Pour moi, ce style de moto est inhabituel et, jusqu'à ce jour, je me disais toujours que je finirai là-dessus à 40 ans. Je dois en fait avouer apprécier ces machines et réviser mon jugement. Bien emmenées, ces routières presque tout-terrain font des merveilles !
Leur principale qualité est sans doute le confort mais aussi l'autonomie. Les deux motos que nous avons cherchées à opposer sont celles qui embarquent le plus de carburant. Le réservoir de la Stelvio affiche 32 litres et celui de la GS (en version Aventure) 33 litres. Seulement, tout n'est pas toujours possible, BMW Suisse n'avait pas d'Aventure sous la main et nous a mis à disposition une autre GS. J'ai presque envie de les remercier tant cette Tom Lüthi Edition est belle sous sa robe entièrement noire. Toutes les deux sont mues par un bicylindre de 1200cm3. Leur moteur est aussi d'une architecture atypique : le V transversal à 90° pour l'Italienne et le boxer transversal pour la Bavaroise. Le couple de chacune est prometteur ! La route nous attend, en selle!
La première à être entre nos mains est la 1200GS. En l'enfourchant à la sortie du garage, j'ai de suite procédé au réglage de la hauteur de selle ! Sur les quatre possibilités (haute -celle que j'ai choisie-, basse, inclinée vers l'avant ou vers l'arrière) il y a forcément la vôtre.
La selle Moto Guzzi ne propose pas ce genre de bonus. Sa hauteur se situe entre les positions de la concurrente et vous avez le guidon à hauteur d'épaule et les pieds bien au sol. Le réservoir est aussi assez fin, paradoxalement à sa capacité : mais où ont-ils caché autant d'essence ? Soit dit en passant, les genoux du pilote se retrouvent placés à une dizaine de centimètres du moteur. Ils prendraient vite un coup de chaud !
La Bavaroise est plus massive entre les jambes du pilote, sans pour autant poser problème. Le moteur à plat placé plus bas éloigne aussi les sources de chaleur. Haut perché, le pilote profite d'une vue dominante sur la route. Les épaules légèrement au-dessus du guidon donnent un soupçon de position supermotard qui n'est pas pour me déplaire. Cependant, la prise au vent devient importante ; un trajet sur autoroute est désagréable et fatiguant comme sur toute autre moto. Ne reste qu'à descendre la selle en quelques secondes pour ces trajets.
Les commandes BMW sont un style à elles seules : un clignotant par côté, les appels de phare avec le pouce, le coupe-circuit d'urgence à trois positions. Dépaysement garanti ! Les boutons Info, ESA, ABS/ASR demandent, quant à eux, une explication pour bien s'en servir. Le fabricant transalpin ne s'est pas encombré de commodo spécifique, c'est en effet la même gamme que celle utilisée par Aprilia sur sa Shiver, sa Tuono, sa Mana ainsi que sa Dorsoduro. L'ordinateur de bord de la Moto Guzzi provient lui aussi de la même banque d'organe. Ce dernier est assez complet avec son compte-tours à aiguille et son tachymètre digital. Alors que l'écran paraît généreux et déborde presque d'informations, il manque l'affichage de rapport engagé que l'on retrouve sur la BMW et sur toutes les autres concurrentes du segment.
Les deux principaux instruments de la Bavaroise sont analogiques. Le bouton Info fait défiler alternativement la pression des pneus, l'heure, la température de l'air, l'autonomie ou d'autres informations basiques. Le bouton sous le compteur affiche l'odomètre et deux trips partiels qu'il réinitialise après une pression prolongée. L'écran est parfaitement lisible car il n'affiche simultanément qu'une quantité restreinte d'informations.
C'est bien connu, moins il y a de cylindres, plus il y a de vibrations. Selon comment est conçu le moteur, les vibrations sont moins flagrantes. Nous sommes en présence d'un V et d'un Boxer qui sont tous les deux montés face à la route. Les cylindres font alors pas de mouvements dans le sens de marche de la moto. C'est en appuyant sur le démarreur qu'on a un premier aperçu des mouvements induits par le moteur.
La moto qui se balance lorsque l'on s'apprête à partir est un petit bonheur ! Le ballet reprend aussi à la demande, quand, au point mort, on donne de petits coups de gaz. Le plus impressionnant reste la BMW qui s'ébroue littéralement quand, en roue libre, on actionne l'accélérateur.
Par le passé, j'avais entendu des R1200GS. Cependant, je n'avais pas été marqué par leur bruit. Mais alors, là, j'en suis resté sans voix. La nouvelle culasse semble avoir libéré le moteur qui fait maintenant des vocalises dans son échappement d'origine. En relâchant la poignée de gaz après 4'000tr/min, les pétarades se font bruyantes et joyeuses.
