S’en suit le pot d’échappement. Lourd, imposant, il est assez disgracieux. Des éléments longs et mats auraient certainement eu plus d’impact. Le but sur une telle moto n’est pas que le silencieux soit le plus petit possible, mais pour le coup, il est vraiment trop présent. Au-dessus, enfin, se trouve la fameuse boite-à-air. Je suis extrêmement mitigé en ce qui concerne cette proéminence. Autant cela fait partie de la moto, et contribue clairement au look façon « Hot Rod » de la bête, autant je ne comprends pas qu’il soit… en plastique ! C’est une des premières choses que l’on remarque, c’est même la signature visuelle de la moto, et l’impression dégagée par cette longue pièce en simple plastique brut est celle d’une finition au rabais, alors que son niveau global est très relevé. Peut-être y’a-t-il des impératifs techniques (résistance, torsion, chaleur ?) à la présence de matière plastique sur cette pièce, mais si le seul but était de gagner du poids, je pense que les ingénieurs américains auraient dû aller chercher ailleurs les grammes à grapiller. Avec un poids total de 303kg en ordre de marche, il me semble qu’on était plus à cela près.
303kg. L’idée d’avoir enfin une Harley sportive est définitivement pulvérisée. Mais laissons-lui une chance. On a tous connu des motos « lourdes », qui s’avèrent finalement très équilibrées. Espérons que la FXDR 114 soit de celles-ci. Je prends donc place sur la moto. De prime abord, la selle monoplace semble relativement confortable, et devrait permettre à mon séant d’encaisser les franches accélérations du big twin en toute sécurité. En tout cas, il y a de la place à bord pour un grand gabarit tel que le mien. La position de conduite est en revanche un peu déroutante. Déjà, il faut compter avec la prise d’air latérale, qui vous écartera délicatement la jambe droite à 40° d’angle environ. Sensation assez spéciale, d’autant que la position du guidon et des cale-pieds implique d’avoir les membres projetés sur l’avant, avec les mains parfaitement à l’aplomb des pieds. Ça va être difficile de mettre du gros gaz dans cette position pour le moins inhabituelle.
Une pression sur le démarreur, et là…. magie ! Moi qui souligne dans chaque essai de Harley-Davidson la timidité de l’échappement, obligeant systématiquement à passer par la case Stage 1, je suis ici ravi. La FXDR excelle dans ce registre. Non seulement le couple moteur-échappement produit un son parfaitement rauque et sourd au ralenti, mais l’aspiration due au filtre à air protubérant est simplement magique. Il crée un bruit d’admission digne d’un hotrod et donne envie d’ouvrir en grand pour en profiter généreusement. Cet équilibre est parfait et le 2-en-1, couplé à l’impressionnante prise d’air, dégage ce qu’il faut de virilité pour le pilote, sans casser les oreilles du voisinage. Le silencieux, imposant, sera peut-être remplacé pour des questions de look, mais sur ce coup, bravo aux ingénieurs de Milwaukee, qui méritent un 10/10 pour avoir su mettre en éveil l’ensemble des sens du pilote, et les sensations de conduite enfin au diapason des performances de la moto.
Car sans être sportive, la FXDR envoie du lourd. Impossible, au vu de sa fiche technique, de se douter des capacités routières de la bête. De franchement plaisante sur les petites routes, elle devient démoniaque si on tente de la brusquer. En mode balade, elle se laisse emmener assez facilement et ne demande que peu d’effort pour la balancer au fil des courbes. Tout juste faut-il s’habituer à ne pas pouvoir serrer complétement le réservoir entre ses jambes, celle de droite en restant désespérément éloignée, collée à la prise d’air. Un peu déstabilisant de prime abord, surtout lorsque qu’il s’agit de jouer des appuis sur le réservoir pour faire virvolter la moto d’un virage à l’autre. Mais une fois le mode d’emploi assimilé, et malgré la position de conduite tendue, on prend un plaisir fou à jouer avec le gros élastique présent entre nos jambes et à se faire propulser d’une épingle à l’autre. Finalement, cette moto, décrite comme un « Power cruiser, n’a jamais été aussi bien porté son nom. Ça déménage. Ce Milwaukee Eight est une franche réussite. Il m’avait déjà convaincu sur la Fat Bob, il enfonce le clou sur la FXDR. Et avec force ! Ce bloc est un concentré d’énergie pure. Dément. Jouissif. A son guidon, les sensations sont bien présentes, le moteur tracte fort dès les plus régime. La maniabilité est étonnante et seul l’inconfort de la selle peut pousser à faire des pauses régulières. L’occasion de faire le plein d’essence et de constater une consommation maitrisée de 5,5l/100 en moyenne. Soit une autonomie proche de 300km. Pas mal pour un moulin de presque 1,9l de cylindrée.
Clairement, la FXDR divise. Lorsque les premières images sont sorties, les avis étaient mitigés. Look bestial pour certains, hérésie pour d’autres. Elle casse les codes du custom et semble prendre des risques. Mais à vrai dire, on a souvent entendu les aficionados de la marque américaine hurler au scandale lorsque le constructeur osait s’aventurer un tant soit peu en dehors des sentiers battus. Déjà en 2001, lors de la sortie de la désormais mythique V-Rod, les puristes s’étaient élevés contre ce moteur à refroidissement liquide, un sacrilège, à les entendre. Et bien ils n’ont pas fini de s’énerver, vu la direction que la firme de Milwaulkee a décidé de prendre pour assurer son avenir.