Un peu d'histoire
Pour la petite histoire, le modèle « Tiger » est apparu pour la première fois en 1936 au catalogue de la marque anglaise. En 1973, c’est au guidon d’une Tiger 100 que l’écrivain Ted Simon s’apprête à partir pour son tour du monde de quatre ans et après lequel il publiera «Jupiter’s Travel », récit mythique qui inspirera des générations à découvrir le monde sur une bécane, votre fidèle serviteur y compris! C’est finalement en 1993 que Triumph sort son tout premier vrai trail, la Tiger 900, déjà motorisée par un trois cylindres. A l’époque par contre, on la considérait comme une grosse cylindrée !
Nouvelles dénominations : GT et Rally
Avec la Tiger 900, les anglais ont laissé tombé les déferlantes de dénominations incompréhensibles (XCt, XRx…) et sont repartis sur un modèle plus pragmatique.
La GT est la version routière équipée de jantes à bâtons et la Rally est la version tout-terrain équipée de jantes à rayons et de suspensions à grand débattement. Toutes deux sont également disponibles dans une version « Pro », incluant un paquet d’options à faire pâlir un bavarois. Jusqu’ici vous me suivez ?
Quoi de neuf sur la Tiger 900 ?
Si au premier coup d’œil, l’air de famille avec sa devancière est évident, sachez que Triumph ne s’est pas contenté de lui flanquer un nouveau phare à Leds plus étroit, de nouveaux radiateurs et de modifier quelques plastiques. Presque tout a changé sur la nouvelle tigresse par rapport à sa devancière, aussi bien ergonomiquement que techniquement. Le diable est dans les détails !
Suivant la version choisie, elle affiche entre 194 et 201 kg à sec sur la balance. Elle perd donc jusqu’à 5 kg sur sa devancière et se place au même niveau que ses concurrentes les plus légères, comme la T7 et la 790 Adventure.
La boucle arrière du cadre ainsi que les reposes pieds passagers sont désormais des composants vissés. En cas de grosse chute, cela permet d’éviter de remplacer le cadre entier. L’accès au filtre à air a été facilité pour son entretient en utilisation off-road.
Désormais, un imposant écran couleur de 7 pouces fait office de tableau de bord, offrant de nombreuses possibilités d’affichage et de connectivité. Comme sur les autres modèles de la marque, via Bluetooth, on peut gérer sa musique, contrôler sa GoPro et naviguer en utilisant Google Maps via l’application Triumph pour smartphone.
Première mondiale dans le monde de la moto, Triumph s’est associé avec la companie What.three.words, qui a développé un système de navigation inédit.
Ce nouveau concept remplace les adresses traditionnelles et les coordonnées GPS simplement par une suite de trois mots séparés par des points. Par exemple « what.three.words ». Chaque carré de trois mètres sur trois sur la planète est défini par une combinaison de trois mots. Le principe fonctionne dans de nombreuses langues. Je n’ai malheureusement pas pu le tester, ayant eu un problème de compatibilité entre l’application encore en version « beta » au moment du test et mon téléphone.
Les différences entre la version GT et la version Rally
Bien que les deux versions soient à 80% identiques sur le papier, elles diffèrent sur quelques points qui feront toute la différence une fois en selle.
La GT, à vocation routière, est équipée de jantes à bâtons de 17 et 19 pouces et suspendue par du Marzocchi entièrement réglable. Cerise sur le gâteau, sur la version GT Pro, la pré-charge de l’amortisseur est réglable électroniquement via l’écran LCD en choisissant un mode (avec/sans passager, avec/sans bagages) et un niveau de dureté entre confort et sport.
La Rally, à vocation tout-terrain comme l’évoque son nom, est équipée de jantes à rayons de 17 et 21 pouces ainsi d’un ensemble fourche et amortisseur Showa offrant 240 mm de course à l’avant et 230 mm à l’arrière, contre 180 mm et 170 mm sur la GT.
La selle, réglable en deux positions culmine à 850 mm (870 mm en position haute) sur la Rally contre 810 mm (830 mm en position haute) sur la GT.
Excellente nouvelle pour les petits gabarits, il existe une version rabaissée de la GT avec une hauteur très abordable de 760 mm.
Les coloris entre les deux versions sont également différents. Seule la Rally est disponible en kaki avec le cadre blanc et les écopes de réservoir en alu brossé. Pour la GT, des coloris plus classique ont été choisis (rouge, blanc ou noir).
