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13 heures de vol, plus de 24 heures sans fermer l’oeil, la Speedmaster se mérite et se laisse désirer. Arrivé à l’hôtel, je découvre la belle dans son plus simple appareil. Ainsi posée au milieu du hall d’entrée de l’hôtel, elle brille par ses chromes et sa ligne à la fois élégante et imposante. Valorisante par ses rondeurs, son élégance très british et son volumineux bicylindre parallèle, je suis rempli d’émotions en la découvrant, bien que je sois à moitié éveillé des suites de ce long voyage...
Que je le dise d’entrée, je ne suis pas un grand fada des motos customs. Et pourtant, je dois admettre que cette Speedmaster ne me laisse pas indifférent. Une ligne allongée, tout en étant basse, de larges roues de diamètre contenu, des chromes en veux-tu en voilà, la minutie des détails, … le tout couronné par une qualité de finition remarquable, la Speedmaster est attirante et a son charme. A priori, je n’en ferais pas l’une de mes motos, mais je monterai volontiers sur sa selle, le temps d’une course d’essai… et peut-être plus si affinités.
Avant le ride de 200 kilomètres, je rejoins la salle de briefing pour assister à la conférence de presse dirigée par les ingénieurs et autres têtes pensantes du marketing de Triumph. Un brin hautain, je consulte la fiche technique de la Speedmaster avec le pressentiment de se retrouver face à un énième cruiser, lourd comme une enclume et dénué de tout attrait. Finalement, avec surprise, je découvre une moto avec des caractéristiques pour le moins intéressantes. Tout d’abord, la Speedmaster a hérité de l’essentiel de la réputé Bobber. Il est vrai que mes collègues de la presse avaient été élogieux suite à leur essai de la Bobber.
D’une part, le bicylindre 1200cc qui l’anime est un véritable bête tracteuse. Triumph l’a fait connaître au lancement de la Bonneville T120 ainsi que de la Thruxton (R). Un moteur, deux déclinaisons : High Torque et High Power. Du plus coupleux et moins puissant au plus puissant et moins coupleux, il y en a pour tous les goûts. En l’occurrence, la Speedmaster, tout comme la T120, est motorisée par la version High Torque : un maximum de couple jusqu’à 4’500tr/min (10% de couple de plus que la T120 à régime égal). La valeur de couple maximale (106Nm) étant atteinte rapidement, il y a de quoi arracher le bitume à chaque départ arrêté.
D’autre part, elle ne fait pas l’impasse sur les technologies et se distingue comme un cruiser avant-gardiste. Précisément, la Speedmaster propose d’origine un accélérateur électronique, un contrôle de traction, deux modes de conduite (rain et road) de même qu’un régulateur de vitesse. Sans compter sur un ordinateur de bord proposant pléthore d’informations, un embrayage assisté et un éclairage full LED.
En réalité, la Speedmaster n’est autre qu’une Bobber embourgeoisée. Et, cerise sur le gâteau, les balades pourront être partagées à deux. Avec sa selle passager qui s’apparente à une véritable selle plutôt qu’un vulgaire strapontin, les balades seront alors plus que confortable. Notez au passage que la selle passager peut être ôtée rapidement au profit d’un porte-paquet ou autre accessoire d’origine Triumph.
Ensuite, les conférenciers nous expliquent à quel point il a été important, au moment de la conception de la moto, de respecter l’héritage de la marque. Fière de son histoire, la marque d’Hinckley a souhaité faire perdurer les gênes des originelles Bonneville des années 50. C’est ainsi que la Speedmaster présente une ligne intemporelle avec de nombreux clins d’oeil au passé. Avec ses jantes à 32 rayons de 16 pouces, son réservoir de 12 litres en forme de goutte d’eau, son unique phare à signature LED, ses chromes qui brillent de partout, ses échappements courts, son guidon courbé, … elle est pleine de charme.
