Rhâââââ les gros roadsters !!! Aujourd’hui ce sont des boîtes à rêves tout autant que les sportives dans ma prime jeunesse, je vous le concède un peu lointaine. Il faut dire que les bougresses ont fait un sacré bond en avant… et dégagent autant de testostérone que les nageuse de l’équipe de natation est-allemande dans la plus grande période du régime soviétique.
Puisque nous parlons régime, attaquons celui de nos bêtes avec par ordre d’apparition la Ducati Monster 1200S qui annonce fièrement 147cv avec son twin et 209kg à sec, pendant que le quatre cylindre de la Kawasaki Z1000R revendique 142cv, pour 221kg en ordre de marche et le triple de la Triumph délivre 150 poneys anglais et 192kg. Mais celle qui met tout le monde d’accord niveau puissance, c’est la Yamaha MT-10 et ses 160cv pour 210kg.
Au passage, je ne sais pas si vous avez remarqué, mais aucune architecture moteur n’est identique… même chez les japonais ! Nous trouvons donc un twin en L, un triple en ligne, un quatre en ligne et un autre quatre en ligne mais au calage crossplane, soit identique à un V4. La recherche du caractère serait-il le Graal des constructeurs ? Les gros roadsters sont en quête d’identité et n’ont rien à envier à leurs cousines sportives à qui ils empruntent leurs poumons bodybuildés. A chacun son identité et sa façon de délivrer son venin.
Au rayon partie-cycle, il en va de même avec une Ducati qui reste fidèle à son treillis tubulaire avec un avant ultra court, presque déroutant quand on monte sur la belle italienne qui ne demande qu’à être malmenée. Décidément le tempérament latin n’est pas une légende… La Kawasaki fait elle dans le plus classique avec son cadre périmétrique en aluminium. Cependant, dans cette version « Performance » elle se pare d’éléments nobles comme la ligne Akrapovic, la suspension arrière Öhlins ou les pinces de freins Brembo. Bien que la base soit des plus classiques, ces quelques éléments claquent et amènent de la noblesse.
La Triumph est un mélange des genres avec un châssis qui ressemble à un (très gros) treillis superposé et un magnifique monobras qui met en valeur la jante arrière et les sublimes échappements Arrow de cette version RS. Pour parodier Gotlieb, les seules mots qui me viennent à l’esprit c’est rhââââââââ, lovely. Enfin, la Yam est également plus classique au niveau de sa conception mais largement moins au niveau de ses formes, qui pourraient être empruntées au monde des mangas. C’est soit on aime, soit on déteste, mais dans tous les cas elle ne laisse personne indifférent. Surtout que par rapport aux autres, ses dimensions sont assez généreuses.
Avant de tourner les clés de contact sur « On », il a y a encore un sujet à aborder : le tarif. Et là on voit que l’équipement se paie ! La Z1000R Performance est affiché à CHF 17’000.-, la Triumph RS à CHF 17’150.- et la Ducati Monster S à CHF 18’890.-. A la vue de ces chiffres, je me dis que la MT-10 et ses CHF 14’990.- est une erreur de casting… la version SP aurait été plus dans son élément, l’ensemble de la concurrence étant dotée au moins d’un amortisseur Öhlins pour justifier cette différence de tarif.
Une fois en selle, les différences de conception sautent également aux yeux. L’italienne de service ayant du mal à cacher ses gênes sportifs avec une assise ferme et une direction où on a l’impression d’avoir les mains posées directement sur l’axe de roue tant l’avant est court et réactif. Bon perso, même si c’est déroutant au début, ça ne m’a pas trop gêné. On dirait une sportive (italienne) à laquelle on a retiré toutes ses fringues, et qu’on a laissé en string… excitant non ? Et comme toute italienne c’est ferme et bien qu’un peu rétif, une fois le mode d’emploi assimilé ça s’emmène du bout des doigts si j’ose dire. Le plus compliqué est d’assimiler les multiples réglages proposés par le tableau de bord.
