A proprement parler, le terme trail est quelque peu usurpé. Eh oui, les trails, les vrais, ne dépassaient pas les 200kg, alors que là, que ce soit pour le Tigre ou la Super T, nous sommes à des années-lumière de ce qui se fait en terme de légèreté! Avec respectivement 250kg et 263kg sur la balance, ça calme! Les constructeurs surfent sur la vague de l'envie d'escapade, mais le terme "trail" est-il réellement galvaudé? Pouvons-nous nous lancer à l'aventure avec nos deux montures? Permettent-elles la même utilisation? Et pis d'abord, c'est laquelle la mieux?
Je ne vais pas vous refaire l'article complet de nos deux montures, car vous trouverez l'entier des essais de chacune d'elles en suivant les liens de ces articles: Yamaha XT1200Z Super Ténéré et Triumph Tiger Explorer 1200. Le but de ce comparo est de simplement définir ce que peut faire ou ne pas faire chaque moto, laquelle peut vous emmener sur un sentier cassé, ou être la reine de la route.
Il faut le reconnaître, le terme trail est mis à toutes les sauces par tous les fabricants. Malheureusement, certains ont quelque peu oublié l'objectif premier du trail! Pouvoir se déplacer aussi bien sur route que sur terre, à l'autre bout du monde ou en bas de chez soi. Mais pour cela, il faut avoir les bons ingrédients dans sa besace et ça Yamaha sait le faire (passé sportif oblige) avec une paire de jantes à rayons et un sabot moteur en alu qui respire la robustesse. La Tiger se contente de jantes en alu et d'un petit sabot moteur qui n'offre pas la protection de sa concurrente du jour. Ceci dit, Triumph risque bien nous faire le coup d'une version X, équipée en mode baroudeuse.
Du côté de l'ergonomie, les deux motos en offrent autant l'une que l'autre, avec une selle ajustable en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire et des bulles réglables sans outil. Ah non, la Super T a besoin d'une clé BTR (située sous la selle) alors que la Triumph offre deux molettes très pratiques. Le réglage des suspensions est aisément accessible sur les deux modèles et les ordinateurs de bord sont des plus complets (manque toujours un témoin de rapport engagé sur la Yamaha). On trouve des réservoirs suffisamment grands pour ne pas s'arrêter tous les 200km, un cardan qui vous évitera un graissage régulier, des roues de 19 pouces à l'avant, des débattements de suspensions de 190mm... Bref, deux montures de bonne facture pour voyager sans arrière-pensée.
Une fois enfourchée, la position semble similaire, mais l'on est plus penché en avant sur la Triumph. Du côté des jambes, la Super Ténéré offre une position moins fléchie que la Tiger dont le réservoir est plus étroit. Vous l'aurez compris, la Tiger offre une postion plus typée roadster, prête à manger du bitume, alors que la Yamaha propose une position plus relax qui donne envie d'aller se faire secouer les vertèbres dans les chemins. Mais avant cela, il faut passer par la route. Alors allons-y!
Avant de passer dans des chemins escarpés, le trajet se fera sur une portion d'autoroute, puis une nationale, une départementale et enfin une route de montagne.
La protection offerte par les deux motos sur le trajet autoroutier est tout simplement excellente pour la catégorie. Cruiser à 130km/h est une formalité, il faudra attendre les 160km/h (sur autoroute allemande hein, ndr) pour commencer à ressentir les effets de la vitesse. La large face avant de nos deux modèles propose une protection idéale des jambes et du torse. Du côté de l'agrément moteur, le bloc de la Triumph propose quelques 137cv contre 110cv à la Super T et, sur autoroute, la différence se fait sentir immédiatement sur le jeu des relances. Allonge, sonorité d'avion au décollage, le Tigre prend le pas sur l'ex-reine du désert. Mais au final, l'autoroute, on s'en moque, le but d'un trail est de partir à l'assaut des cols et des chemins.
Si la différence en reprise sur autobeurk était flagrante, elle se fait nettement plus nuancée sur la route, car le bouilleur de la Yamaha reprend plus tôt dans les tours et permet de coller aux basques de la Tiger avec aisance. Si la différence en nombre de bourrins est flagrante, en terme de couple, c'est nettement moins évident. 114Nm pour le bicylindre de la Super T contre 121Nm pour le trois-cylindres Triumph... pas de quoi fouetter un Tigre, un chat pardon!
Du côté partie-cycle, les deux motos offrent un comportement et une tenue de route de bon niveau pour la catégorie. La Tiger prend l'ascendant dans les longues courbes rapides avec notamment une suspension plus ferme, qui permet de passer plus fort avec moins de mouvements du châssis. La Yam' ne démérite pas et fera la différence lorsque la route se dégradera, les nids de poule et autres raccords à deux sous dont seuls les techniciens des routes ont le secret se passeront en douceur.
Nous voici sur le sinueux, un terrain que j'affectionne tout particulièrement, surtout avec des motos hautes sur pattes qui permettent de tout faire frotter! Nos deux motos font match égal avec une garde au sol qui ne permettra pas de prendre de l'angle de goret. Repose-pieds, béquille... tout y passe et est limé dans les règles de l'art.