D’avoir fait preuve d’un minimum d’ouverture d’esprit m’a fait remarquer que cette Triumph Speedmaster, outre son style attrayant, a finalement beaucoup pour elle. Tellement que c’est avec entrain que je prendrai son guidon…
Neimann sur le côté comme le veut la tradition. Un tour de clé et un coup de démarreur plus tard, le bicylindre s’ébroue dans un ronron bien présent. Sans entrer dans les excès, l’ambiance sonore est virile. Bien posé sur la très moelleuse selle, les pieds vers l’avant, le guidon en retrait, la position très confortable, d’autant plus qu’elle n’impose pas une courbure anormale du dos. De même, je ne me sens pas handicapé pour les manoeuvres à basse vitesse, tant le poids de la moto passe inaperçu, et s’il le faut, mes deux pieds peuvent être posés au sol fermement. J’apprécie la facilité de prise en main de la Speedmaster. Même constat fait par ma collègue mesurant quelque 165 centimètres.
Les premiers kilomètres de la balade nous font traverser quelques localités puis empruntent une highway longeant l’océan. Je profite de cette occasion pour confirmer le grand niveau de confort offert par la Speedmaster. A l’instar des mousses de la selle, la suspension est moelleuse, sans être mollassonne. De plus, la souplesse du bicylindre couplée à la douceur de l’embrayage contribue considérablement à une conduite en toute quiétude. Bien que l’ordinateur de bord indique le rapport engagé, je me soucie plus d’observer les paysages qui s’offrent à moi que le régime moteur et de m’inquiéter de l’éventualité de changer de rapport ; le moteur tracte sans broncher dès les plus bas régimes avec un fougue excitante.
Tant que j’évoque le moteur, parlons-en. A mon sens, lorsqu’on parle « Bonneville » au sens large du terme, ainsi incluant les Thruxton, Bobber et maintenant Speedmaster, le vif du sujet est bel et bien le bicylindre 1200cc. Aussi souple que caractériel, je l’aime. Il ne cogne pas, il est coupleux à souhait, il est linéaire tout en étant vivant, à la fois docile et hargneux, il procure un son viril qui se renforce encore dans les mi-régimes. A mon goût, Triumph a fait un sans faute. Et pour votre porte-monnaie, il a aussi l’avantage d’avoir un appétit d’oiseau (données constructeur : 4.3 litres / 100km) et de réclamer un service tous les 16’000 kilomètres.
Le temps que les bancs de brouillard matinaux se dissipent et nous atteignons les reliefs. L’air y est frais, c’est un fait, mais au moins, les routes ne cessent de se tortiller. Emmenée correctement, sans brutalité dans les changements d’angle et utilisant toute la voie de circulation lorsque les virages se dessinent, la Speedmaster est un régal. Tout en rondeur, j’enroule d’un virage à l’autre. Point de freinage de trappeur, ni de prise d’angle de malade, l’Anglaise vous donnera autant de douceur que vous lui en offrirai. Toutefois, si nécessaire, le frein avant dispose de la puissance adéquate pour ralentir efficacement la moto ; à la différence de la Bobber, la Speedmaster assure la prestation avec un ensemble de deux disques de 310mm associés chacun à un étrier Brembo à deux pistons.
Considérant que j’étais au guidon d’un cruiser tout en optant pour un rythme typé balade paisible, j’admets que j’ai pris mon pied. Pouvant compter sur la fougue du bicylindre, les sorties de virage étaient pour le moins musclées. Sur le troisième rapport, parfois sur le deuxième, gaz en grand une fois le point de corde atteint… la Speedmaster se voyait catapultée dans une ambiance sonore soutenue. Sous le casque, banane assurée !
Ainsi, bien que la Speedmaster soit pensée pour la balade façon « slow down, take it easy », elle ne lésine pas sur les sensations, d’autant plus qu’il ne faut pas rouler vite pour se faire plaisir.
Se présentant comme un cruiser sans prétentions, la charmante Anglaise cache bien son jeu. Un style ultra-classique, un moteur viril, un châssis à la hauteur, des attributs technologiques dans l’air du temps, elle a tout pour elle. Et pour les adeptes de personnalisation, Triumph propose déjà un catalogue de pas moins de 130 accessoires… sans compter tout ce qu’on trouvera en aftermarket. Autant dire qu’il y a de quoi faire !
Je ne sais pas vous, mais moi, j’ai été conquis par cette Speedmaster. Franchement, si mon garage était assez grand, je ne serais pas contre l’idée d’avoir une Speedmaster, voire plutôt une Bobber pour son look bad-boy.