Alors que je m’élance dans la jungle urbaine, me faufilant entre les voitures malgré la largeur imposée par les valises, j’apprivoise la Ninja. Ses 235kg à vide, augmentés par les 19 litres d’essence et la bagagerie, ne se font pas remarquer. C’est tant mieux ! La moto est bien équilibrée et les masses sont concentrées au plus bas de sorte à rapprocher le centre de gravité le plus proche possible du sol.
Sur les premiers rapports, j’évolue avec un filet de gaz. La commande des gaz électronique est d’une remarquable précision et la remise/coupure des gaz, même en sous régime, n’implique pas d’à coup qui pourrait s’avérer perturbant à basse vitesse, tant pour l’équilibre du pilote que pour le confort du passager.
Dans ce contexte, le quickshifter se montre réticent à passer les rapports, privilégiant plutôt les régimes moteur élevés. Je peux alors compter sur la commande d’embrayage assistée. Tout en douceur, les rapports passent de l’un à l’autre, et surtout sans douleur dans l’avant-bras en cas d’actions répétées.
Je rejoins rapidement l’autoroute me permettant d’atteindre au plus vite les routes de campagne. Dans cet exercice, la Kawa’ s’est distinguée comme une précieuse alliée, me réfugiant derrière la bulle relevée au maximum. Si ce n’est une pression constante depuis le haut du buste jusque sur le front, je ne souffre d’aucune turbulence et le reste du corps est parfaitement protégé par l’imposant carénage. Aussi, même à des vitesses sévèrement prohibées, les deux valises ne gênent en rien l’aérodynamique de la moto.
Une note toute particulière au moteur. Fort de 142cv à 10’000tr/min et 111Nm à 8’000tr/min, il se comporte tel un athlète. Dès les bas régimes jusqu’à la zone rouge, il pousse sans s’essouffler dans une linéarité presque exemplaire. C’est notamment sur voie rapide que je me rends compte des performances du quatre-cylindres 1’043cc, où, même sur le sixième et dernier rapport, il ne perd rien de sa fougue. Précisons que, calé à 130km/h, il ronronne à 5’500tr/min, puis prend environ 500tr/min tous les 10km/h supplémentaires. L’étagement de la boîte est ainsi relativement court, alors que certaines marques offrent un « overdrive » en guise de dernier rapport. Ce n’est pas pour autant que la consommation moyenne est péjorée, puisque même en utilisation intensive, elle ne dépasse pas les 6.5 litres pour 100 kilomètres parcourus, laissant ainsi entrevoir une autonomie de plus de 300 kilomètres.
A peine quitté l’autoroute, je me retrouve à cruiser dans les plaines andalouses. De la verdure, des oliviers et des orangers à perte de vue, seule une bande asphaltée serpente au travers le paysage et se fraie un passage. Je roule à bon rythme, profitant de l’équilibre et de la rigueur du châssis. La fourche bénéficie d’un amortissement à deux vitesses, souple sur les premiers millimètres et dur ensuite. La suspension se caractérise comme un très bon compromis entre confort et précision. Lorsque l’asphalte est dégradé, les imperfections sont bien filtrées. Et, à haute vitesse, dans les enchaînements rapides, les changements d’angle sont dynamiques, bien que je sente un léger flou dû à la mollesse de la suspension sur les premières centimètres de course. Avec l’habitude, on découvre une moto bien équilibrée et très stable. Les pneus Bridgestone Battlax S22 n’y sont sans doute pas étrangers et se marient parfaitement avec la vocation de la Ninja 1000SX, lui donnant un comportement très neutre au moment de la prise d’angle, sans pour autant sacrifier l’agilité. Quant à un système de suspension électronique, si ce n’est une augmentation du prix de la moto, il n’apporterait pas un avantage flagrant… et ne répondrait qu’à des propos marketing.
La balade se poursuit, en pleine symbiose avec la Kawa’, si vivante. L’ambiance sonore est envoûtante, sans être assourdissante. La mécanique et l’échappement se taisent pour laisser place au ronron de l’admission qui flatte l’oreille à chaque ouverture des papillons de gaz. Je me délecte à enrouler sur le couple comme j’adore cravacher ce quatre-cylindres. Alors qu’on aurait pu s’attendre à un comportement dégradé en passant à la norme Euro5, le moteur conserve tout son brio et sa disponibilité, aussi souple et coupleux que nerveux et puissant.
Bien que le quatre-cylindres délivre un frein-moteur appréciable, il est impératif, au vu des performances de la machine, que cette dernière bénéficie d’un système de freinage à la hauteur. Le fabricant Nissin assure la prestation avec un ensemble généreusement dimensionné. Le freinage est progressif, dosable et puissant. En tirant sur le levier, le mordant est modéré pour une attaque en douceur. Et s’il faut freiner fort sur l’angle, la moto ne se redresse pas et garde sa ligne. Autant on peut arriver très fort en virage, autant ce comportement offre une marge de sécurité importante en situation de détresse. Le cas échéant, la centrale inertielle veille au grain et gère la puissance de freinage de sorte à ne pas perdre l’adhérence, même plein angle.
Il en va de même au sujet du contrôle de traction, le fameux KTRC. Avec son action toujours plus fine au fil des générations, il se montre un allié aussi sûr que discret sur chaussée à adhérence précaire ou tout simplement lorsque la frénésie, la mienne, l’emporte sur la raison. Bien que nous soyons en Andalousie pour ce test routier, les températures ne dépassent pas les 10°C au matin, impliquant quelques glissades notamment en sortie de virage. Trop généreux sur la poignée de gaz, je sens la roue arrière décrochée. Puis, avant même que j’aie le temps de réagir, le KTRC a déjà pris le dessus pour favoriser la reprise d’adhérence et optimiser l’accélération.
Au guidon de cette Ninja 1000SX, par son comportement irréprochable en toute circonstance, je baigne dans un climat de confiance. Poussant parfois la moto aux limites inéluctables de la physique, je n’ai jamais été surpris pour une quelconque réaction désagréable ou inattendue.