Proposer un bon pneu sur un trail routier a quelque chose de la quadrature du cercle. L’éventail de machines sur le marché va d’un extrême à l’autre et ce pour de nombreux aspects : puissance, couple, poids ou encore vitesse maximum. Très soucieux de ce dernier point, Bridgestone travaille beaucoup la stabilité à haute vitesse, quelle que soit la gamme du pneu.
Techniquement, le A41 part d’une page blanche. A l’avant, c’est maintenant une conception bi-gomme qui est employée et la répartition des dessins du pneu se concentre sur les épaules pour améliorer l’évacuation de l’eau et obtenir une carcasse acceptant plus de déformation. A l’arrière, la partie centrale est plus entaillée tout en laissant de larges pavés privilégiant la stabilité. Seules les bandes de roulement extérieures sont plus tendres, le reste du pneu est fait d’une seule gomme.
J’ai eu le loisir d’essayer ce pneu sur de nombreuses machines : 1200 GS, Africa Twin, 1290 Super Adventure, Tiger 800 et 1200. Et bien que l’utilisation supposée soit de 90% route et 10% chemin, on a d’emblée commencé par 70 km de piste dans la périphérie de Ouarzazate. Rapidement en confiance, j’arrive relativement bien à suivre le groupe et je découvre le comportement du A41 dans ces conditions. Il s’en sort parfaitement bien pour autant qu’on sélectionne sa ligne, en sortie de courbe il faut être généreux sur la poignée de gaz pour le faire se dérober. Sur ce terrain, j’ai senti la CRF1000 particulièrement agile et la 1200 GS faisait miraculeusement oublier son gabarit. Ce n’est pas un hasard si ces deux modèles ont un train d’A41 en première monte.
Pour l’essai routier, la région propose une très large variété de route, de particulièrement dégradée à un goudron neuf. Véritable parcours test, le pneu a vraiment pu être mis à l’épreuve, à l’exception du grip sur route humide, aucun orage n’a décidé de s’inviter sur notre chemin. Menant un très bon rythme, les capacités routières du nouveau Birdgestone sont bien en phase avec mes habitudes de conduite. Très stable au freinage, il ne se déforme que raisonnablement pour conserver un arrondi agréable à mettre sur l’angle. Une fois placé, la gomme avant plus tendre remonte des informations précises au pilote qui encourage des vitesses de passage en courbe plus élevée avec confiance.
Avec une moto plus légère, la direction ne flotte pas pour autant. Toutes les motos essayées mettent leur maniabilité naturelle en avant, voire la sublime. L’homogénéité du comportement à ce niveau est très satisfaisante. Au final, mon ressenti explique sans confirmer les tests internes du fabricant qui confrontent A41 et A40. La confiance inspirée au pilote est excellente, sans essayer de m’y mettre je pense être resté loin de la limite de grip sur le sec. En ligne droite, la direction ne bouge pas, même quand on décide de cravacher la KTM qui demande l’indice de vitesse W, le plus élevé.
Bridgestone promet avoir progressé dans tous les aspects fondamentaux d’un pneu sans compromis sur la longévité du A40. Disponible en 16 tailles, le A41 pourra plus largement être recommandé, d’autant plus que la double utilisation de 5 dimensions en Tube Less et Tube Type l’ouvre à une clientèle plus large (sur une jante qui demande une chambre à air, le pneu marqué TL* est homologué avec chambre à air). Notez encore que Yamaha a choisi ce pneu comme première monte sur son Niken, gage de confiance entre les deux marques pour ce pari plutôt osé.
Le Sport Touring, c’est le pneu que pratiquement toutes les motos du marché peuvent utiliser. Autant un conducteur de sportive qui ne fait que de la route que le voyageur à bord de sa routière peut se tourner vers un T31. Le défi est de taille, il faut pouvoir proposer une gamme très vaste de dimension tout en prenant en compte le poids élevé des motos de grand tourisme. Ainsi, Bridgestone met sur le marché 17 dimensions standard et 5 spécifications GT de son nouveau pneu sport tourisme. Plus qu’une simple adaptation plus rigide, c’est un modèle à part entière développé simultanément pour arriver à un ressenti quasi identique.
La carcasse est mono-gomme à l’avant comme à l’arrière, avec une couche extérieur plus tendre favorisant l’adhérence sur l’angle à l’arrière. A l’avant, la dispersion moléculaire de la silice est améliorée. Des molécules moins densément agglutinées se déforment plus facilement et épousent mieux la forme du bitume pour un meilleur grip.
Par rapport au T30Evo, les sculptures ont d’avantage migrées vers les épaules du pneu pour améliorer l’évacuation de l’eau. Ainsi, les pavés crées sont plus rigides, la partie centrale plus lisse, pour raccourcir les distances de freinage. Cependant sur tout le tour, le diagramme d’entaillement montre que le T31 est plus sculpté que son prédécesseur.
Le plateau est aussi varié que pour l’essai de la veille : Multistrada 950, VFR800, FJR1300, S1000XR, Versys 650, CB1100, Super Duke GT et GSX-S 1000 F. La Yamaha est la seule a à avoir la version GT du T31, les autres sont plus légères. Après la première partie de route, l’ingénieur Bridgestone qui nous accompagne n’est pas satisfait, les pressions calculées la veille ne se retrouvent pas et c’est en surpression qu’on a roulé jusqu’ici. Après adaptation des pressions, le test commence vraiment.
Dans des paysages dignes de l’ouest américain, notre groupe file sur de grandes lignes droites. Les larges courbes ça et là sont prises tout juste en coupant les gaz, la stabilité du pneu est saisissante et le retour d’information permanent. Quand la route se fait plus sinueuse, le grip de l’avant fait merveille pour exploiter toute la force de freinage des machines. Le nouveau composé avant fait corps avec l’asphalte et une fois en contrainte sous le poids de la machine, la carcasse se comporte sainement sans s’écraser de trop.
Par hasard, je me retrouve aux commandes du roaster Suzuki pour l’ascension d’un col, partie la plus sinueuse et dynamique de l’essai. Peu habitué à l’allonge généreuse d’un 4 cylindres, il me faut quelques virages pour me mettre dans le rythme. Passé ce temps d’adaptation, je me lâche et commence à remonter sur le groupe. En relâchant le frein à l’entrée en courbe, je sens le pneu se libérer de la contrainte et se mettre docilement sur l’angle. A la remise des gaz, il passe rapidement la puissance au sol avant de recommencer au virage suivant.
J’aime beaucoup la façon dont le T31 communique avec le conducteur. Sa maniabilité et son grip en font un excellent pneu à vocation routière. Bien qu’il ne supplante pas le T30Evo sur certains aspects, il progresse beaucoup sur le mouillé. Un technicien me confie même que par une température entre 3 et 9°, il freine de nombreux mètre plus court qu’un important concurrent, mais cela reste un test interne à la marque. S’il hérite comme promis de la durée de vie de son prédécesseur, le Battlax T31 se retrouvera sans doute sur plusieurs machines en première monte tout comme en bonne place chez les revendeurs spécialisés.