Après les premières émotions de la veille, ce matin, c'est levé aux aurores. Mais genre 6h30, et ça, ça pique un peu. J'ai beau être matinal, j'ai mal... Mais à peine réveillé et c’est déjà la course contre la montre. Pas le temps de traîner, je saute le (petit) déjeuner et j’affronte direct le frais matinal afin de passer le col au plus vite (mâtin, ça pique) et regagner le paddock. Gaffe quand même, la chaussée est humide par endroit.
Le village est encore engourdi lorsque j’arrive au niveau des remorques, caravanes et autres barnums. Le parc coureurs se réveille doucement… Les visages sont encore engourdis, les traits parfois tirés et les esprits embrumés des agapes de la veille... Je contemple en silence ce circus lorsque, soudain, un tonnerre mécanique fend l’air. On démarre les premières motos, le vrombissement déchire la quiétude des lieux avant de se caler sur le régime de ralenti...
La première série est prête et les pilotes viennent impatiemment s'aligner en pré-grille. Et c'est parti pour un week-end ! Les coureurs viennent se positionner avec discipline et, pendant qu'ils fixent fébrilement le feu, une cale vient bloquer la roue arrière. Et ils défilent, les uns après les autres sur cette rampe de lancement...
Je me mets à l’écart et laisse Jean-Luc effectuer la toute première montée et aller chercher les pilotes de la première série. Puis j’enquille avec lui sur les deux montées suivantes pour aller chercher les pilotes. Alors là, fini la balade du touriste trop bouffi de la veille. Là, le tracé me saute littéralement à la figure. Passé la marque des 5’000trs/min, le Twin grimpe avec furie vers les dernières graduations du compteur. Le martèlement, jovial et allègre, se transforme alors en un grondement puissant, caverneux, guttural. Mon cœur s’est calé sur ce rythme effréné et bat maintenant à rompre. Je ne respire plus, je scrute les zones d'ombres, je cherche les traces humides et les points de corde. Et parfois, régulièrement, je sens l’arrière qui se tortille sous la charge. Je regarde au loin, je déhanche, je suis en apnée. Je suis bien. Mon coeur bat à deux cents à l'heure. J'ai juste le temps d'apercevoir les spectateurs. Entre deux inspirations. La poussée en avant est régulière, cadencée. Le paysage défile, de plus en plus vite, ça vibre, le Twin vocifère et crie sa joie de vivre. Je suis mort de trouille mais plus vivant que jamais.
Cerise sur le gateau: ma dernière montée se fera à bord d’une Porsche 356 Speedster. Et quelle expérience ! Ça part en travers de partout, la légèreté de la caisse procure des sensations énormes, presque celles d’un karting. J’encaisse de petits g latéraux dans tous les sens. Mon cerveau n’est pas habitué à de telles sensations. Je jubile, je flippe, tandis que le bolide trace sa route, tous crissements dehors, vers le col…
Pour les photos, la lumière de fin de journée est sublime : je me place un peu après le départ pour mitrailler. Une bonne moisson, mais pas encore satisfait avec l’arrière-plan de certaines photos. On verra bien demain. En fin de journée, je retrouve des pilotes du SMLT pour un petit apéro. Puis derechef, je remonte ce fameux col. Et de nouveau la voie royale, avec des bénévoles qui me saluent au passage.
C'était une belle journée.
L'ami Frédéric vient d’arriver. Et, avec lui, déjà quelques gouttes. Qui entament à peine l’enthousiasme des pilotes de tous âges. Qui, impatients, sont déjà en prégrille !
La lumière est difficile à travailler pour les photos. Il fait sombre, faut monter dans les ISO. Pas le choix. Pour gagner du temps je prends la navette (gratuite), qui me dépose au milieu du parcours, vers la fontaine, là où on peut voir arriver les pilotes de loin. Andreas Reber, mon collègue photographe, est déjà à l'oeuvre. Je m'installe, cherche un nouveau spot, puis mitraille, en prenant soin de donner un peu de dynamisme cette fois-ci. Le public est dense. Il apprécie le spectacle sportif et la prise de risque… Et communie avec les pilotes.
Les montées s'enchaînent, avec peu d'accidents et d'incident. Et la fin de journée arrive. Pour les pilotes du SMLT, il y a eu malgré tout peu de montées au final (quatre si je me souviens bien) mais un beau week-end de retrouvailles qui fleure bon la fin de saison. Pour les résulats, Beat Muff (#931) remporte cette manche devant Martin Mersserli (#995), Andreas Flück (#967), Cédric Meylan (#957) et Ueli Schönmann (949) - à noter les 40 pilotes inscrits mais aussi la belle 7ème place de Jean-Luc Ronchi (#908) qui a su se glisser aussi dans la peau du pilote et le temps stratosphérique posté par Bruno Kernen (1.27.881), le patron volant sur sa Yamaha R1 de 1998.
Au classement final du championnat, Olivier Audétat est le nouveau champion 2021 avec 56 points, devant Jean-Luc Ronchi (52 points) et Cédric Meylan (48 points). Bravo. Bravo aussi aux 70 participants tout au long de l'année, dont 62 classés, avec un bravo spécial à Séverine Gothuey, seule pilote féminine et qui a gagné à Marchaux.
Puis vient le temps de plier, le temps de ranger. Et il faut déjà partir, laisser derrière soi ce village. En se promettant de revenir dans une année...
Je retrouve Fred vers la ligne de départ. La lumière du soir est douce lorsque nous redescendons sur Süderen, on repasse par Berne et ses travaux omniprésents. Mais là, c'est beaucoup plus fluide. Le soir tombe sur la campagne fribourgeoise lorsque je parviens à la hauteur de Fribourg. Le Twin ronronne, le vent siffle doucement dans les oreilles, et je me sens heureux. Et nourri. De toutes ces rencontres du week-end, de tous ces moments vibrants.
Autres bons points :
C’était un superbe week-end, vraiment.
Schallenberg 2021 fait assurément partie de ces moments qui marquent une vie. Ma vie. Et je sais au fond de moi que depuis ce weekend en question, je ne suis plus vraiment le même… Revigoré, mieux : je me suis retrouvé. Auprès de ces pilotes et de leurs drôles de machines. Enchanté, époustouflé par autant de passion commune, d’adrénaline servie à la louche et d’amour partagé pour ces vieilles bécanes qui retrouvent une seconde jeunesse. Et qui sont parfois plus rutilantes que les neuves de l'époque.
Allez, je peux l'avouer maintenant: j'aime les anciennes et au Schallenberg, je viens de tomber amoureux du SMLT. C'était comme m'être plongé dans un bain de jouvence.
Mieux: un Printemps de Septembre.
Remerciements : À Max Marti et à la direction de course du Schallenberg Classic, aux pilotes, à TMS Classic Cars, à Jean-Luc Ronchi et aux concurrents du SMLT, sans oublier Andreas Reber pour la photo du Speedster.