
Aprilia a convié la presse internationale sur le circuit de Misano pour démontrer les qualités de sa nouvelle superbike "street legal" maintenant appelée RSV4 RR, RSV4 RR "Race pack" et RSV4 RF.
Les différences entre ces trois déclinaisons semblent minimes sur papier mais prennent toute leur importance en piste. Les RR "Race pack" et RF se distinguent de la version de base par des jantes en alu forgé et par l'équipement de suspension, full Öhlins (fourche de 43mm de diamètre, suspension arrière et amortisseur de direction) pour les RR "Race pack" et RF contre un ensemble Sachs pour la version de base. En Suisse, CHF 2'000.- séparent la RR de la RR "Race Pack" pour atteindre les CHF 20'990.-. La RF, elle, joue la carte de l'exclusivité avec une livrée mariant le noir et les couleurs du drapeau italien et en étant produite en édition limitée à 500 exemplaires... Le prix ? CHF 22'490.- ! Et ce sera cette dernière version que nous testerons sur le technique tracé de Misano.
Pour en revenir aux moultes améliorations apportées au V4, on découvre que le bloc-moteur a perdu 1.5kg en employant le titane pour les seize soupapes et en retravaillant les quatre arbres à cames. Le vilebrequin est abaissé. Outre cela, le moteur reçoit de nombreuses modifications, notamment au niveau de l'admission avec des diamètres de soupapes plus grands et une nouvelle boîte à air ainsi que du côté de l'échappement avec des tubulures redessinées. Ces améliorations couplées à une électronique "boostée" par une armée de sondes, le V4 de 999cc développe maintenant 201cv à 13'000tr/min (rupteur à 13'500tr/min), soit seize de plus que la première génération. Les ingénieurs motoristes ont voulu plus de puissance à tous les régimes, pari gagné ! Côté couple, Aprilia annonce 115Nm, rien d'extraordinaire pour un V4 mais distribué parfaitement en tout point de la courbe. On reprochait à la RSV4 de manquer de puissance face à ses rivales, ce temps est maintenant révolu !
De la partie-cycle, on apprend que le bras oscillant a été allongé de 14mm pour augmenter la motricité, bien qu'assistée par le contrôle de traction, et diminuer la tendance naturelle au wheeling. De plus, la RSV4 offre la possibilité de régler les éléments standards de la partie-cycle (ajustement de la position du moteur dans le cadre, de l’angle de pivot de direction, du bras oscillant et de la hauteur de la machine à l’arrière). Evidemment, les éléments de suspension, Sachs comme Öhlins, sont réglables dans tous les sens. Malheureusement, Aprilia a fait l'impasse sur le système de suspension semi-active que l'on trouve déjà sur d'autres concurrentes.
Cependant, la RSV4 RR se dote d'une nouvelle gestion électronique sans égale ; les aficionados la connaissaient déjà sous le nom de code APRC (Aprilia Performance Ride Control). L'APRC inclut différentes technologies : l'ATC (contrôle de traction réglable sur huit niveaux, même en roulant), l'AWC (anti-wheeling ajustable sur trois niveaux), l'ALC (launch control à trois niveaux de performance ; à utiliser exclusivement sur circuit, nous dit-on!), l'AQS (quickshifter permettant de monter les rapports à la volée, sans actionner manuellement l'embrayage).
En outre, on retrouve l'inévitable ABS Bosch modèle 9MP, réglable sur trois positions (Track, Sport et Rain). Pour les téméraires, il est déconnectable. Il travaille de concert sur les deux roues et permet notamment de contrôler l'effet stoppie de manière à optimiser les freinages.
Et finalement, une nouveauté, et non des moindres, se découvre dans les cartographies-moteur. Oubliez vos acquis ! Dans l'ordre croissant, S signifie sans surprise Sport, T pour Track (et non Touring) et R pour... Race ! Il n'y a donc plus de mode Rain limitant la puissance. D'ailleurs, rappelons au passage le slogan d'Aprilia Racing : "Be a racer !". Le champ d'action des différents modes réside dans la réponse de la poignée de gaz et dans le contrôle du frein-moteur, ce dernier se faisant quasi-oublier en Race.
Et LA nouveauté, c'est la télémétrie livrée d'origine avec la version "RR Race pack" et interactive directement avec votre smartphone (Android, iOS et Windows Phone), nom de code : V4-MP. Votre smartphone se transforme alors en véritable outil semi-professionnel. Les principales fonctionnalités :
Esthétiquement, la supersportive de Noale évolue aussi et joue la carte de la fluidité. C'est l'avant du carénage qui reçoit le plus de modifications pour satisfaire les performances aérodynamiques de la machine à haute vitesse. Pour le reste, peu de choses changent et la RSV4 garde son allure hyper-athlétique. Fine et très agressive de l'avant, sa ligne se poursuit jusqu'à la boucle arrière. Déjà très courte, le coup de crayon de sa silhouette accentue encore son aspect trapu. La RSV4 serait-elle la superportive la mieux réussie du moment ?
