
Celle qui m’a été confiée est un gros roadster reconnaissable parmi des dizaines d’autres. Des jantes à rayons, un phare rond, un twin boxer éprouvé par les cousins trails et cousine routières de la marque, une bande blanche sur le réservoir, … ce roadster respire la belle époque ! Alors, vous avez trouvé ? C’est bien la R1200R dans sa finition Classic… Déjà connu depuis quelques années, le roadster reçoit, dans ce millésime 2011, le nouveau moteur R, plus souple et plus puissant.
La R1200R ne passe pas inaperçue. Son gabarit impose le respect. Vue de face, son flat twin lui donne des allures de bodybuilders dopés aux hormones. Cet effet est renforcé par son gros phare cerclé de chrome. Le silencieux d’un diamètre inavouable, les jantes à rayons d’un classicisme remarquable, la bande blanche tranchant le noir du capot, les rétroviseurs chromés, tout prête à croire que nous avons affaire à un bon vieux roadster parfaitement restauré. Eh bien non, détrompez-vous, sous ses allures oldschool, la R1200R cache tout un attirail technologique : un moteur bicylindre à 4 soupapes par cylindre refroidi par air et huile, une injection gérée électroniquement, une transmission par cardan, un système d’anti-patinage ASC (de série en Suisse), un ABS partiellement intégral (de série en Suisse), une suspension à réglage électronique, des poignées chauffantes, un capteur de pression des pneumatiques (pas disponible sur la version Classic), … l’équipement peut être pléthorique ! Mais, chez BMW, tout a un prix ! Bien que le prix de base du R1200R soit dans la moyenne, chaque option ou pack d’options coûte un bras. Celui de votre belle-mère fera certes l’affaire, nous dira-t-on !
Finalement, le motard qui souhaite une BMW à tout prix, se l’offrira. Preuve est-elle au vu du nombre de BMW sillonnant les routes de notre belle Helvétie. Il en aura d’ailleurs pour son argent ; la finition est irréprochable et l’ergonomie de l’ensemble n’est pas en reste, croyez-moi !
Au niveau du look, on aime ou on n’aime pas, c’est selon les goûts de chacun. Personnellement, son étrange moteur si inhabituel dans la production actuelle et son look si atypique ne m’ont pas laissé insensible. Ça change, je me sens dépaysé des quatre cylindres japonais… Un ami m’a confié : « Je n’aime pas ces motos dont le moteur ressort de chaque côté ! » C’est exactement ce qui la différencie visuellement des concurrentes. Osons donc la différence !
Il est temps de chevaucher la bête. Ma souplesse a sans doute pris de l’âge autant que moi ; en effet, la selle arrière et le support de top-case gêne un peu de part leur hauteur. A plusieurs reprises, le bout de mon pied est venu heurter le bord du top-case. Une fois en selle, bien qu’il y ait la possibilité de la régler en hauteur, je me sens parfaitement à mon aise. Mon mètre septante-cinq me permet d’avoir l’essentiel de la plante des pieds sur le sol ; seul le talon n’y parvient pas. C’est une position qui me convient. Ainsi, en selle, je me trouve relativement droit (le dos légèrement incliné vers l’avant). Cette position se montrera polyvalente au fil des kilomètres : incliné vers l’avant pour l’attaque et suffisamment droit pour ne pas être en appui sur les poignets et pouvoir avaler les kilomètres sans douleurs.
Je retrouve les fameux sélecteurs de clignotants typiquement BMW (un sélecteur par côté et un pour éteindre, même s’ils s’éteignent automatiquement après quelques secondes). Je m’y habitue assez vite et, finalement, le système se montre ergonomique.
Je tourne la clé de contact et, immédiatement, les aiguilles du compte-tours et du tachymètre s’affolent, les nombreux voyants lumineux scintillent de toutes parts sur le tableau de bord ; inquiétant, la première fois. Le bouton du démarreur se situe sur le dessus du commodo droite. L’endroit n’est pas si bien choisi ; le bouton ne tombe pas naturellement sous le pouce. Il faut le chercher !
Une simple impulsion plus tard et le twin s’ébroue dans un feulement étouffé. Les vibrations du ralenti, même à froid, ont été maîtrisées. Heureusement, car ma douce moitié, bien qu’encore jeune, souhaite un confort certain lors des trajets en moto. Les vibrations émises ne sont certes pas dignes d’un six ou d’un quatre cylindres, mais pour un twin, nous nous en satisferons !
Je débraie et passe le premier rapport… le verrouillage me gratifie d’une rassurant clong.
L’embrayage est assisté hydrauliquement pour plus de confort et de précision, c’est tant mieux car les premiers démarrages ne se sont pas effectués sans peine. Se gêner de donner suffisamment de gaz serait une erreur, car, au-dessous de 2’000trs/min, le moteur manque de couple pour se contenter de lâcher l’embrayage sur un filet de gaz.
Une fois la moto lancée, même en duo, le moteur permet d’enrouler sur le couple tout en douceur ; c’est n’est pas mon sac de sable qui s’en plaindra ! A peine le premier rapport sollicité que je me presse de passer le deuxième, puis le troisième… et, au-delà de 60km/h, la mécanique permet de cruiser sur le sixième rapport, sans cogner tel un vrai bicylindre. L’injection a été parfaitement configurée pour la balade et les longues virées où le calme et la douceur sont de mise.
En parlant de confort et d’efficacité, le freinage n’a pas été négligé. La tendance est aux freins combinés chez la plupart des constructeurs. Une efficacité accrue est au rendez-vous sans parler de l’aspect sécuritaire ; en effet, la répartition s’applique de manière plus homogène et la moto réagit plus sainement lors d’un freinage brusque. De plus, ce système de freins combinés permet à la moto de décélérer à plat, en restant à l’horizontale ; les poignets de votre passager s’agrippant au réservoir vous remercieront !
