
De la Dorsoduro, elle hérite le meilleur, à savoir son cadre mixte platines alu et treillis tubulaire en acier, son bras oscillant à doubles branches, son amortisseur arrière latéral (une bonbonne séparée pour la Caponord), son système de suspensions à réglages électronique ADD (Aprilia Dynamic Damping) de chez Marzocchi et son gros V-twin de 1197cc. De plus, la Caponord se dote des impératifs de la vocation touring comme de grands pare-mains, un semi-carénage, un pare-brise à réglage manuel, un guidon plus haut, une selle en deux parties, une boucle arrière renforcée pour accueillir deux valises latérales de 29 litres chacune, un réservoir de 24 litres (contre 15 pour la Dorsoduro)... le tableau semble complet !
Enfin, côté freinage, Aprilia fait confiance à Brembo, sans surprise. On retrouve deux disques flottants de 320mm de diamètre enserrés par des étriers à quatre pistons à monte radiale ; quant à l'arrière, c'est un simple disque 240mm de diamètre dompté par un étrier monopiston. Pour couronner le tout, le circuit hydraulique est constitué de durites de type aviation. Niveau look, il n'y a rien à redire !
Pour l'occasion, le bicylindre s'assouplit pour des performances tout en douceur. Il développe une puissance de 128cv à 8'500tr/min et un couple de 116Nm à 6'500tr/min. Sur papier, il ne présage rien d'hyper-fougeux par rapport à la concurrence qui affiche (souvent) plus de 20cv supplémentaires.
Esthétiquement, la belle de Noale détonne parmi les trails routiers de la production. Quand certaines affublent leur tête de fourche d'un bec de canard, la Caponord, elle, se la joue "gêne de sportive". La face avant est largement inspirée de la supersportive RSV4. L'Italienne affiche clairement une vocation routière et rechignera à s'aventurer hors des sentiers battus. D'ailleurs, il suffit de regarder son pneu arrière de 190mm de large et le débattement de ses suspensions (167mm à l'avant et 150mm à l'arrière) pour s'en rendre compte ! Elle serait donc plutôt apte à concurrencer une Suzuki V-Strom ou une Triumph Explorer plutôt qu'une BMW R1200 GS ou une KTM 1190 Adventure, qu'on soit d'accord.
Vous remarquerez que le papier et la théorie des chiffres ne valent rien à côté d'un essai routier !
Il faut avouer qu'on n'a pas dû se faire prier pour monter sur le selle de la Caponord. Au vu de son gabarit de trail, elle ne fait pas dans l'excès avec sa selle (étroite) à 840mm du sol. Les gabarits moyens seront à l'aise. La position de conduite s'assimile à celle que nous pouvons avoir sur une routière GT et permettra d'avaler les kilomètres d'asphalte sans faiblir ou ressentir de quelconques douleurs.
Le tableau de bord apporte toutes les informations habituelles. En plus, on retrouve les indicateurs du contrôle de traction, du rapport engagé, de la cartographie-moteur et du paramétrage de la suspension (seul ou à deux et, avec ou sans valises). L'ensemble est complet. On ne regrette que l'ergonomie des différents réglagles ; pas facile de passer d'un mode à l'autre sans devoir sortir le mode d'emploi ! Hormis cela, l'ambiance à bord est bonne, même si nous aurions voulu un guidon un peu plus sophistiqué.
On ne tarde pas à lancer le V-twin qui s'ébroue immédiatement. La bande-son est virile et fidèle à ses origines latines. De l'échappement sort un bruit sourd et envoûtant. Nul doute, on est bien sur une Italienne ! Le bicylindre se donnerait presque des airs de V4, c'est dire !
On passe le premier rapport. Il n'aura suffi que de quelques coups de guidon pour traverser la jungle urbaine. La Caponord se roule naturellement. Les masses bien réparties, son guidon large et la souplesse de son twin en feraient presque la bonne copine de tous les jours. Presque, car il reste son encombrement qui lui fait défaut. Eh oui, il ne s'agit pas d'une Mobylette ! C'est une 1200, diraient les plus vieux d'entre nous. Lorsque le feu passe au vert, c'est en mode dragster que nous dégommons avec fracas et mettons tout le monde d'accord. Il y a peu, nous avions testé la Diavel dans toutes ses déclinaisons... et nous devons admettre qu'il y a un peu de ce même diable dans le bouilleur de la Caponord.
Si l'on loue sa facilité en ville, on lui reproche tout de même l'étagement de sa boîte de vitesses. En effet, en troisième à 50km/h, le moteur tourne à peine trop vite (sensation désagréable)... et en quatrième, il gratifie de belles secousses.
La portion autoroutière qui mène vers des routes plus sinueuses et moins fréquentées nous permet de tester ses facultés aérodynamiques. Bien que réglable en plusieurs positions, la bulle n'est pas assez haute et donc protectrice au-delà de 100km/h. Il faudra choisir entre le mode "roadster" avec la totalité du flux d'air en direction du casque... ou le mode "turbulences" avec le casque qui bouge dans tous les sens. En mode "roadster", ça tire un peu sur les cervicales en fonction de la faculté de votre casque à pénétrer l’air ; pour un court trajet sur autoroute, on ne se plaindra pas.
Quant à la stabilité de la moto, elle est très bonne. Son empattement de 1'565mm et ses suspensions Sachs n'y sont sans doute pas pour rien.