Nous pensions qu'Aprilia s'était contenté d'une simple mise à jour de sa belle, nous nous trompions. Et pour ceux qui doutent encore, nous allons prendre son guidon durant quatre sessions de vingt minutes sur le circuit de Misano.
Pendant que les mécanos s'affairent à ôter les couvertures chauffantes des Pirelli Diablo Supercorsa SP maintenant à température, un ingénieur Aprilia nous montre en détails les fonctionnalités de l'application V4-MP. Facile ! On sélectionne d'abord le circuit sur lequel nous nous trouvons (Misano!), on calibre le contrôle de traction sur le niveau souhaité et ensuite, si besoin, on afine les réglages prédéfinis par l'application. Vous trouverez une vidéo de démonstration sur Youtube.com.
Les moteurs tournent déjà au ralenti depuis quelques minutes déjà. La mécanique sera chaude, de même que les gommes. Une fois en selle, on pourra arsouiller dès le premier virage !
Le V4 fait un brouha d'enfer, même avec son échappement d'origine. On se demande comme Aprilia a fait pour l'homologuer et on n'ose même pas s'imaginer les vocalises produites par le Slip-On d'Akrapovic proposé parmi les nombreux accessoires "racing" du catalogue Aprilia. Et donner un bref coup de gaz jusqu'à 4-5'000tr/min donne le sourire à chacun de nous ! L'émotion est envahissante ! Ce V4 est à l'image des mécaniques typiquement italiennes : saveur, noblesse et performances.
Le feu passe au vert et nous cinq (ndlr : cinq journalistes suisses ont pris part à l'événement) sortons des box à intervalle régulier. Les 4064 mètres du circuit s'offrent à nous.
Calé sur le premier rapport à 60km/h, je quitte les box... Arrivé sur le circuit entre la "variante del parco" et la "curva del rio", je jette un oeil sur la droite pour s'assurer qu'aucun de mes confrères journalistes ne vient et j'ouvre les gaz en grand. A l'approche de la zone rouge, une légère impulsion du pied gauche sur le sélecteur de vitesses et le deuxième rapport se verrouille aidé par le quickshifter. C'est viril et d'une rapidité extrême !
Ne connaissant pas le tracé, je préfère placer cette première séance de roulage sous le signe de la découverte, histoire de prendre mes marques et fixer quelques repères sur la piste. Pas facile, d'autant plus que le circuit est rapide. Le pire encore reste le triple virage à droite appelé "curvone veloce", impressionnant car pris à plus de 240km/h. Durant ces vingt premières minutes, j'ai aussi pu apprécier la facilité de prise en main de la RSV4 et le caractère de son moteur.
De son caractère, parlons-en ! Très coupleux dès les bas régimes, il ne cesse de pousser jusqu'à la zone rouge, avec un regain certain aux alentours de 9'000tr/min. De la bande son, je n'en parle même pas, les mots ne suffisent pas, tant le V4 "expire" la puissance. On se croirait sur une superbike de compétition ! Et au passage des rapports à la volée, le quickshifter génère des déflagrations détonantes. Outre l'ambiance sonore, les 201cv sont bien présents, Aprilia ne nous a pas trompés.
Après cette première session émotionnellement forte, je profite de vingt minutes de pause pour m'hydrater et reprendre mes esprits. Déroutante, cette RSV4, je vous assure ! Quand chez une autre marque italienne le diable habite un power cruiser (ndlr : la Ducati Diavel), chez Aprilia il a trouvé refuge au coeur de la RSV4, quelque part entre le vilebrequin et l'un des quatre arbres à cames. C'est un fait !
A peine repris mes esprits que je remonte sur la selle de l'Aprilia RSV4 RF, numérotée 68 sur 500 exemplaires (avis au futur propriétaire!). Le circuit est tout juste mémorisé et c'est gaz en grand que je m'élance. L'électronique a beau veiller au grain, on sent la roue avant se délester. Ceci dit, elle lève, elle lève, mais ne dépasse jamais une certaine limite. Cette limite est exactement celle qui définit l'accélération optimale tout en restant dans un niveau de sécurité acceptable. Sentir la moto se cabrer et garder la poignée de gaz au coin grâce à l'action de l'anti-wheelie, il y a quelque chose de (très) jouissif qui m'envahit, loin de toute pensée salace. L'amortisseur arrière signé Öhlins, lui, a été réglé aux petits oignons par les mécanos de Noale ; il n'y a rien à redire à son sujet, si ce n'est qu'il digère à la perfection la débauche de puissance que je lui inflige à chaque sortie de virage.
