Le briefing du matin annonce la couleur. La météo est radieuse, quoique la température de l’air mériterait quelques degrés supplémentaires. Dans les zones ombragées, l’herbe est gelée... Le blouson cuir et les gants racing ne sont malheureusement pas de circonstance, et pourtant, nous sommes tous (ndlr : les journalistes présents) équipés ainsi. Pensez-vous qu’un pilotage à rythme (très) soutenu puisse nous maintenir à température ? Les Italiens semblent décidés à tenir la dragée aux journalistes suisses... Alors, let’s go riding !
Sur le papier, nous avions lu que la selle culminait à 870mm. Mon mètre septante-quatre m’a donné de ce fait quelques a priori et, finalement, l’étroitesse de la selle fait que mes deux pieds atteignent le sol et me procurent un bon appui pour les manoeuvres à très basse vitesse. La légèreté de la Stradale aidant (181kg à sec), se faufiler dans les ruelles et entre les obstacles du milieu urbain est une mince affaire à la portée de tous les motards ! Il est vrai que l’Italienne se laisse emmener sans avoir à l’apprivoiser, bluffant ! La commande des gaz aux alentours du ralenti ne provoque aucun à-coup d’injection, de même que l’embrayage, bien qu’un peu dur, est parfaitement gérable.
A basse vitesse, le bruit de la mécanique impressionne sans être exagéré. Le trois-cylindres gronde dans ses vocalises typiques. La bande son n’est ni policée comme un quatre-cylindres en ligne ni chaotique comme l’est celle d’un V-twin, c’est l’entre deux parfait... moi, je suis fan ! Et quand la vitesse augmente, on peut compter sur le quick-shifter pour passer les rapports à la volée. Rapide, efficace et sans secousse, on l’adopte rapidement, tant pour passer les vitesses vers le haut que vers le bas. Contrairement à la croyance "populaire", il n’est pas nécessaire d’attaquer couteau entre les dents pour justifier l’utilisation d’un quick-shifter, c’est même un élément de confort.
La voie rapide qui relie notre hôtel à Algeciras nous permet de juger de la protection offerte par le carénage à peine élargi et par le saute-vent. Pas mauvaise ! Le buste est soulagée, les mains sont à l’abri de l’air frais matinal, seul le casque est soumis à la prise du vent. Malgré cela, je ne subis aucune turbulence désagréable ; je dirais même que cela permet à l’aération mentonnière d’être efficace pour empêcher la formation de buée à l’intérieur du casque.
On remarque en outre que la stabilité n’est pas excellente au-delà de 120km/h, le guidon large et l’absence d’amortisseur de direction sont sans doute à mettre en cause.
Quant au régime-moteur à cette vitesse et sur le dernier rapport, il ne faudra pas compter faire des économies de carburant... le compte-tours, s’affichant en barres sur l’écran LCD à rétro-éclairage argent, montre 6’500tr/min. Le sixième rapport est court, tout comme la boîte !
Aux portes d’Algeciras, non loin de Gibraltar, on quitte la voie rapide et on s’enfile sur la route très sinueuse menant à Ronda. Les gommes, des Pirelli Diablo Rosso 2, sont chaudes. On se comprend ? Oui ! On peut alors tomber quelques rapports et enrouler d’un virage à l’autre, bien que le sixième rapport offre de belles reprises aux vitesses légales sur route secondaire. Déjà bluffé par les performances du 798cc lors de l’essai des Brutale RR et Dragster RR, il n’a rien perdu de sa vigueur lors de la transplantation sur la Stradale ! Doué d’une excellente allonge, on peut sans autre rester sur le troisième rapport pour bondir d’un virage à l’autre. Les montées en régime et l’impression de puissance sont remarquables au vu des chiffres affichés sur le papier, sans parler de l’ambiance sonore contribuant positivement aux sensations.
La suspension a été judicieusement choisie. De la Rivale, MV Agusta a repris la fourche inversée Marzocchi entièrement réglable de 43mm et de 150mm de détente. Et l’amortisseur arrière s’attribue les soins de Sachs, lui-même également réglable dans tous les sens. Par rapport à celui de la Rivale, ce dernier présente une détente de 150mm (contre 130mm), afin de mieux gérer la charge potentielle d’un passager et d’offrir un niveau de confort supérieur. En selle, la Stradale convainc autant que sur le papier. Bien qu’en Andalousie, les routes sont proches de la perfection, nous avons tout de même rencontrer des tronçons de route quelque peu accidentés. Ce fut l’occasion de mettre à rude épreuve l’ensemble de la suspension. Les réglages d’origine sont fermes et orientent vers une conduite sportive. Cependant, après une journée de roulage et plus de 200 kilomètres sur sa selle, le confort global était honorable.
Ce n’est que la selle, un poil étroite et à peine moelleuse, qui rappelle que nous sommes sur une moto... sportive ! La selle aurait aussi tendance à pousser vos fesses vers l’avant, incitant à attaquer façon "supermotard"... au grand dam de votre passager. Enfin, après une heure de roulage, la pause s’impose, pour soulager le séant. Ce n’est pas de refus et c’est surtout l’occasion d’admirer les magnifiques paysages andalous avec pour toile de fond la Mer méditerranée.
Au jeu de l'arsouille, la Stradale met de côté ses caractéristiques touring au profit de la sportivité. Malgré ses maigres 115cv en regard des 140cv des Brutale RR et Dragster RR qui partagent pourtant le même moteur, la Stradale se débrouille plutôt bien et compte sur son généreux couple présent dès les plus bas régimes ! Les sensations sont bien là, aidées par l'envoûtement sonore du trois-cylindres. Sur tous les rapports et à tous les régimes, on use du quick-shifter qui, si l'on soulage à peine les gaz, ne provoque aucun à-coup, peu importe que l'on monte ou descende les rapports. En conduite sportive, il faut avouer que l'utilisation du quick-shifter est jouissif et contribue à une ambiance franchement "racing". Et, comme la boîte est relativement courte, les accélérations sont toniques et on atteint rapidement des vitesses inavouables.