En découvrant le modèle d’essai, fraîchement sorti du camion de l’importateur, devant la concession 100% 2 Roues, je contiens difficilement mon enthousiasme. Dans ce très réussi coloris noir à jantes or, la ZX-10R a la classe! Doté d’un gabarit valorisant, sans faire « grosse sportive », le missile de chez Kawa en impose rien qu’à l’arrêt. Les yeux sont accaparés par de jolis détails, tels les disques de frein « pétales », l’échappement Akrapovic (en option) ou l’amortisseur de direction Öhlins.
Les lignes tendues des carénages sont atténuées par ce coloris noir, conférant une allure plus fluide à la moto. On aurait bien sûr préféré un peu de vert, mais force est de constater que le noir lui va très bien. Les clignotants avant, montés sur les tiges des rétroviseurs, déroutent un peu mais confèrent une finesse bienvenue à la tête de fourche.
D’une pression sur le démarreur, le quatre-cylindres s’ébroue et ronronne discrètement. L’échappement Akrapovic est certes esthétique mais, dans cette version homologuée, ne déchaîne pas les passions. Laissant chauffer le moteur, je me penche sur le tableau de bord de la bête pour un rapide examen. Compact, le bloc compteurs est extrêmement bien conçu. L’écran digital qui « s’insère » dans le compte-tours affiche la vitesse, le rapport engagé, un total kilométrique, un trip partiel et… un chronomètre embarqué! Cela sent l’outil pour enfants pas sages… Revenons-en au bloc compteur et plus spécifiquement au compte-tours. Il restera (et de loin) le plus lisible que j’aurai eu sous les yeux. En cadeau bonus, il dispose d’une « green zone », les graduations de 6’000 à 12’500 tours/minute étant teintées de vert. Quand on sait que la puissance maxi est atteinte à ce dernier régime, il est facile de supposer que la Kawa donnera le meilleur d’elle-même dans cette partie du compte-tours. On y reviendra…
Rejoignant tranquillement le trafic, je constate dès les premiers tours de roue que la ZX-10R n’est pas une sportive à pattes de velours. La position n’est pas aussi contraignante que sur une MV Agusta, le moteur n’est pas aussi caractériel que celui d’une Ducati, mais on est bien loin du côté presque « scooter » d’une GSX-R… La faute à une partie-cycle rigide et à un appui assez prononcé sur les demi-guidons. Vivable au quotidien, la Kawasaki ne renie clairement pas ses gènes de pistarde. Une fois sur des axes plus ouverts, on devient beaucoup plus serein en emmenant plus naturellement la moto, qui se laisse volontiers conduire.
Mais les joies de la moto, c’est piloter, avaler des courbes et en redemander une fois arrêté! Sur la Kawa plus que sur les autres japonaises, on doit justement s’investir pour la faire aller où on le souhaite. Contrairement à une CBR 1000, d’une facilité déconcertante, la « verte » se mérite, rechigne à plonger sur l’angle sans y être franchement invitée. Elle se rapproche sur ce point des R1, qui demandent un certain engagement pour passer d’un angle à l’autre. Sans l’habitude des sportives et un petit bagage technique au niveau du pilotage, plus d’un motard pourra perdre son latin au guidon de la Kawa.
Pour les habitués de sensations sportives, là, c’est autre chose! L’engin sollicite sans cesse notre attention et refile des fourmillements dans la main droite! Elle promet vraiment de belles choses, cette Kawasaki. Un aller-retour pour déjeuner dans le Jura français allait me permettre de juger du potentiel sportif de la machine.
Après quelques kilomètres d’autoroute, exercice dont la Kawa se tire honorablement grâce à sa protection efficace, les petites routes me tendaient les bras! Ayant bien sûr oublié mon roadbook à la maison, j’ai fini par me perdre peu après mon passage en France. Le temps de retrouver ma route, j’avais accumulé du retard, une excuse en or pour forcer l’allure! Durant cette quarantaine de kilomètres, la « green zone » a pris possession de la ZX-10R… Passés les 6’000 tours, le bloc Kawa commence à souffler fort. A 8’000 tours, la poussée tout simplement grandiose tire le paysage en arrière et s’accentue encore jusqu’à atteindre son apogée à 12’500 tours, dans un hurlement jubilatoire!
C’est évidemment à ce moment que le premier virage m’a sauté à la figure! Au moment de prendre les freins, le doute m’a effleuré… puis m’a dépassé alors que les étriers monobloc mordaient les disques et que la ZX-10R, plongeant très légèrement vers l’avant, se retrouvait à une vitesse frisant le ridicule. Pour une mise en bouche! Saluons ici le grip très sécurisant des Dunlop Qualifier, irréprochables tout au long de l’essai. Ils avaient pourtant fort à faire pour supporter les accélérations démentielles et le freinage zéro faute de la machine.
Au fil des kilomètres, la Kawasaki s’est avérée un véritable outil pour rouler fort. Sa partie-cycle très rigide garantit une stabilité sans faille, sauf sur les bosses, qui vous secoueront dans tous les sens. Son moteur, une fois au-dessus des 8’000 tours/minute, vous catapulte jusqu’au prochain virage. La combinaison de ce moteur et du châssis est magique, la ZX-10R suivant littéralement le regard et avalant les courbes à toute vitesse avec une aisance presque agaçante. Car une fois son mode d’emploi assimilé, il devient impossible de prendre la Kawa en défaut sur route, en gardant une belle marge de sécurité. Le tout à des vitesses insensées! Finalement, j’arrivai avec cinq minutes d’avance sur mon rendez-vous. Le temps de couver amoureusement du regard la Kawa, machine à exploits, qui avait bravement rempli sa mission.
Elle est simple et redondante: quel est l’intérêt d’une sportive sur route? En prenant pour exemple cette ZX-10R 2010, l’intérêt premier réside dans le pilotage et la sécurité active qu’il procure. Il faut s’appliquer, avoir des gestes fluides et se concentrer sur la route devant soi. Le revers de cette médaille, c’est la vitesse, qui augmente très (voire trop) facilement. En restant lucide et en sachant réfréner ses ardeurs, on profite en toute quiétude d’une moto exceptionnelle, qui remontera même le temps pour vous! En attendant 2011…