Le nouveau moulin T-Plane de 888 cm3
Pièce maîtresse de l’anglaise, le 888 cm3 de la firme de Hinckley est entièrement nouveau, conforme aux normes Euro 5 et bridable pour le permis A2. Il gagne 89 cm3 sur sa devancière tout en perdant 2.5 kg. Un redimensionnement du carter a permis de l’abaisser de 42 mm dans le cadre, de l’incliner plus en avant tout en augmentant la garde au sol de la moto.
La grande nouveauté de ce moteur « T-Plane » est à trouver au niveau de la séquence d’allumage des cylindres. On délaisse l’ordre d’allumage régulier des cylindres 1, 2 et 3 pour un allumage des cylindres 1, 3 et 2 avec une irrégularité dans les temps d’allumages.
De la sorte, les techniciens de Triumph ont réussi à obtenir un caractère et un son proche d’un V-twin à bas régime tout en gagnant une louche de couple (+10%) et de puissance (+12%) supplémentaire sur toute la plage d’utilisation. Sa puissance max de 95 CV est identique au modèle précédent tandis que son couple max passe de 79 à 87 Nm.
Les anglais ont eu la bonne idée d’amener avec eux le modèle précédent afin de nous faire la démonstration sonore en live devant l’hôtel entre l’ancien et le nouveau moteur à la fin de la présentation de presse. Le sifflement caractéristique du trois cylindres 800 laisse place sur la 900 à un son plus rauque et rugueux, qui rappelle effectivement celui d’un V2 à bas régimes. Quand il prend des tours il est beaucoup plus rageur que l’ancien.
Les options des versions Pro
D’origine, les versions GT à 13'900 CHF et Rally à 14'800 CHF sont déjà généreusement équipées avec poignées chauffantes, protèges poignées, Cruise control, Cornering ABS et compartiment pour charger son smartphone sous la selle.
Les versions GT Pro à 15'900 CHF et Rally Pro à 16'400 CHF offrent en plus une selle chauffante conducteur et passager, un affichage de la pression des pneus, une béquille centrale, des phare à brouillard et l’application « My Triumph Connectivity » qui permet de profiter de toutes les fonctions (musique, GoPro, navigation) de l’écran LCD. La GT Pro est équipée d’un réglage électronique de la pré-charge de l’amortisseur arrière tandis que la Rally Pro est hérite d’un sabot moteur en alu et de protections de carter.
Une gamme de 60 accessoires supplémentaires est également disponible pour personnaliser votre monture, l’équiper de bagagerie ou encore améliorer son confort.
Test routier : GT Pro vs Rally Pro
En ce début d’année, alors qu’il neige chez nous, Triumph a eu la bienveillante idée de nous inviter pour trois jours au Maroc, pays qui en plus de jouir d’une météo idéale pour la pratique de la moto, possède tous les types de terrain dont un motard peut rêver.
Au programme de la première journée, 300 km pour le test routier entre Marrakech et Essaouira. On me confie la GT Pro, équipée de tout le paquet d’options pour commencer. Ça tombe bien, parce qu’à neuf heures il fait encore un peu frisquet, et du coup je profite du confort des poignées et de la selle chauffante. L’accessibilité aux différentes modes de conduites et options (poignées chauffantes, selle chauffante, Cruise Control, etc) via le comodo gauche est vraiment bien foutu. L’écran LCD est paramétrable à souhait et permet d’afficher toute les informations possibles et imaginables, sauf étrangement le kilométrage total, qui ne s’affiche que brièvement quand on met ou quand on coupe le contact.
Je suis venu avec des aprioris sur ce trois cylindres, ayant un souvenir qu’il manquait cruellement de caractère à mon goût sur la première version de la 800 que j’ai eu l'occasion de rouler il y a cinq ou six ans. Il ne me faudra que quelques kilomètres pour revoir mon jugement. Effectivement, sa sonorité est beaucoup plus valorisante. A bas régime on a clairement l’impression d’entendre un V2 et quand on met la sauce, il devient rageur.
Au delà de ces critères plutôt subjectifs, ce moteur est une vrai réussite d’un point de vue technique. Il est coupleux dès les bas régimes et du fait de sa souplesse, il accepte de descendre en-dessous de 2'000 tr/min sans broncher. En 6ème, je peux cruiser à 60 km/h sur un filet de gaz sans qu’il ne génère d’à-coups. Par rapport à d’autres moto de la même catégorie, avec la Tiger je roule systématiquement un voir deux rapport au-dessus.
