Sur le marché suisse des motos bridées, la Yamaha R6 est parmi les plus vendues. Ce succès est-il dû à un effet de mode ou à ses qualités dynamiques ? C’est la question que je me suis posée lorsque j’ai eu la confirmation de l’essai de cette sportive. Mon seul repère de comparaison sera la Honda CBR600RR qui m’avait alors convaincu que les sportives ne sont finalement pas ce à quoi je m’attendais.
Lorsque je me rends au garage pour prendre la sportive japonaise, une Moto2 du teamYZF Yamaha trône à côté d’une R1 montée pour la piste. A première vue, on penserait à une simple R6 dépouillée mais c’est bien plus ! Le cadre a été modifié pour accueillir le moteur commun à toute la catégorie. L’instrumentation est, elle aussi, spécifique, tout comme les commandes de cartographie moteur. La ligne d’échappement semble directe : si je la démarre, toutes les vitrines du quartier tombent ! nous souffle un responsable. Je souhaite pouvoir en voir tourner une un jour. C’est pas vraiment pour elle que je suis là en fait, c’est sa -lointaine- cousine que je suis venu découvrir.
La sportive que l’on me confie ressemble comme deux gouttes d’eau à sa grande soeur R-One prêtée à mon collègue Jimmy quelques semaines auparavant. La bête bleue et blanche montée sur des jantes dorées est impressionnante. L’entrée d’air entre les deux phares annonce la couleur sur le modèle libre. Elle ne doit être que décorative pour la version bridée à 34cv.
Sur chaque flanc court une arrête ponctuée d’ouvertures laissant entrevoir le coeur de la machine. La liaison entre les phares et les côtés est d’une forme très travaillée, nettement inspirée d’un manga. La partie arrière semble dessinée en deux fois ; alors qu’elle est assez large, la R6 arbore un arrière qui semble fin. La forme du réservoir est, à mon avis, encore plus orientée position du pilote que sur une autre sportive du même segment. Les pilotes de grande taille devraient y trouver leur compte.
L’instrumentation de bord est superbe, un grand compte-tours à aiguille qui monte très haut, un shift light ; que je n’ai malheureusement vu s’allumer qu’à l’initialisation, un afficheur digital de vitesse. Je ne comprends pas pourquoi l’on commercialise encore des motos avec un simple témoin de réserve d’essence. Selon comment on roule, il peut bien vite s’allumer et on ne sait pas trop quelle est la distance restante.
Les rétroviseurs n’ont, comme souvent, pas l’air d’appartenir à la moto. Bien que disgracieux, ils offrent, sur la YZF-R6, une excellente vision arrière. Si vous vous cachez derrière la bulle sur autoroute, faute de réglages, il vous faudra lever un peu la tête pour discerner correctement ce qui se passe derrière vous. Avec quelques recherches et essais, les rétros seront bien placés, quelle que soit votre position.
La fourche dorée, totalement réglable par de belles vis bleues, travaille très bien pour absorber les petites imperfections de la route. Les bosses ne sont, elles, pas entièrement gommées, mais vous garderez aisément le contrôle. La suspension arrière, elle, est aussi réglable, ce qui confère au bras oscillant un comportement à la carte. Je trouve le réglage d’origine pas assez souple pour le confort, mais, vous le lirez plus loin, cette souplesse semble laisser assez de liberté à la roue arrière pour chercher sa place. A vous de choisir entre confort et efficacité.
La maniabilité à basse vitesse est très restreinte, la faute aux demi-guidons bracelets et au manque de couple pour faire bouger la machine en douceur. Je ne me risquerais pas à passer l’examen de conduite avec cette sportive. Ce point fait partie des règles du jeu lorsqu’on achète une R6 dans le but de passer son permis.
Une fois lancée, ses qualités dynamiques n’ont pas mis longtemps à me convaincre de son efficacité. Cependant, le freinage s’avère assez light et le frein moteur, bien que suffisant, rend la relance difficile à cause du couple limité une fois redescendu en régime moteur.
Autre mauvais point, la tenue en appui. Dans les courbes, l’arrière se place assez aléatoirement et, une fois placée, la moto renvoie des informations étranges. J’ai eu quelques fois la sensation que la R6 cherchait sa motricité avec un léger mouvement du bras oscillant. C’est, à mon avis, du côté des pneus Dunlop qu’il faut chercher. Autrement, cette Yamaha n’aurait pas le succès qu’elle a.
Lors des premiers kilomètres, j’ai assez vite ressenti une douleur aux poignets. De retour à mon domicile, je me rends sur le site Internet de Yamaha pour lire ce qu’ils avancent sur leur produit : Position de conduite avancée et abaissée ; je me demande si c’était vraiment nécessaire. Sur la route, on a toujours l’air échappé d’une course de Moto2. Il me semble que basculer les commandes un peu plus en avant éviterait au pilote d’avoir à lever ses doigts pour les passer par-dessus les poignées de frein et d’embrayage. Au bout du compte, ce n’est qu’une question d’habitude ; après 100km, je m’étais déjà habitué et les douleurs avaient bien diminué. Bienvenue dans le monde des sportives !
Niveau moteur, la version 25kW est vraiment frustrante. Le YCC-I (Yamaha Chip Controlled Intake) offre à la version libre un gain de couple non négligeable à bas et moyen-régime. Avec la course d’accélérateur raccourcie, il faut déjà être généreux pour se mettre en mouvement. Pour les dépassements, il faudra ouvrir en grand et tomber un rapport ; autrement, vous vous ferez des frayeurs.
Pour moi, après quelques centaines de kilomètres, il me paraît évident de faire chanter cette sportive. La sonorité n’est pas discrète, mais inexistante. J’ai comparé le modèle 2010 à un modèle 2008, ce dernier a une sortie 10cm plus courte et un son plus flatteur. Pour entendre le moteur, il faut pousser dans les tours, mais rouler sur le premier rapport à 50km/h et sur le deuxième à 80 ; vous conviendrez que ce n’est pas idéal.
Petit mot, quand même, sur la consommation : j’ai relevé environ 6.7litres/100km. Un litre de plus que la 600 (Honda CB600FA Hornet 2009) que je roule habituellement. Cette donnée doit pouvoir être optimisée avec un comportement routier plus économe. Ceci dit, le public visé préférera consommer plus et entendre le moteur que consommer moins.
J’ai été surpris par la boîte de vitesse. Sur autoroute, on cruise facilement sur le cinquième rapport, alors qu’il reste encore la sixième à passer. Ne vous étonnez pas si elle vous paraît imprécise, le point mort n’est pas évident à passer et le rapport suivant ne passe pas du premier coup. A la sortie du garage, la moto n’avait que 500km ; après 200km, j’avais déjà noté une amélioration.
Je pourrais encore disserter durant des heures sur la beauté de cette moto. J’imagine qu’à cette seule qualité, des clients l’ont préférée à une concurrente bien qu’elle soit en haut du tableau des tarifs. Sans compter que vous voudrez bien vite changer la sortie d’échappement. A ce sujet, il faut prêter attention à la bride qui se trouve dans la ligne d’échappement d’origine.
Si le look de la R6 vous fait craquer, allez-y. Si, par contre, vous voulez choisir une sportive pour ses qualités dynamiques, comparez bien toute l’offre. Je ne dis pas que cette Yamaha en version 25kW ne vous satisfera pas, loin de là, mais la position ou le caractère moteur n’est peut-être pas celui qui vous cherchez.