En utilisation sportive, l’ensemble disques de freins, plaquettes et pistons répond présent ! Manquant de feeling en début de course, le freinage se montre puissant et très dosable en appui. Il se montre peu progressif, c’est tout ou rien ! Un bon point pour l’arsouille… mais, pour ce qui est de la balade, je ne suis pas convaincu de ce paramétrage.
L’échappement, bien que visuellement intéressant, ne laisse pas un souvenir sonore des plus agréables. Le bicylindre paraît étouffé. Dans la première partie du compte-tours, pour la balade, il offre un bon compromis entre confort et plaisirs auditifs… au-delà, pour l’arsouille, nous pourrions nous attendre à plus de présence. Il faudra puiser dans les accessoires aftermarket pour remédier à ce manque de coffre…
Quid du bouton sur lequel est inscrit ESA ! Rapidement, mon attention s’est portée sur ce bouton situé dans le rayon d’action de mon pouce gauche. Chaque impulsion agit sur les suspensions arrière et avant. Sur l’écran LCD s’afficheront les différents modes disponibles : Normal, Confort et Sport. Notons au passage que le système a l’avantage de ne pas se remettre dans un mode par défaut à chaque démarrage de la moto.
En duo ou seul, le mode Normal s’est avéré le plus plaisant et le plus en adéquation avec la vocation initiale de la moto, la balade et le cruising. Sur la plupart des routes, il a su montrer fermeté pour un niveau de précision suffisant et souplesse pour soulager vertèbres et poignets des occupants. En duo, lorsque le rythme s’accélère dans de longues courbes (en appui), la suspension arrière n’a pas suivi. Elle pompait et perturbait ainsi la stabilité de la moto.
C’est tout naturellement que le mode Sport s’est imposé. En duo et/ou chargé, si l’on souhaite avaler les kilomètres à un rythme soutenu en omettant la notion de confort, le mode Sport a rempli sa mission avec brio ! Par contre, il est à éviter sur de longs trajets. En effet, la suspension est sèche et ne laisse pas vraiment place au confort… heureusement que la selle est moelleuse !
Le mode Confort a été exclusivement utilisé à vitesse très modérée (traversées de localité et petites routes accidentées). Le phénomène de pompage évoqué ci-dessus est encore plus présent (en duo, je n’en parle même pas !).
Seul, j’ai usé du mode Normal. Mes septante kilos ont apprécié le compromis entre fermeté et confort. Pour la balade, il est idéal ! Par contre, lorsque les nerfs prennent avantage, la moto semble se désarçonner dès qu’il s’agit de prendre un virage à grande vitesse. J’ai observé des flottements dans la direction et ballottements dans le train arrière. Surprenant… dangereux, même !
Ainsi, c’est tout naturellement que j’ai sélectionné le mode Sport. Pensant résoudre les problèmes évoqués, j’avoue m’être à nouveau trompé. Le mode Sport n’aurait été efficace que sur circuit ou sur des routes parfaitement lisses. Malheureusement, les routes helvètes ne sont pas exempt de nids de poules et de dégradations diverses. La moto sautillait de bosse en bosse.
Je dois tristement dire que ce roadster n’est pas fait pour les divertissements neurologiques et autres sortes d’arsouilles. On me dira sans doute que ce n’est pas sa vocation, certes ! Mais avec un tel bouilleur, j’osais espérer de plus belles performances dynamiques et vivre de plus grandes sensations… un peu déçu !
Parlons un peu de mécanique ! Equipée de la toute dernière mouture du twin boxer, la bavaroise est onctueuse à la conduite. Un moteur qui répond sans à-coup avec force et longévité à tous les régimes exploitables. Le comportement-moteur est relativement linéaire, ce qui gomme un peu les sensations… mais ne vous fiez pas à vos sensations, les performances sont bien présentes ! Seul ou en duo, le twin gratifie de tout son couple à tous les régimes et respire parfaitement, même haut dans les tours. Du côté des vibrations, comme tout bicylindre, il n’aime guère flirter avec le ralenti… jusqu’à 2’000tr/min, ça secoue, mais sans exagération.
La boîte de vitesses couplée à la transmission par cardan est d’une douceur exemplaire. Le passage d’un rapport à l’autre est imperfectible et ne génère aucune gêne à mon sac de sable. Bien que la course du levier soit un peu trop longue à mon goût, les rapports se verrouillent avec précision, sans accroc, ni secousse.
Dans l’appellation du modèle, le R qui suit la cylindrée indique que nous affaire à un roadster. Sans carénage et une position typique de la catégorie, la moto porte effectivement bien son nom. En mouvement, elle a l’agilité d’un roadster. La position du twin améliore encore sa maniabilité (centre de gravité très bas). Il est agréable de se balancer d’un virage à l’autre. Malgré un gabarit conséquent, son poids ne se fait pas sentir. Du Centovalli, elle se rappelle, mon sac de sable également… !
Le style rétro, l’onctuosité du fameux twin boxer, la douceur de conduite et le confort distillé par la suspension et le système ESA classent cette R1200R dans la catégorie Roadster-Touring. Elle est capable de vous déplacer sur de longs trajets sans que votre dos, vos poignets et/ou votre séant ne souffrent. Votre passager ne sera pas laissé de côté, lui aussi bénéficie d’un confort digne des modèles Touring de la marque.
Sortez votre blouson oldschool, il est temps de se la jouer classique dans un univers voluptueux !