Autant éclaircir un point dès le début, la Ninja ZX-6R et la Ninja ZX-6R 636 sont deux motos différentes qui restent toutes les deux au catalogue 2013. Le fait que la première version est dépourvue d'ABS est une raison, mais c'est surtout la limitation à 600cm3 de toutes les compétitions qui explique la cohabitation des deux modèles.
Sur le marché des supersport 600, la dernière ZX-6R rejoint la MV Agusta F3 dans le groupe des motos qui ont un contrôle de traction. Si on étendait le critère de choix à l'ABS, la CBR600RR et la nouvelle Daytona deviennent aussi membres du groupe.
Par le passé, Kawasaki avait déjà vendu une sportive avec un petit bonus de cylindrée face à la concurrence. Pour ce modèle 2013, la construction du moteur n'a pas fondamentalement changé depuis le moteur 2012. Pour atteindre les 636 cm3, les ingénieurs motoristes ont allongé la course des pistons de 2.6mm.
Ces 10.4mm (4 x 2.6mm) augmentent le couple disponible à moyen et bas régime. A son maximum, la courbe atteint 71Nm déjà à 10'500tr/min. (contre 6Nm à11'800tr/min). Dans l'opération, la Ninja gagne aussi 4 chevaux (soit 137cv avec le RAM air) disponible 500tr/min plus tôt.
Ces deux gains concrets sont le fruit de multiples petits ajustements. Les conduits d'amission et d'échappement s'élargissent en des points clés. La pointe des cames est devenue plus large pour augmenter la durée de chaque phase du cycle de combustion.
La boite à air a gagné en volume pour donner plus de rondeur au moteur. Enfin, les quatre tubes d'échappement sont raccordés alors qu'avant il formaient deux paires, ce qui renforce aussi le couple. En pratique, une différence se sent particulièrement à la reprise; plus franche entre 3 et 6'000tr/min. La conduite en ville est aussi plus agréable, garder le troisième rapport dans la circulation est désormais possible.
Côté transmission, tous les pignons ont été redessinés pour encaisser le surplus de couple. En outre, la démultiplication du premier rapport a changé pour de meilleurs départs arrêtés. Les péages de la région PACA (Provence-Alpes-Côte d'Azur) l'ont bien vite appris...
Pour finir, le département compétition de Kawasaki a offert à la Ninja un embrayage anti-drible avec trois ressorts au lieu de six, ce qui le rend incroyablement léger à opérer malgré la commande à câble. Le même département a aussi permis d'adapter le système maison de contrôle de traction (KTRC) de la ZX-10R sur sa petite soeur 636.
Sur le marché supersport, chacune a en quelque sorte sa place sur une ligne reliant la route à la piste. Tout à gauche, on trouverait la CBR600RR, avec son freinage combiné et son caractère peu explosif. Tournée au maximum vers la piste, cette place serait plutôt occupée par la R6 ou la Daytona, toutes deux très brutes et qui se passent de civilité.
Pour placer deux supersport 600 de la même marque sur cette ligne est pour le moins délicat. Selon Kawasaki, la Ninja ZX-6R prend une place plutôt sur la droite; alors c'est naturellement à gauche qu'ils sont allés placer la Ninja ZX-6R 636.
Le moteur moins pointu à utiliser mais aussi la partie-cycle plus performante sont essentiels pour encourager le passage de la piste à la route. Les revêtements irréguliers et la topographie des routes communes ne laissent aucune chance à une suspension inadaptée.
Sur la dernière sportive de Minato-ko a été montée la toute dernière fourche Showa Separate Function Fork – Big Piston, ou SFF-BP pour les intimes. Celle-ci a l'avantage de regrouper tous les réglages au sommet des fourreaux et ce de façon synchrone sur les deux côtés. Les deux vis du tube droit ajustent l'amortissement et le rebond et la vis du tube gauche contrôle la précharge (attention, un tour en vaut deux sur une fourche classique!).
L'amortisseur arrière garde sa précharge, sa compression et sa détente réglable. Le tarage devenu plus souple et le ressort plus long gomment efficacement la surface des routes de montagne tout en gardant une bonne motricité.
Le châssis et le bras oscillant sont restés identiques à la génération précédente. Réputés comme équilibrés, ils offraient une bonne base de travail à la nouvelle Ninja.
Ma première impression sur ces améliorations de la partie-cycle s'est faite le temps de sortir de Monaco. Se faufiler entre les voitures est un exercice plus simple qu'avant, tout comme changer de file sur une voie rapide ; il faut cependant toujours un peu se donner physiquement pour la faire obéir rapidement.
Même ressenti dans les petits enchaînements sinueux : elle s'inscrit parfaitement sur la trajectoire qu'on lui indique grâce à l'angle de chasse légèrement plus fermé et aux tubes de fourche montés 2mm plus haut. Seulement, il faut la travailler au corps et s'investir dans le pilotage pour aller vite. Ce n'est qu'une fois accoutumé que la lecture de la route devient instinctive et relativement facile.
Avec les changements de suspensions, la position de conduite a évolué dans le sens d'un genre de confort. L'appui sur les poignets est moins important qu'avant et le train avant est devenu plus stable. Il y a bien un amortisseur de direction en option, mais à moins de faire du rallye sur route le pilote moyen s'en passera.
Une fois la Ninja placée dans une grande courbe non sans effort, elle suivra sa trajectoire comme sur un rail peu importe la vitesse. Une épingle se passera aussi en un clin d'oeil en pesant de tout son corps sur le cale-pied et le demi-guidon. Reprendre sa place sur la selle redresse ensuite naturellement la moto; parfait pour se jeter dans la prochaine courbe.
