
Dès sa présentation officielle au salon de Milan, en novembre dernier, son design a fait couler beaucoup d’encre, tant il se démarque des tendances de la concurrence et même de la production moto toute entière. Un design osé. Un design intriguant comme intimidant. Un design évocateur de performances jusqu’à ce jour jamais atteintes.
Les lignes se sont épurées et fluidifiées. Plus encore, la posture s’est orientée vers l’avant pour accentuer l’allure athlétique de la machine. Les carénages effleurent le moteur. Le réservoir d’essence confirme la ligne. La tête de fourche se contente d’un simple bloc de phares aérodynamique à quatre LED (deux de croisement et deux longue portée). Le résultat est sans appel. On se trouve face à une bête féroce prête à bondir. La Z1000 joue la carte émotionnelle... Que vous aimiez ou non cette nouvelle orientation stylistique, vous resterez sans voix et impuissant face à l’aura dégagé par la Z1000.
De l’aspect technique, les changements sont mineurs. On note toutefois une série d’améliorations bienvenues : une fourche Showa à fonctions dissociées et gros pistons reprise à la ZX-6R 636 pour des réglages plus précis et une meilleure réponse de la partie-cycle, un angle de chasse réduit pour plus de maniabilité, des jantes plus légères d‘environ 1.5kg, une nouvelle admission d’air accentuant le ronflement du moteur à tous les régimes, un système d’échappement revu au niveau du collecteur pour un gain de couple, un frein avant Tokico à étriers monobloc à montage radial (et maître-cylindre radial) pour plus de mordant et un meilleur feeling et une réponse plus précise du moteur à la poignée de gaz.
Sur papier, on ne s’attend pas (légitimement !) à une révolution. Cependant, le chef de projet en charge de la bête promet beaucoup de cette mouture 2014 de la Z1000 ! Allons donc vérifier !
Pour la présentation de son nouveau roadster, Kawasaki a convié la presse en Andalousie. Les automnes y sont doux. Les routes y sont tortueuses et de bonne qualité. Les conditions y sont idéales pour tester un moto destinée à offrir plaisir et sensations sur route ouverte.
Les Z1000 sont alignées dans la cour de l’hôtel. Le gris lunaire métallisé des éléments de carénage fait ressortir avec finesse le vert Kawasaki. Toutes nous scrutent de leurs yeux lenticulaires derrière lesquels se cache une puissante LED. La Z1000 a de la gueule, c’est le moins que l’on puisse dire ! L’esthétique est discutable, certes, mais dans tous les cas, il en impose.
En selle ! Me voilà prêt à dompter cette bête féroce. A prime abord, je remarque que la selle est plus basse (815mm) que celle de l’ancien modèle ; et pourtant, j’aurais cru, visuellement, qu’elle avait pris de la hauteur, tant l’avant est plongeant et l’arrière fuyant en pointe. Mes pieds touchent le sol de toute leur longueur, et pourtant, avec mon mètre septante-deux, je ne fais pas partie des plus grands. Je suis étonnamment bien incliné sur le guidon. Je profite de relever la qualité de finition de ce dernier. De gros diamètre et en alu brossé recouvert d’alumite noire, il est du plus bel effet. Quant à l’ensemble compteur et ordinateur de bord, il est futuriste avec son écran digital diffusant une foule d’informations (trips, consommations moyenne et instantanée, indicateur de conduite économique, ...) et sa bande électroluminescente affichant les tours-moteur au-delà de 4’000tr/min (au-dessous, c’est l’écran digital qui s’en charge). Je ne regretterai que le fait qu’il soit placé trop bas pour être vu en un coup d’oeil.
Les cotes saillantes du réservoir contribuent efficacement à la ligne agressive de la moto. Bien que la selle soit étroite, elle présente une épaisseur nécessaire pour assurer un bon confort. J’apprécie particulièrement la position qu’impose la Z1000. Les jambes enserrant le réservoir et repliées sur les cale-pieds empruntés à la supersportive ZX-10R, le séant calé sur la selle, les mains posées sur le guidon vous conférant une allure de lutteur, ... il n’y a plus qu’à mettre le contact et démarrer le 1’043cc fort de 142cv. Je veux savoir ce qu’elle a dans le ventre, la tentation est irrésistible !
Un tour de clé et l’ordinateur de bord s’affole en s’illuminant de toute part. Un coup de démarreur et le quatre-cylindres se met à ronronner dans une ambiance envoûtante. Le travail des ingénieurs Kawasaki effectué sur la boîte à air est flagrant. La Z1000 affiche de suite la couleur ! L’esprit Sugomi fait son effet. Me voilà ensorcelé par les forces de la nature. Call of the Wild, disait le slogan de présentation de la Z1000...
Rapidement, je verrouille le premier rapport. Kawasaki a privilégié des rapports courts pour permettre de tonitruantes accélérations. Aussi, avec le couple important disponible dès les plus bas régimes (111Nm), les stunters en herbe apprécieront. Donnez un coup de gaz, relâchez l’embrayage brusquement, vous verrez que la Z1000 ne se fait pas prier pour partir en wheeling ! Par contre, lors d’accélération "propre" (ndlr : sans jeu d’embrayage), la moto est très stable et ne cherche pas à pointer le ciel.
