Lorsque j'arrive chez mon concessionnaire, la Thunderbird 1700 de l'importateur était garée parmi de nombreuses autres motos. Ma première impression a été : "Elle a de la gueule, j'aime bien !" Je fais quelques pas dans sa direction... Plus je me rapproche et découvre ses détails raffinés, sa peinture bicolore en dégradé, ses chromes rutilants, ses jantes polies, son épaisse et large selle de cuir, plus j'apprécie. Toujours hanté par mes préjugés, ce n'était que le look qui me plaisait... j'appréhendais encore l'idée de la chevaucher et rouler.
Après avoir reçu les diverses informations techniques au sujet du véhicule, j'enfourche la large selle moelleuse, enfile la clé dans le Neiman situé sur le flanc droit du véhicule, à la hauteur de ma cuisse. Pas très pratique si la moto est en pente, il faut actionner le frein arrière, écarter la cuisse ou passer sous la cuisse pour couper le contact. Mais bon, c'est la tradition Custom qui veut cela... soit !
Le réservoir est d'une largeur impressionnante. Il est affublé d'un grand tachymètre, d'un compte-tours presque décoratif (de part sa taille) et d'un écran qui regroupe les informations essentielles à la balade (deux trips journaliers, un compteur kilométrique total, l'autonomie et l'indispensable horloge). Chacun des menus se sélectionne avec le pouce droit sur un bouton idéalement placé.
Les poignées sont d'un diamètre remarquablement grand. Cela surprend, mais l'on s'y habitue rapidement. Les leviers de frein avant et d'embrayage s'actionnent avec des paluches plutôt qu'avec des mimines de Rat d'opéra. Ce n'est donc pas une moto destinée à la gente féminine !
Descendant de ma Sprint ST, la position des bras/mains m'a surprise. Ce n'est rien par rapport à celle des pieds. Loin devant seront mes pieds et écartées seront mes jambes ; inhabituel mais pas désagréable.
Triumph et le moelleux de ses selles : est-ce un pléonasme ? Toutes les Triumph essayées jusqu'à présent ont gratifié mon séant d'un moelleux inégalé.
La béquille latérale chromée est mal placée. Très en avant, il faut se déhancher et tendre le bout de son pied pour la ramener à la moto. Je suis pourtant d'une longueur dans la moyenne.
Contact ! La pompe à essence ne se fait pas discrète ; la moto s'éveille. Puis, sous la pression de mon pouce droit, le moteur s'ébroue. Le bicylindre ronronne au ralenti en-dessous de 1'000 tr/min. A la moindre sollicitation de la poignée de gaz, le moteur monte dans les tours dans un bruit à la fois métallique, à la fois rauque. Les acousticiens chez Triumph se sont appliqués sur le rendu de ces deux échappements. Relevons au passage que chaque cylindre a son échappement. Dans la liste des accessoires de la Thunderbird, on trouvera des échappements courts ; malheureusement pas homologués en Suisse. Ceci dit, les échappements d'origine jouent leur rôle sans ménager nos tympans, ils m'ont suffi.
Les manoeuvres à basse vitesse ne sont pas des plus aisées. La Thunderbird ne prétend pas à sa présence dans la cour des vélos motorisés. Sa largeur (800 mm), son poids (339 kg) et son rayon de braquage contenu ne contribuent pas à son agilité dans les manoeuvres. Finalement, ce n'est pas sa vocation, c'est un Custom conçu pour tailler la route sur de longues distances !
L'embrayage a un point de friction facilement perfectible. Le couple moteur présent dès les plus bas régimes, il est un jeu d'enfant que de procéder à des démarrages musclés (ou en côte).
En accélération pure, l'arrivée du couple-moteur sur les premiers rapports est phénoménale ; précisons, 159 Nm dès 2'750 tr/min. Le châssis ne bronche pas ; le moteur tracte sans s'essouffler. Si quelqu'un devait s'essouffler, ce sont bien mes bras et moi. Yeuh, les accélérations sont musclées... sans parler de la force du vent exercée sur mon torse qui est insoutenable au-delà de 140 km/h. Le pneu arrière, un Metzeler Marathon ME880 de 200 mm de largeur, assure parfaitement sa mission. La Thunderbird est comparable aux Muscle Cars américains.