A bord de la Kawa, je me sens plus comme à la maison, je suis à bord des sportives que j’ai connu il y a quelques années, c’est classique et… confortable ! Les commandes tombent bien sous les mains mais ça date d’une autre décennie. A contrario, grâce à sa géométrie classique, la Z est la plus stable du lot, la moins nerveuse et du coup la moins piégeuse à rouler. Et voir mon pote Djeemee enchainer les weehling à son guidon (je n’avais pas encore fait le stage avec maître Jonathan) m’a démontré sa stabilité. Seul son tableau de bord aussi triste qu’un jour sans pain m’a quelque peu rebuté… Il délivre bien peu d’informations et est peu lisible.
En montant sur la MT-10, je suis tout autant enchanté de retrouvé le CP4, soit le moteur crossplane qui est identique à celui de ma R1 de piste. Un moteur bourré de caractère dont on pourrait croire qu’il provient de la botte italienne tant il est surprenant et… enjouant. Ensuite, le tableau se gâte, les suspensions sont très vite dépassées par la grande puissance du bloc et même les freins crient grâce en déclenchant l’ABS trop vite quand je serre le levier droit trop fort sur une portion de route un poil imparfaite. Il manque à la Yamaha des suspensions à la hauteur.
Avant de passer sur l’anglaise, je me permets une petite aparté quant à l’électronique qui équipe nos montures, hormis la Kawasaki moins « fournie » dans ce domaine. ABS, Antiwheeling, TCS, cornering ABS, SlideControl,… j’ai presque l’impression de me retrouver soit en pénitence devant un autel soit au rayon pharmacopée lourde à l’hôpital !! Ces motos ne laissent plus rien faire et pour avoir des sensations avec la roue avant qui lève ou alors pour planter des freinages dignes de ce nom il faut débrancher toutes ces assistances… Je conçois aisément que pour mettre de telles machines entre les mains d’une personne peu aguerrie, il faut des assistances, mais sans les débrancher j’ai l’impression de manger un sandwich qui a autant de goût que celui servi dans le train CFF de 7h48… Dommage, c’est sans saveur. Pour ma part, je trouve qu’on tombe trop lourdement dans les travers du « tout sécuritaire ».
Aaaah l’anglaise, à peine assis dessus et on sent toute la rigueur de la reine mère. La Triumph est « raide », ses suspensions sont fermes et on ressent tout ce qui se passe sous ses roues. Perso j’adore et ça me met immédiatement en confiance. Nul besoin de parcourir des milliers de kilomètres pour l’adopter. Dès le premier giratoire je me suis senti en terrain connu et je n’ai qu’une envie, ouvrir en grand et faire le c… (ah non ça fait deux envies).
Conclusion
Pour ma part, la MT opposée au « reste du monde » n’est pas tout à fait à sa place. Face aux Monster 1200 S et Speed Triple RS, la version SP aurait été plus à son avantage et tout à fait justifiée face à la débauche de matériaux nobles affichés sur les deux européennes. Pour moi, il s’agit d’une erreur de casting.
Il y a donc deux match, un autour des CHF 15’000.- et un autre autour des CHF 18’000.-. Pour le premier, la MT-10 est seule et remporte donc la palme.
Après, en ne jugeant que par les éléments dynamiques et non plus budgétaires, pour moi c’est l’anglaise qui remporte le trophée du gros roadster. Déjà visuellement, j’ai toujours été plus touché par la « touch of class » british que par la sportivité à l’italienne, mon côté éducation à la James Bond certainement.
En roulage, j’ai largement préféré le train avant d’un bloc de la Speed en comparaison de celui de la Ducat qui est presque trop court. Et surtout, pour finir la bande-son du triple anglais dans les flûtes Arrows est divin. La Kawa, elle, avec sa conception à l’ancienne peine à se mêler à cette lutte même si elle est fort sympathique à rouler.
Mais quel bonheur de pourvoir arsouiller au guidon de ces machines, qu’importe celle sur laquelle j’ai roulé, elles m’ont toutes filé la banane me rappelant par moment des planches du Joe Bar Team, surtout que le périple s’est terminé… au bar devant une bonne mousse avec beaucoup d’amitié et de mauvaise foi.
Vous l'aurez compris, si les sensations procurées par nos quatre machines diffèrent, le plaisir ressenti est garanti. Si l'on se rejoint objectivement entre essayeurs, chacun aura eu son coup de coeur et c'est ce qui vous fera sans doute craquer aussi pour l'une ou l'autre. On vous invite à goûter par vous-même aux saveurs de ces machines en concession, même si aucun parfum ne décevra vos papilles!