Je m’enfile et puis me faufile dans la circulation urbaine. Cet exercice est un jeu d’enfant pour la Z1000. Prêtez seulement attention au poids de la moto ! Bien qu’elle paraisse légère, on se laisserait rapidement surprendre à basse vitesse.
Une fois l’épreuve de la jungle urbaine passée, la route qui nous mène de Sevilla à Constantina est très roulante : des bouts droits à perte de vue sur près de trente kilomètres parsemés par quelques carrefours et giratoires. J’en profite alors pour me familiariser avec les commandes de gaz, d’embrayage et de frein.
L’embrayage n’est pas hydraulique et souffre d’une certaine dureté qui, au fil des heures de roulage, pourrait devenir fatigante. Heureusement, il est précis et les vitesses se verrouillent sans forcer. Aussi, la course du sélecteur est très courte ; pour une conduite sportive, ce sera appréciable.
Quant à la commande des gaz, elle répond instantanément aux sollicitations de mon poignet. Sur un filet de gaz, je regrette cette extrême sensibilité qui provoque quelques à-coups. Au-delà de 4’000tr/min, la poignée des gaz fait corps avec les papillons d’injection et je bénéficie de toute la précision du moteur.
Et pour finir, je m’attarde sur la réaction du freinage. A ma grande surprise, je constate qu’il ne suffit que de l’impulsion de mon index pour ralentir efficacement. L’attaque est puissante et immédiate. Puis, à force de tirer sur le levier, je sens les pinces de freins enserrer les disques de 310mm avec un progressivité exemplaire. Bravo ! Ce style de freinage est en parfaite adéquation avec le caractère de la Z1000, brutale et maîtrisable.
Après une première séance photo, mêlant passage à haute vitesse et tracking, nous attaquons les virolets des reliefs andalous. La route présente un bel asphalte, lisse comme un billard. Seulement, cette fin novembre n’est pas marquée par une météo digne du Sud de l’Espagne... le thermomètre n’affiche guère plus de 6°C. Les Dunlop D214, spécialement conçue pour la Z1000 (les SportSmart II du même fabricant sont aussi recommandés), peinent à monter en température. Si je veux que les pneus soient à bonne température, il faut que j’augmente le rythme très progressivement puis, le maintenir. A ces températures, point de salut, la moindre ligne droite à vitesse légale refroidi considérablement les flancs du pneu...
Une fois les pneus à plus de 30°C, je me jette dans les virages sans appréhension. La Z1000 fait fi de son poids (conséquent par rapport à la concurrence) et se laisse guider avec une facilité qui découle de l’évidence ! Kawasaki n’a pas trompé son public. Les améliorations techniques apportées à la partie-cycle n’étaient pas en vain. La maniabilité de la Z1000 a encore été améliorée.
Le train avant est vif, tellement que je lui aurais voulu un amortisseur de direction pour le stabiliser à haute vitesse. Dans les successions de petits virages, la Z1000 est royale et virevolte sans difficulté avec une extrême précision. Je suis maître à bord et la Z1000 répond au doigt et à l’oeil ! J’éprouve un grand plaisir à piloter cette machine, tant les sensations distillées sont importantes. A un tel point que trois confrères et moi avons prolongé l’essai par un enchaînement de cinquante kilomètres de virages... c’est dire !
Outre une partie-cycle au top, le moteur et son environnement immédiat (admission et échappement) contribuent à ce plaisir de pilotage. La Z1000 est dotée d’un quatre-cylindres en ligne très vivant et expressif. Très coupleux à bas et mi-régimes (111Nm à 7’300tr/min), il ne rechigne pas à vous catapulter à chaque sortie de virage. Très puissant à l’approche de la zone rouge (142cv à 10’000tr/min), il fait preuve d’une excellente allonge. De velouté sous les 6’000tr/min, il devient rageur au-delà. Il n’est pas issu du bloc de la supersportive ZX-10R mais porte la même marque de fabrique et l’esprit Kawa’ si typique. Les concepteurs de la Z1000 ont beau parler de philosophie Sugomi... je pense plutôt que Kawasaki a réussi à mettre un nom à l’esprit "vert" véhiculé par les Ninja (supersportives de la marque) et les roadsters Z.
A la vue de ces chiffres évocateurs de performances, nombreux pourraient s’inquiéter de l’absence d’un contrôle électronique de la traction, système très en vogue sur les modèles à vocation sportive et touring. Dire que ce système serait inutile sur la Z1000 est aberrant et à contre-courant. Cependant, je dois avouer qu’à aucun moment la motricité a été mise en défaut, et pourtant, je n’y suis pas allé avec le dos de la cuillère, si vous me permettez l’expression. Il faut aussi dire que le boudin de 190 à l’arrière n’y est sans doute pas pour rien... Pour justifier la présence d’un contrôle de traction, il faut que la moto soit très puissante et/ou ait une vocation touring.
De cette Kawasaki Z1000 millésime 2014, je retiens un sentiment d’homogénéité. Elle est issue d’une philosophie et son caractère tout entier s’en inspire. Brutale et sportive à souhait, mais également douce et agréable en conduite plus coulée, elle montre plusieurs facettes. Sur route ouverte, la Z1000 est une machine à sensations à consommer sans modération ! Le but est atteint.