
C'est le genre de projet qui me plaît, quand les ingénieurs se lâchent et essayent quelque chose de totalement nouveau. En soit, l'idée d'une moto avide de ligne droite à la façon de Muscle Car n'est pas nouvelle. La Triumph Rocket 3 ou la Yamaha V-Max allongent les bras de nombreux motards depuis un certain temps. Avouez que c'est surprenant venant d'une marque à l'ADN sportif très prononcé de vouloir se lancer sur ce marché !
Sur la Diavel, on retrouve des attributs propre au Muscle Bike. D'abord l'énorme réservoir de carburant qui doit étancher la soif gargantuesque du moulin qu'il cache. Ensuite, la selle presque posée sur la roue arrière et placée très bas pour bien s'appuyer au sol à l'arrêt. Enfin, il faut un pneu arrière bien large qui puisse passer la motricité au sol; sur la Diavel, celui-ci fait 240 de large. Pas sûr que votre voiture en ait un aussi imposant.
Les designers transalpins se sont appliqués à soigner les détails de leur projet fou. Les phares et clignotants arrières se résument à deux ligne de LED sur chaque côté de la selle. Vu de dessus, elles forment une paire de cornes, joli clin d'oeil et tellement plus élégant qu'un support de plaque japonais. La face avant est plus sujette à débat. L'unique phare rond, certainement inspiré des Monster, donne une identité Ducati à la Diavel. Cependant, il semble manquer quelque chose de plus allongé, plus pointu. Comme le nez de la Panigale et de la Multistrada. Ou un bec, comme sur la Hypermotard ?
La plaque d'immatriculation semble flotter sur la roue arrière, discrètement montée sur un bras venant du monobras et qui contourne la roue. Les avis sont plutôt mitigés sur la façon dont ça a été fait. Enfin, tout ce qui concerne le passager a été astucieusement conçu pour être rétractable. Les deux cale-pieds viennent se rabattre le long de la moto et la poignée de maintien, bien dimensionnée, s'extrait de sous la selle en tirant sur un petit levier. Ils ont vraiment pensé à tout.
Bien assis au bout du réservoir, à 77cm du sol, le pilote est idéalement placé pour balancer les 239kg de la Diavel. Malheureux inconvénient de cette selle très creusée, on ne peut pas se placer un peu en avant ou en arrière au fil du trajet. Notez que la selle reste très confortable et il m'aura fallu enchaîner plus de 2 heures sans arrêt pour constater ce défaut de position.
En général, les genoux du pilote sont positionnés comme sur un roadster lorsque celui-ci a les pieds sur les repose-pieds. Il m'a fallu perdre l'habitude de rouler sur la pointe des pieds pour être bien installé; en même temps je suis assez grand.
Manoeuvrer à l'arrêt est relativement facile étant donné que l'essentiel du poids se situe proche du sol. Même assis sur la moto, on se rend bien compte où elle s'arrête. Dans cette mesure, le rayon de braquage limité n'est pas handicapant.
Avant de se faire peur, parlons du mode urbain de la Diavel. Sur pression d'un bouton, même en roulant et à condition de couper les gaz, vous muselez la bête avec un contrôle de traction omniprésent et une baisse de puissance. Avec ses 100cv, il y a encore de quoi se déplacer, mais il faut dire que la moto semble lourde et peu réactive. Très bien pour se fondre dans la circulation, mais dangereux s'il faut tout-à-coup s'extraire d'entre deux voitures.
Réglée sur touring, la moto vous laisse plus de liberté avec son DTC au niveau 4 et 162cv civilisés. J'ai fait quelques kilomètres comme ça, pour dire "J'ai essayé", mais une fois que j'ai goûté au mode Sport mon âme était vendue au Diable.
Lorsque 162 Pur-Sang déboulent sur le pneu arrière, uniquement retenus par le dernier niveau disponible du Ducati Traction Control, il y a du sport.
Quelle que soit la largesse que vous vous permettiez, vous savez que les 2 monstrueux disques de frein avant pincés par des étriers Brembo monobloc à montage radial, vous arrêterons sur la plus courte distance possible. De plus, l'ABS gardera la main pour ne pas perdre l'arrière ou s'offrir un magnifique vol plané par-dessus le guidon.
L'accélération à pleine charge envoie du lourd, c'est quand même un Testastretta, comme celui de la 1198, qui bat la mesure dans ce châssis. La Diavel mérite sa place sur le podium des motos dragster. Mais au bout de la ligne droite, un virage nous saute bien souvent au visage... Pas grave, comme les autres Ducati elle adore ça !
Les Pirelli Rosso II qu'on trouve sur la Diavel ont été conçu exprès pour faciliter la prise d'angle. Même à basse vitesse, la moto se balance très facilement d'un côté à l'autre. Cela confère à la Muscle Bike Ducati un comportement dynamique très surprenant compte tenu du gabarit.
La Diavel passe partout, à l'exception des petites épingles du flanc sud du col des Aravis (pour ceux qui connaissent), je me suis senti très à l'aise. Que ce soit un petit virage ou une grande courbe rapide, vous faites tellement corps avec la machine qu'elle se placera immédiatement là où vous le lui dicterez. Suivre un groupe de roadster dans un col n'est qu'une formalité. Vous pourrez aussi leur montrer que malgré les apparences, vous êtes encore loin de la limite.
Chaque réaccélération devient un jeu incroyablement bruyant, avec le bi-cylindre donnant généreusement de la voix dans les deux gros échappements latéraux de la Ducati. Heureusement, quand vous vous précipitez trop sur la poignée de gaz, le DTC pose son véto et vous évite bien des frayeurs. Et quand vous lâchez le câble, le moteur vous gratifie de nombreux retours dans les conduites, au point d'aimer ralentir autant qu'accélérer.
L'amortisseur suivant la cartographie sélectionnée, en mode sport il devient très dur et vous ressentez chaque relief de la route. La fourche quant à elle, n'est pas pilotée mais tout de même réglable. Celle-ci ne plonge que très peu sur les freinages appuyés, un atout pour la tenue de route déjà très bonne.
La Ducati Diavel Dark est l'entrée de gamme de la famille Diavel. Vendue CHF 20'490.-, elle est CHF 1'500.- moins chère qu'une Diavel normale et CHF 4'000.- moins chère qu'une Diavel Carbone. Or, la différence n'est que de l'ordre esthétique et non technique. En effet, la Diavel Dark n'est disponible qu'en noir mat. S'il vous faut absolument du rouge, il faudra se tourner vers une des deux autres versions. Enfin, il y a aussi la Diavel Strada, avec une position de conduite plus travaillée pour le voyage. Il faut bien essayer les deux pour se rendre compte.
Bonne à tout faire, atypique et extravagante, cette Diavel vous balance ses points forts à la figure. Agile comme un roadster, sonore comme une sportive, le tout avec une position proche du cruiser, Ducati a astucieusement mélangé les genres pour une expérience de conduite inédite. Selon moi, ses aptitudes dynamiques surpassent largement sa beauté toute relative. Mais vous reprendrez bien un coup de pied à l'accélération et quelques retours dans l'échappement pour fermer les yeux là-dessus.