A Misano, le système de freinage est mis à très rude épreuve. A chaque tour, les freins avant, des Brembo M430, ont pour mission de ralentir sur une distance très courte la moto alors que cette dernière est lancée à près de 250km/h. Lorsque je tire sur le levier à deux doigts, la fourche se tasse et la roue avant ne perd pas son cap un seul instant. La moto, d'un empattement court, garde sa stabilité, bien que la roue arrière se déleste généreusement. Les plus téméraires oseront une glisse contrôlée de la roue arrière. Quant à moi, je me contenterai de me concentrer sur mes trajectoires. Vive, la RSV4 se place là où vous le souhaitez en un clin d'oeil ; Aprilia a réussi à conjuguer stabilité et agilité à haute vitesse. En virage, par exemple, elle ne bouge pas d'un poil si vous ne la sollicitez pas ; par contre, elle ne rechignera pas à corriger la trajectoire si vous lui en donnez l'ordre. La monte pneumatique Pirelli n'y est sans doute pas pour rien non plus dans son comportement exemplaire.
Il n'y a que lors des nombreux freinages sur l'angle que j'aurais souhaité un ABS de type gyroscopique pour gagner en sécurité et en efficacité, notamment dans les "curva tramonto" et "curva del carro". Ceci dit, l'excellent feeling rendu par les freins Brembo permettent de doser correctement le freinage pour optimiser le freinage tout en prenant de l'angle.
A la remise de gaz pour bondir en direction du prochain virage, c'est sans appréhension que j'ouvre en grand et franchement. Le ride-by-wire couplé au contrôle de traction gère en toute discrétion l'avalanche de couple et de puissance qui va crescendo avec l'augmentation du régime moteur. L'action du contrôle de traction est parfaitement linéaire et ne crée aucun à-coup, ce qui confère une excellente stabilité à la RSV4 lorsqu'elle est encore sur l'angle et en pleine réaccélération. Cela me rappelle d'ailleurs la "curva querica", là où l'on doit remettre les gaz très tôt tout en maintenant beaucoup d'angle, tout comme à la "variante del parco".
Quand les lignes droites se profilent, je fais confiance à l'électronique et j'essore la poignée tout en me positionnant dans le prolongement de la bulle. Seuls mes doigts subissent la pression de l'air à haute vitesse. La roue avant lève jusqu'en fond de deux. Le paysage défile à vitesse grand V et le cap des 200km/h est atteint en une fraction de seconde. L'accélération est violente et sans cassure. Sans s'essouffler, le V4 tracte sur tous les rapports jusqu'à la zone rouge. Les 201 purs-sangs italiens sont fougueux. Nul doute que la RSV4 saura chasser sur les plates-bandes des concurrentes japonaises, la Ninja ZX-10R et la R1 en ligne de mire.
Dans toutes les situations, la RSV4 RR s'est montrée très agile pour une 1000. Mais en aucun cas cette agilité a compromis sa stabilité. Ultra-précise, ce fut un plaisir de la placer à l'approche de chacun des virages, tout comme la balancer d'un angle à l'autre dans les chicanes.
La RSV4 RR serait une moto-école à grand potentiel ? Oui, elle est abordable et n'est pas autrement exigeante si l'on fait fi de l'effort fourni par le pilote au moment des freinages de trappeur et des tonitruantes accélérations. Et pour celui qui (la) maîtrise, la RSV4 RR mènera son pilote sur les podiums !
On reconnaît en la RSV4 RR "Race pack", ou RF (ce n'est que les coloris qui changent!), une machine aboutie capable d'un très haut niveau de performances, grâce à l'électronique embarquée gérant savamment le moteur associée à l'excellent châssis et à la redoutable partie-cycle Öhlins. Quand bien même on lui reprochera de ne pas être équipée d'un système de suspension semi-active pour des raisons de marketing essentiellement, on remarque que l'excellent ensemble Öhlins - une fois correctement réglé - suffit à une utilisation intensive sur piste.
Outre ses performances, la RSV4 RR est habitée par un moteur au caractère hors normes, plus noble qu'un bicylindre, plus velu qu'un trois-cylindres et sans point de comparaison avec un "vulgaire" quatre-cylindres. Et si l'on devait lui trouver un concurrent, on pointerait du doigt le quatre-cylindres crossplane de la Yamaha R1...
Et avant même de prendre son guidon, c'est son coup de crayon qui nous fait craquer. Et vous, qu'en pensez-vous ?