
En regardant cette R1 2010, la volonté de Yamaha de changer de cap devient évidente. Rompant en 2009 avec la ligne des deux millésimes précédents (2004 et 2007), le dessin de cette dernière mouture s’est fait plus incisif. Plus étrange, aussi, moins homogène que sur les R1 précédentes. L’arrière, c’est à la mode, est ultra court et étroit. Il est malheureusement alourdi par les volumineux silencieux d’échappement et l’abject support de plaque, posé sur une tige comme un cheveu sur la soupe.
L’avant, lui, est agressif et fait un peu penser à une tête de requin. Les deux phares donnent un véritable regard à la Yamaha, qu’on se surprend à regarder dans les yeux. Dans ce coloris bleu et blanc, avec ses jantes dorées, elle paraît tout juste échappée d’un circuit, déguisée avec un support de plaque, des clignotants et des rétroviseurs. Le niveau de finition est élevé, comme souvent chez Yamaha, et on aime regarder la R1.
D’une pression sur le démarreur, la Yam’ s’ébroue et un claquement sec sort des deux échappements. Elle sonne presque un twin et pourtant, la R1 est bien équipée d’un quatre cylindres en ligne.Le nouveau calage, appelé Crossplane sur la R1, arrive tout droit du MotoGP. L’atout de ce calage? Plus de progressivité, plus de force à mi-régimes, pour une efficacité accrue. Pour compléter le tout, trois cartographies d’injection sont proposés. Le mode B, qui transforme la R1 en doux agneau, vous servira sous la pluie, et encore… Le mode standard limite un peu la puissance, pour plus de facilité. Enfin, le mode A délivre toute la puissance à bas et mi-régimes, histoire de vous secouer un peu.
Pour commencer, départ en mode standard. Dès les premiers tours de roues, la Yamaha étonne par sa douceur et tracte gentiment sans trop forcer. En passant les mi-régimes, ça y est, la R1 fait le bruit de la MotoGP! Même atténuée par les échappements d’origine, la sonorité séduit l’habitué des quatre cylindres classiques.
Le moteur tracte donc efficacement dès les mi-régimes, sans se montrer violent. Ça pousse, mais de manière contrôlée, sans brusquer le pilote. Une douceur bienvenue sur la route, qui rend la moto très exploitable en toutes circonstances. Mais le motard a besoin de sensations fortes et ne résistera sans doute pas longtemps à l’appel du mode A… Deux pressions sur le bouton adéquat et vous voilà prêt à découvrir le côté bestial de la R1. Bon, autant vous le dire tout de suite, le gain n’est pas vraiment perceptible sur route, où l’on est rarement gaz à fond sur chaque rapport. Oui, la R1 pousse plus fort dès les bas régimes. Oui, le regain de puissance vers la moitié du compte-tours est appréciable. Mais ce n’est pas le déferlement non plus! L’idée de « force tranquille » convient bien à ce moteur. Il ne hurle pas comme un quatre cylindres normal (au calage appelé… screamer, hurleur en anglais) et donne l’impression de ne pas tout donner.
Ce n’est pas le cas, il faut seulement le comprendre. Se voulant exploitable, il préfère déployer progressivement sa force plutôt que de tout donner dans les 3’000 derniers tours/minute. Un souci d’efficacité qui gomme le côté bestial de la moto. Mais qui a dit qu’une sportive devait être violente pour bien fonctionner? La R1 se montre très efficace dans de nombreuses circonstances.
Sur une belle route viroleuse, par exemple! Le terrain idéal pour apprécier le châssis et le freinage. Ce dernier se montre très efficace mais dispose d’un feeling un peu en retrait par rapport aux précédentes générations, dotées d’un système très réactif. Le mordant est bien là mais tarde presque à se montrer à l’attaque du levier. Face à la concurrence, Honda CBR1000 en tête, cela devient un petit handicap. Le freinage de la R1 est bon, mais n’atteint pas des sommets. Tant pis, le châssis est là pour rattraper tout ça! Dès les premières courbes, on retrouve les sensations typiques des R1. Un peu physique à emmener, sans être lourde, et diablement stable. On se jette sans appréhension dans les courbes, en profitant d’un train avant sereinement rivé au sol et au feeling extraordinaire. Sauf imprévu, rien ne perturbe vraiment une R1 sur l’angle… Le virage se resserre? On penche un peu plus et ça passe facile. Une voiture prend son virage un peu large? On redresse facilement pour laisser passer l’imprudent et on couche à nouveau la moto, sans dérobade.
A la sortie du virage, l’aiguille du compte-tours s’envole et vous replonge dans l’ambiance MotoGP.
Le moteur Crossplane prend tout son sens dans ce châssis, avec un résultat très homogène et efficace. Au niveau du confort, la position radicale finira par faire souffrir vos poignets et votre dos. Les jambes assez repliées finiront par montrer des signes de fatigues si vous ne bougez pas de temps en temps. Une efficacité qui se fait sentir partout, même en ville! Bon, en appui sur les poignets, ce n’est pas l’expérience la plus agréable à vivre sur une R1, mais elle s’en sort plutôt bien. On s’extrait facilement du trafic et le châssis travaille aussi bien à 30 km/h dans les giratoires que lors d’une arsouille sur une route de montagne. La R1 sait (presque) tout faire et est imperturbable!
La R1, comme toutes les sportives, est un peu à l’étroit hors des circuits. Sur la route, on profite pourtant d’un moteur au fonctionnement et à la sonorité atypiques. La R1 ne joue pas la carte de la puissance pure et prend le monde des sportives à contre-pied. Yamaha a fait d’une technologie de course un outil idéal pour la route, en dotant sa bête de puissance d’un caractère docile. C’est la grande force de cette moto: on exploite bien plus son moteur qu’un quatre cylindres classique, qui marche très fort dans les tours mais dispose souvent d’un caractère on/off. La R1 est différente, mais conserve toujours cette aura particulière qui fait qu’on la pilote avec respect.