En cas d'imprévu, le système de freinage est équipé à l'avant de deux étriers monobloc. Le premier, conçu par Nissin, pincent deux grands disques à pétales de 310mm chacun. A l'arrière, c'est un disque de 220mm qui ralentit efficacement la moto même si la commande mériterait d'avoir une réponse plus franche.
Le système de freinage est supervisé par le KIBS, un ABS non-déconnectable conçu conjointement avec Bosch et relié au KTRC. En plus d'agir sur les deux roues en contrôlant la rotation de chacune, il surveille aussi la pression hydraulique des étriers avant ainsi que divers paramètres du moteur tels que l'ouverture des gaz, le régime moteur, la sollicitation de l’embrayage et le rapport engagé. Technologique, tout cela !
Au chapitre électronique, vous pourrez régler la cartographie-moteur sur deux niveaux : Full où vous profiterez des 131 chevaux (et mêm 137 avec l'admission d'air forcée) et Low limitant la puissance à une centaine de chevaux et coupant l'accélération de manière flagrante une fois les 6'000 tr/min passés.
Le second mode est pratique pour essayer de garder son permis plus longtemps, il vous interdira par exemple d'emboîter le pas à un motard déjà lancé à une certaine vitesse étant donné qu'après un tiers du régime moteur vous êtes assis sur un scooter anémique. Notons qu'un changement de cartographie ne peut être fait qu'à l'arrêt ou en coupant totalement les gaz.
Même topo sur le réglage du contrôle de traction. Pour passer d'un des quatre mode à l'autre vous devez vous arrêter ou totalement couper les gaz. Le mode N°3 optimise la motricité sur tous les terrains mais est le plus castrateur. Il est conseillé de l'utiliser sur chaussée détrempée, parsemée de gravier ou sur un long tronçon en mauvais état.
Les modes N°1 et 2 sont des garde-fous qui ne prennent jamais le contrôle de la ZX-6R contre la volonté du pilote (sauf pour les acrobates qui devront le déconnecter; le quatrième mode). Ils n'agiront que lorsque vous surestimerez l'adhérence de votre roue arrière que ce soit en départ arrêté ou à la remise de gaz en sortie de courbe.
L'effet rassurant de tout l'électronique invitera le pilote moyen à progressivement augmenter le rythme, toute proportion de prudence gardée. Le terrain de jeu privilégié lors de l'essai me l'a vite montrée : l'envie de m'appliquer sur ma position et ma trajectoire se faisait plus intense à chaque virage.
A chaque nouvelle sportive, le dessin se doit d'être plus méchant et affûté. Pour Kawasaki, la ZX-6R devait ressemblait d'avantage à la grande soeur ZX-10R. Le phare avant a perdu son regard globuleux pour des phares tirés au possible sur les côtés. L'ouverture béante sur l'avant se prolonge aussi sur la grande bulle qui offre d'ailleurs une protection correcte au vent.
La pointe arrière, assez massive, reprend le même dessin de phare arrière de la Z800 mais pas ses astucieuses poignées pour le passager qui devra se débrouiller pour rester avec son pilote. Le très large réservoir creusé sur le sommet est lui prêt à vous accueillir en position limande. Pour reconnaître les deux modèles au premier coup d'oeil, fiez-vous aux clignotants : intégrés au carénage sur la 636 et aux rétroviseurs pour la 1000.
La nouvelle Ninja 2013 innove cependant en un point : le châssis de plus en plus caché. La partie habituellement nue entre le réservoir et le carénage reçoit un cache en plastique noir brillant à l'aspect très chic, mais je ne parie pas sur sa longévité avec les contacts et les frottements répétés avec les genoux du pilote. Pour cela, le modèle blanc avec son plastique noir mat semble moins excentrique mais aussi plus durable.
Ce qui aurait dû être plus inspiré de la grande soeur est l'échappement. Ce triste silencieux n'a que son profil triangulaire comme originalité. Certes, il sonne bien, surtout au-delà de 8'000tr/min, mais malgré les normes, d'autres constructeurs ont fait bien mieux.
Repris de la ZX-6R 600, le compte-tours de la 636 change simplement la répartition des informations. Il perd aussi l'affichage du chronomètre au profit de celui du contrôle de traction et de la cartographie moteur. Il y manque selon moi toujours une jauge à essence autre que la réserve. Dommage pour une moto à vocation (plus) routière de devoir jouer à la roulette russe avec le témoin de réserve.
La Ninja ZX-6R 636 cible ses clients parmi les motards qui ne prévoient de faire de la piste qu'occasionnellement. L'agrément et l'effet rassurant que procurent les trois types d'aide à la conduite qu'embarque la sportive japonaise motivera plus facilement celui qui pense ce type de moto réservé à des pilotes expérimentés. La position relativement peu fatigante pour les poignets et la stabilité de la partie-cycle rendra chaque balade plus plaisante.
Très bien placée financièrement, elle mate la CBR600 (ndlr: nous ne connaissons pas encore le prix de la version 2013 présentée à Milan) ainsi que la nouvelle Daytona. Toutes celles qui sont moins chères le sont pour une bonne raison; le plus souvent une conception datée ou un équipement moins important. La seule inconnue est une certaine Italienne assez confidentielle chez nous mais qui sur le papier rivalise avec cette Ninja.
Modèle abouti ne souffrant d'aucun défaut majeur, elle n'a que des détails qui pourraient être modifiés tels que le silencieux ou la jauge à essense. La concurrence a vraiment du soucis à se faire.