La Super T me met plus en confiance dans les épingles, la position droite me rappelant celle des supermotard. Le Tigre se refera au moindre bout droit grâce à son allonge supérieure. Pfou! Elle va être chaude cette montée de col! Attention, avec femme et bagages, il ne faudra pas oublier de durcir votre amortisseur.
Forcément, si les constructeurs donnent le nom de trail à leur machines, il faut bien s'attendre à ce que des journalistes aillent vérifier leurs dires sur des voies plus ou moins aménagées...
Conscients que nous n'avons pas entre les mains et les jambes des motos d'enduro, nous passerons simplement dans les bois des alentours afin de voir si des escapades chez les bouseux (rhooo...) sont possibles. Je commence donc avec la Super T qui, de par son nom et ses équipements, en promet plus que l'Anglaise.
La Super T se montre très à l'aise dans l'exercice des sous-bois, avec une absorption parfaite du tracé, mélangeant cailloux, terre et sable. Les suspensions en donnent suffisamment pour pouvoir s'amuser. La Yam' se laisse emmener à bon rythme, que ce soit en mode debout, une position idéale pour ce genre d'exercice, ou assis pour gagner un peu de motricité dans les montées. D'ailleurs, le niveau 1 du TCS sera préféré, le supprimer avec des pneus mixtes n'étant pas la bonne solution sauf si vous souhaitez faire du sur place.
Le poids se fait rapidement oublier pour laisser place au couple du bicylindre qui met du coeur à l'ouvrage et ne rechigne pas lors des passages à basse vitesse. La commande des gaz par câble est un véritable plus sur les terrains cabossés par rapport à un Ride by Wire plus difficile à gérer dans ces conditions. Je regrette que la version Worldcrosser ne soit pas encore disponible en essai...
Le Tigre va avoir fort à faire pour pouvoir surpasser la Super T sur ce terrain. Je me lance sur le même chemin, équité oblige, mais dès la première descente, le premier constat se fait sentir. Je me fais secouer dans tous les sens, la moto est floue et m'oblige à conserver pieds et mains à proximité des freins et de l'embrayage. La position debout et assis se font en alternance afin de descendre sans se gauffrer.
Je l'avais souligné lors de mon essai du Tigre, la position debout n'est pas naturelle. Trop penché sur le guidon, on ne ressent pas le terrain comme il se doit. Un demi-tour plus tard, il est temps de remonter sur la route. Tout comme pour la Super T, le TCS est conservé afin d'éviter les dérobades. Je tente une montée à bon rythme, ce sera un échec cuisant. La moto me commande, alors que ce devrait être l'inverse...
La commande des gaz Ride By Wire est trop sensible pour ce genre de terrain. Les suspensions et les jantes à bâtons participent également à cette déconvenue dans de telles conditions, une trop grande rigidité ne permettant pas d'évoluer comme il se doit. Cela confirme bien que le Tigre n'est pas dans son milieu.
Oui et non! Pour une utilisation routière, les deux machines s'en sortent avec les honneurs et invitent clairement aux longs voyages, que ce soit en solo ou en duo. Les deux motos peuvent adopter un très bon rythme de roulage à condition de tout faire à la "cool". Ces motos se conduisent en prenant soin de bien enrouler les virages, vous pourrez alors sortir des courbes gaz en grand grâce au TCS qui veillera à votre sécurité.
Si vous cherchez l'aventure à proprement parler et rêvez d'escapade vers de nouveaux horizons, le tout avec des pistes dignes des rallyes du désert, la Super Ténéré est clairement faite pour vous. La Tiger n'ayant pas pour l'instant la capacité d'évoluer dans ces conditions. Si vous préférez vous contenter de rouler sur nos belles routes et en avoir sous la poignée de droite, la Tiger vous comblera et vous en donnera pour votre argent.
Eh bien tu prends tes petites jambes et tu vas voir chez le concessionnaire du coin et tu te feras ta propre idée! Ah la réponse facile...
C'est une réponse qui est difficile à donner tant les deux motos offrent un haut niveau de performances. Après tout dépendra de ce que tu recherches, ami lecteur. Si tu as l'âme de l'aventurier et que tu souhaites emprunter des chemins de campagne, la Super Ténéré te le rendra aisément, sans pour autant démériter sur route, où elle s'en sort extrêmement bien grâce à une partie-cycle facile et confortable, associée à un moteur des plus volontaires.
Si tu penses que tu ne mettras jamais le pied dans un chemin et que tu veux encore t'amuser sur route, le Tigre te fera oublier les préjugés que tu as sur ce genre de motos. Facile à prendre en main et disposant d'un moteur qui est en passe de devenir une référence dans la catégorie, la Triumph fera vibrer ton côté pilote, d'autant plus que la partie-cycle te mettra rapidement dans l'ambiance.
Au final, deux motos qui t'en donneront pour ton argent et qui te permettront d'enquiller les kilomètres sans la moindre crainte, à des rythmes variés. A toi de choisir entre plus de confort ou plus de sport...