La Moto Guzzi n'a pas à rougir. Inutile de demander le passeport au V2, le son très italien qu'il produit ne laisse pas de doute. Certains le diront lassant, d'autres en parlent comme une musique. Il y a une note constante et aiguë, mais les bruits d'air en roulant l'emportent très vite. Les cliquetis des soupapes mélangés aux expirations de l'échappement sont ennivrants, autant que les pétarades de la BMW. Match nul pour l'échappement.
Ces motos provoque une attirance magique ! Autant l'une que l'autre, la Guzzi et la GS incitent à rouler !
La BMW vit dans un monde où il y a du temps et de l'espace. Le temps ne passe pas lentement, mais inutile de chercher à en gagner. L'accélération et la reprise ne sont pas fulgurantes comme je m'y attendais. Les deux cylindres à plat donnent beaucoup de couple à bas régimes, mais la mise en mouvements est comme la rotation de la poignée de gaz qu'il faut essorer très fort !
Malgré ça, des nationales aux chemins blancs, du fond de la vallée au sommet des montagnes, à chaque route, sa dose de plaisir ! A chacune aussi son réglage de l'ESA. Une fois perché 2cm plus haut pour du off road ou les amortisseurs raffermis pour voyager à travers l'Europe avec passager et bagages, tous les itinéraires sont envisageables, tant les possibilités de l'ESA sont personnalisables.
Les courbes rapides sont avalées par la moto, le pilote ne s'en occupe pas. Dans les parties sinueuses, le frein-moteur joue bien son rôle sur les deuxième et troisième rapports. On entre sereinement en épingle avec avec un excellent freinage à répartition avant/arrière, puis sans gaz ni frein en arrivant à la corde. Puis, on ouvre les gaz en grand. En outre, si par malheur, la remise des gaz était était trop téméraire, l'électronique de la moto vous rappellerait que chacun de vos gestes passent l'unité électronique centrale (ECU) pour "approbation". Autant dire que vous pouvez arsouiller sans serrer les fesses !
En arrivant trop vite en courbe, même avec un freinage catastrophique, la GS ne joue pas contre vous et rassure pour ne pas se sortir. L'ABS fait le boulot et les suspensions stabilisent parfaitement la machine. Quelque cinq kilomètres ou quatre virages suffisent à adopter la BMW. On ne la connaît pas parfaitement, mais elle fait démonstration de son potentiel dès le début.
Si la Moto Guzzi était dans le même espace temporel que la BMW, elle serait une machine à remonter le temps. Vive, rapide, précise, mais aussi délicate à piloter. Un spasme de la main droite et vous voilà déjà catapulté dans un vacarme jouissif. Peut-être pas le plus idéal pour la ville me direz-vous !
L'embrayage est très ferme, encore plus quand nous venons de quitter la Bavaroise quelques secondes auparavant. Garder celui-ci en main à l'arrêt revient à faire de la musculation. Vite, quittons la ville ! La boîte de vitesses se montre aussi moins précise que la GS, surtout pour passer le premier rapport.
En approche de courbe, le répondant de la poignée de frein surprend ; tout l'inverse d'une commande directe et incisive ! Il faut y aller plus franchement, les freins seront alors à la hauteur. Une fois à vitesse adaptée le frein-moteur contient aussi bien la moto, mais arrivé à la corde, ne vous jetez pas sur les gaz. La réponse franche et très directe du moteur vous satelliserait sans hésiter.
Dompté avec talent, un bon pilote sur la Stelvio saura extraire le meilleur du V2 et ouvrira naturellement la route au reste du groupe plus lent. Notez qu'il devra passer du temps à régler la fourche Marzocchi et son amortisseur, avec son tournevis, comme les autres. Pour rouler en couple, il faudra recommencer, ainsi qu'en tout-terrain. Nous avons envie de dire vive la BMW ! Quand nous appuyons sur un bouton allemand, en Italie, nous sortons la trousse à outils.
Qu'elle vienne du Nord ou du Sud des Alpes, chacune des deux aventurières a ses atouts et ses défauts. Un homme de raison choisirait sans doute la BMW, plus conviviale, plus facile et diablement efficace. La version Tom Lüthi pourrait achever de le convaincre par sa robe intégralement noire jusqu'aux rayons des jantes. L'autre serait guidé par sa passion préférera peut-être la Moto Guzzi, plus atypique avec son moteur en V qui a beaucoup de caractère mais qui est aussi agréable à l'oreille que de l'Italien.
Il faudra une bonne dose de passion pour la Stelvio et ses vibrations omniprésentes, ses freins un peu mous et sa poignée de gaz très directe. Pour l'entretien, aucun ne se souciera de sa chaîne ; les deux motos sont équipées de cardan monobras. De plus, ces deux machines sont conçues pour n'être à l'atelier qu'une fois par an.
Et si vous êtes un homme de raison qui écoute sa passion, comment feriez-vous ? Et bien, vous seriez aussi indécis que nous !