En situation normale, il n’y a que peu d’intérêt à dépasser les 6'000 tr/min, tant le moteur offre de couple à bas régime, mais j’ai été contraint de le faire pour tenter de suivre notre guide, un pilote aguerri du Tourist Trophy, qui avait semble-t-il compris que les limitations de vitesse ne s’applique qu’au deux derniers chiffres du compteur…
Quand on commence à taper dans les 7'000 tr/min, le trois-pattes se métamorphose en laissant échapper un rugissement viril accompagné d’une louche de « bonnes » vibrations dans la selle et les poignées. On a l’impression d’avoir soudain le caractère d’un roadster sportif. Sa puissance de 95 CV ne risque pas de vous ruiner le caleçon à chaque ouverture de gaz, mais il y a largement déjà de quoi se faire sacrément plaisir ou peur suivant votre niveau! Pour une moto destinée à faire des trajets quotidiens et à voyager, c’est à mon avis largement suffisant.
La bulle, réglable en hauteur à une main en roulant est bien efficace, ce qui est rarement le cas avec mon mètre huitante-deux. A sa position la plus haute, les turbulences me passent juste au-dessus du casque, ça se joue à un ou deux centimètres près. Je pourrais régler le cruise control à 140 km/h et enquiller quelques centaines de kilomètres d’autoroute d’une traite, surtout que la selle est assez confortable. Le réservoir de 20 litres permet une autonomie d’environ 350 à 400 km.
La moto étant équipée d’un quick shifter, je n’ai quasiment pas touché la poignée d’embrayage de la journée, montant et descendant les rapports à la volée. Il fonctionne à merveille.
Après le repas de midi, on attaque des routes plus intéressantes en dehors des zones densément peuplées.
Lors du premier stop pour les sessions de photos, on enchaines une série de lacets bien serrés, avec un revêtement qui ne m’inspire pas une confiance biblique. Après deux passages, on échange les motos entres collègues. Je repars donc directement au guidon de la Rally Pro pour le même enchainement de virage.
« Woooouu, non té tcheu !!! ça va tourner ou bien quoi ? ». J’ai freiné de l’avant en pleine courbe pour rattraper mon enthousiasme un peu trop élevé niveau gaz. Merci le cornering ABS ! D’ailleurs les nouveaux freins Bremo Stylema sont d’une efficacité redoutable. Surdimensionnés par rapport à la puissance de la moto, ils restent progressifs et facile à doser. Par contre, en tout cas sur les motos de test, ils ont tendance à siffler.
Je suis épaté par la différence entre la roue avant de 19 pouces et celle de 21 pouces. En passant de la GT à la Rallye, j’ai eu l’impression qu’on m’a flanqué un sac de sable de 10 kg sur le guidon. La GT tombe toute seule dans les courbes, sans aucun effort tandis que la Rally demande d’y être emmenée. J’ai encore une centaine de kilomètres devant moi pour m’y habituer, mais je sens clairement que je suis moins à l’aise dans les virages serrés avec la Rally.
Ce qu’elle perd en agilité, par contre, elle le gagne au profit d’une stabilité supérieure, particulièrement quand la route est défoncée. Un avantage indéniable en tout-terrain. De plus, du fait de sa selle plus haute, je préfère la position de conduite de la Rally, avec les genoux moins plié.
Lors de notre retour sur Marrakech le troisième jour, je passe à nouveau sur la GT, après la journée passée avec la Rally en tout-terrain. J’ai exactement la même impression que le premier jour. La GT est beaucoup plus facile à mettre en courbe sur route. Je suis convaincu que sur route, la majorité des utilisateurs et tout particulièrement les débutants, seront plus à l’aise à son guidon qu’à celui de la Rally.
Test tout-terrain avec la Rally Pro
Triumph nous a concocté une journée entière dédiée au tout-terrain à Essaouira, histoire de nous donner l’opportunité de juger des capacités off-road de la Rally Pro.
Au départ de l’hôtel notre instructeur nous demande de mettre le mode « off-road pro », qui coupent toutes les assistances, y compris l’ABS, et départ direct pour la plage, sans préliminaires. Rouler dans le sable, surtout quand il est un peu dur, c’est un des trucs les plus cool qui soit. On peut se permettre d’ouvrir les gaz en grand pour faire déraper la moto en soulevant des gerbes de sables sans prendre trop de risques. Une fois les séances photos terminées, on part enfin avec notre guide pour un tour d’une trentaine de kilomètres sur un type de chemin typique du Maroc ; des cailloux, du sable, peu de grip et beaucoup de poussière. Les Pirelli Scorpio Desert qui l’équipe d’origine font bien le job et me semble être un bon compromis route/off-road.
