Il y a des choses, dans la vie, qui ne nous rajeunissent pas. Un roadster sportif Suzuki, sur base de GSX-R 1000, tous les possesseurs de cette dernière en ont rêvé. En 2011, je racontais à mon concessionnaire que si les japonais sortaient une version roadster de ma GSX-R K6, je n'hésiterais pas à me saigner pour l'avoir. La même année, Suzuki sortait, déjà en retard, la GSR 750, qui décevait forcément nos rêves les plus fous mais connaissait un petit succès.
Quatre ans plus tard, alors que mon Gex' use du slick sur piste 8 jours par an et que beaucoup de motards pestent sur les radars, Via Sicura et l'impossibilité de rouler "comme avant" sur route, voilà que Suzuki sort la GSX-S 1000. Paf ! Bon, avec un dévoilement à Cologne, avant l'hiver, avec quelques années de retard, le soufflé a eu le temps de retomber. Et autant dire qu'on l'attendait au tournant, cette bécane. C'est donc avec gravité, respect et moult émoticônes que j'ai accepté l'ordre de mission du Chef Yann, pour un essai express sur la machine de nos compères, MM Ride, fraîchement livrée.
Sur place, on tournicote pas mal autour de la machine, plutôt classe dans son coloris noir et grenat (oui, mauve, si vous préférez). Vivien, de MM Ride, avoue lui aussi avoir beaucoup attendu et ne pas s'être emballé en découvrant la moto. Si la ligne fait son petit effet, certaines rondeurs sur les plastiques de couverture, comme les écopes de radiateur, laissent présager d'une machine un poil lourde à manier et gonflent un peu le bestiau. Le phare avant serait un peu quelconque sans les deux mandibules qui donnent à la moto un air de grosse fourmi gavée aux hormones.
Sous le phare, la fourche inversée de 43mm et les étriers radiaux Brembo donnent le ton : c'est sportif ! A l'arrière, le bras oscillant maousse rétrécit encore le bel échappement et la coque arrière, compacte. Avec 209 kilos en ordre de marche, on a affaire à un gros gabarit, tout en muscles. Les 145 chevaux promis, qui semblent certes un peu maigres face à la concurrence européenne, se ressentent quand-même dans une ligne fluide mais dynamique.
Deux pas en arrière plus tard, l'impression de machine vitaminée se confirme, rehaussée par le large guidon Renthal et quelques ajouts esthétiques du garage. Petits clignotants, support de plaque, rétros, passage de roue et pare-chaîne en carbone, quelques pièces anodisées rouge : ces petits détails renforcent l'aspect sportif de la GSX-S et c'est bien remonté que je m'installe en selle. Vivien et Alexandre me rappellent de bien tirer dans les tours, pour que le moteur respire avant la première révision des 1000 kilomètres.
A l'idée des 145 chevaux prêts à me sauter à la figure, j'affiche un petit rictus nerveux et émets un "Gnniiouiiiokay" un poil crispé en démarrant l'engin. Là, mon rictus se change en sourire carnassier alors que le son rauque de l'échappement monte à mes oreilles : ils l'ont fait ! Bordel ! C'est "mon" moteur ! L'empreinte GSX-R est palpable et c'est sans plus attendre que j'enclenche (bruyamment) la première pour aller voir ce que la nouveauté a dans le sac.
Dès les premiers kilomètres, l'impression se confirme : un comportement très facile à petite vitesse, un couple gargantuesque qui évite de jongler du sélecteur dans la circulation et cette promesse constante susurrée par le comportement global de l'engin : ce n'est que le début ! Profitant du bon confort de la selle et de la position, en léger appui sur le guidon, je me promène, via des commodos sur ledit guidon, à travers les infos du compteur digital, joli mais sans plus. Les habituels trips sont rejoints par un indicateur de consommation instantanée, moyenne, ainsi que de l'autonomie restante. A côté de la vitesse, sous le barre-graphe du compte-tours, on trouve le moniteur du traction control, réglable sur trois niveau et déconnectable. Le niveau 3 servira uniquement sous la pluie ou pour éviter les mauvaises surprises en ville. Au niveau 2, que j'ai privilégié pour la majeure partie du test, son intervention intervient sur les grosses accélérations, alors que le niveau 1 gère les gaz sur l'angle, mais plus sur le plat.
Rapidement, l'autoroute me tend les bras... dans les deux sens du terme ! La protection est évidemment nulle et le vent se charge de rallonger mes humérus avec autant d'efficacité que la puissance du 4 cylindres. Les micro-vibrations dans le guidon et les cale-pieds m'incitent elles aussi à retrouver la douce quiétude des routes cantonales. Enfin c'est ce que je croyais...