capable d'encaisser les 326cv de la Ninja H2R, il n'a aucune peine à gérer la puissance de la Ninja H2. La rigidité est au rendez-vous, c'est un fait.
Quant aux suspensions Kayaba, les réglages d'usine sont corrects en regard de l'utilisation routière de cet essai. On ne se sent pas secoué à la moindre imperfection de l'asphalte. Cependant, les remontées d'informations sont sans reproche. Le train avant est incisif et va exactement là où on lui demande. La Ninja H2 ne donne pas lieu à l'imperfection et se laisse guider comme sur un rail. En France voisine et en Allemagne, là où les limitations de vitesse sont à peine plus permissives et les radars moins nombreux, on se délecte dans les longues courbes à emprunter de très propres trajectoires à allure quelque peu soutenue.
Et dès que l'on tombe quelques rapports, le diable s'enivre pour rendre la fête encore plus folle. Calé sur le troisième rapport, nul besoin de préciser que l'on dispose d'une réserve de couple suffisante pour s'extraire (plus que) vigoureusement des virages et d'une allonge permettant de chatouiller la case prison (Via Sicura, encore!) à l'approche du rupteur. Sur l'angle, on restera tout doux avec la poignée de gaz. Comme nous l'avions révélé plus haut, le frein-moteur est important, même en position "light". Deux possibilités s'offrent au pilote, soit il arrive vite en courbe en freinant et en usant du frein-moteur pour ramener la moto à la corde pour ensuite remettre franchement les gaz, soit il reste à vitesse constante dans toute la courbe en prenant garde à ne pas couper/remettre les gaz à la moindre secousse. L'action de la poignée des gaz est tellement sensible que l'on pourrait facilement se sentir déstabiliser alors que nous sommes sur l'angle. Pire encore, sur chaussée glissante, on risquerait de perdre l'arrière. L'exercice n'est pas facile mais l'on s'y fait rapidement, et c'est à ce moment que l'on prend son pied ! Dans tous les cas, la Ninja H2 est une moto sauvage et bestiale qui doit être apprivoisée.
A la sortie de courbe, on ouvre en grand, en faisant confiance à l'électronique et à la très tendre gomme Bridgestone Battlax RS01 qui chausse la jante arrière. Malgré son grip proche de celui d'un slick, la motricité est mise à mal, tant les valeurs de couple sont élevées. Heureusement, le contrôle de traction veille au grain et permet de nous extraire de la courbe avec efficacité.
A grande vitesse, lorsqu'il s'agit de balancer la Ninja H2 de gauche à droite, on ressent le poids de la machine. Elle est moins vive qu'une ZX-10R qui, elle, est moins lourde de près de 40 kilos !
Et quand il s'agit de planter sur les freins, car le virage que l'on voyait pourtant encore loin nous saute au visage, on peut compter sur les deux disques Brembo et les puissants étriers M50. L'attaque est franche et le dosage est à la perfection. Quant à la puissance pure, le pneu avant peine à tenir le coup. Par chance, l'ABS calibré sport gère bien les situations extrêmes. Par contre, c'est à nouveau le poids de la Ninja H2 qui se fait remarquer durant cet exercice. Du poids, il y en a à freiner et on le ressent bien. Mais en usage routier, son poids n'est pas un handicap.