Dans ce genre de conditions très glissantes, le traction control du mode « off-road » est beaucoup trop castrateur à mon goût. N’ayant pas trouvé rapidement comment le configurer individuellement, je repasse en mode « off-road pro » qui coupe toutes les assistances. Du fait de la souplesse de son moteur, la Rally est très prévisible et je roule systématiquement avec un rapport en dessus de ce que je roulerais sur une autre moto. Encore plus en tout-terrain que sur route, la souplesse et la linéarité de son moteur est énorme avantage. J’ai passé la journée en 3ème et 4ème alors que sur ce type de terrain, j’évoluerais normalement en 2ème et 3ème. Le fait de pouvoir rouler un rapport au-dessus rend la moto plus facile à contrôler et la conduite est plus coulée.
La position de conduite debout est excellente. Le réservoir n’est pas trop large au niveau des genoux, la hauteur du guidon me convient bien. Le petit sabot moteur en alu de 2 mm livré avec la version Rally Pro est ok pour une utilisation « light » sur de la bonne piste, mais ne sera pas d'une grande utilité pour toute utilisations tout-terrain sérieuse. A remplacer impérativement!
Sur ma moto de test, le quick shifter ne fonctionnait pas aussi bien que hier. Est-ce que le système est sensible à la poussière? Dans tous les cas, le levier d'embrayage ne requière que peu de force et est très facile à doser.
La bulle, très pratique sur route, est presque dangereuse, même en position basse en off-road. On peut facilement se la prendre en pleine poire ou dans le torse en cas de situations où l’on perd le contrôle. Il faudrait pouvoir la baisser d’au moins cinq centimètres supplémentaires, ou alors carrément l’enlever. Comme j’ai pu le constater avec la chute d’un journaliste norvégien juste devant moi, il serait également judicieux de remplacer les rétroviseurs d’origine pas des modèles pliables.
Les suspensions sont réglées assez souples, ce qui convenait parfaitement au rythme avec lequel nous avons roulé. Son centre de gravité qui peu sembler tout de même assez haut en la comparant à une certaine autrichienne, ne m’a pas posé de problème, même avec le réservoir de 20 litres plein à ras bord. Je pense qu’il faudrait déjà s’attaquer à des pistes beaucoup plus technique pour la mettre en difficulté.
Un mot d’ordre : PO-LY-VA-LENCE !
Nul doute qu’avec sa nouvelle Tiger 900, Triumph possède de sérieux arguments à faire valoir dans le secteur très compétitifs des trails mid-size.
Ce n'est pas la moins chère, ni la plus puissante ou la plus légère et elle n'a pas la prétention d'être la championne en tout-terrain, mais la Tiger 900 est probablement la moto qui combine au mieux toutes les caractéristiques qu'on attend d'un trail en 2020.
La Tiger sera tout aussi à l’aise pour les trajets quotidiens durant la semaine, les escapades du weekend, les vacances en duo, et si vous choisissez la Rally, les virées tout-terrain dans le désert des Bardenas. Du fait de sa facilité de prise en main, elle fera le bonheur d’un(e) débutant(e) en permis A2 aussi bien que d’un voyageur aguerri, cherchant une moto légère pour traverser l’Afrique.
La GT, grâce à sa jante avant de 19 pouces lui conférant une excellente maniabilité et sa hauteur de selle plus accessible est clairement celle qui va convenir à la majorité des motard(e)s. Je trouve dommage que Triumph ait choisi de lui donner des coloris aussi peu valorisant par rapport à la Rally, c’est vraiment le seul reproche que je peux lui faire.
Vous l’avez certainement compris, mon choix personnel se porterait sur la Rally. Cette moto me permettrait de partir en weekend avec ma copine, de participer à quelques événements tout-terrain style HAT durant l’année et de prévoir quelques semaines de voyage au fin fond des steppes ouzbeks en été. Elle serait à l’aise partout.
Bon, et je dois avouer que le look de la Rally ne me laisse pas indifférent. Son côté « Badass » avec ses pneus à tétines, son cadre blanc tape à l’œil, les jolies pièces en alu brossé autour du réservoir et du phare et la fourche dorée, ça vend du rêve.