Le couple boîte de vitesses - embrayage se marie à l'excellence. Les rapports se passent et se verrouillent précisément et tout en douceur. La sélection des rapports se fait du bout du pieds, sans effort.
Lorsque des courbes se dessinent à l'horizon, le freinage est au rendez-vous. Les freins avant d'origine Nissin et le frein arrière Brembo sont puissants et endurants. Avec mon poids et quelques litres d'essence, l'ensemble pèse allègrement plus de 400 kg. Etonnamment, le poids ne se fait pas ressentir lors de gros freinages. Je dirais même que le poids est un avantage ; la moto est scotchée au sol. Le frein arrière est plus qu'un simple ralentisseur.
En virage, la Thunderbird montre rapidement ses limites. Malheureusement, la largeur d'une extrémité à l'autre des cales-pieds étant conséquente et la garde au sol n'étant pas élevée, la moto frotte sans trop prendre de l'angle. En roulant normalement, cela ne posera pas problème ; jeune fou que je suis, même avec un Custom, l'envie d'attaquer me démange. Le châssis se montre docile, les freins puissants, le moteur coupleux, tous les ingrédients sont au rendez-vous ; seuls les cales-pieds rappellent à l'ordre trop tôt, à mon goût. En ayant l'habitude, je me suis pris au jeu en prenant généreusement de l'angle à chaque virage ; de nuit, les étincelles sont au rendez-vous ! Enjoy it !
En mode balade, autant le couple-moteur est important à bas régime, autant le frein-moteur remplace le rôle des freins. C'est dans cette mission que la Thunderbird brille ! Une selle confortable, une position agréable, une prise au vent tolérable en respectant les limitations de vitesse autorisées, un couple-moteur disponible très tôt, un excellent châssis d'une rigidité exemplaire, un frein arrière efficace, des échappements qui ne se laissent pas oublier lors des relances musclées... que demander de plus pour une balade réussie ?
Sur autoroute, bien que ce ne soit pas la tasse de thé de la plupart des motards, la Thunderbird est à son aise également. Le sixième rapport permet de soulager le moteur et la consommation et de profiter pleinement du couple du bicylindre. L'autoroute ne connaîtra que le sixième rapport ; les performances sont bien présentes, pas besoin de rétrograder pour se faufiler vivement ou devancer brièvement une colonne de véhicules. Comme relevé plus haut, dépasser notre emblématique 120 km/h sur une autoroute nécessite une paire de biceps entraînés. Il n'y a aucune protection. Jambes et bras écartés, le torse bien droit, la prise au vent est optimale ! Au catalogue des options Triumph, on trouvera un déflecteur pour la modique somme de CHF 595.-.
En ville, malgré son poids important, la Thunderbird 1700 est agile et saine. Elle ne tombe pas dans les virages et ne vous déséquilibre pas. Son seul problème est son encombrement ; elle est large de 800 mm et longue de 2'340 mm. Il n'est pas toujours aisé de se glisser entre deux véhicules.
L'injection du moteur est parfaitement réglée. Le bicylindre est d'une souplesse exemplaire dès le ralenti. Les à-coups et divers claquements ne font pas partie du lexique de la Thunderbird. Ce n'est pas le partenaire idéal pour traverser la ville, certes, mais elle en est tout à fait capable et sans effort.
Pour une fois, ce ne sera pas vous, nombril du monde, que l'on regardera... mais votre belle et rutilante édition spéciale Thunderbird 1700 ! En effet, elle est scrutée et contemplée dans les moindres détails. Nombreux sont les fans de sportives et roadsters qui oseront vous confier : "Quelle moto magnifique !" Cette moto, on est fier de la rouler ! Sa peinture spéciale en dégradé noir-bleu, son gros bicylindre, ses nombreuses pièces chromées, l'harmonie de ses lignes, ... elle attire tant les regards néophytes que les regards avertis et critiques.
La Thunderbird 1700 m'a réconcilié avec cette idée préconçue que je m'étais faite des Customs. Elle n'a des Customs que le look et la position de conduite ; tout le reste est unique et propre à elle. Un excellent moteur, un châssis très rigide, une partie cycle digne des grandes routières, un confort à toute épreuve et aussi, un look très soigné ; la Thunderbird 1700 est une moto très attachante.