
Devant, deux narines proéminentes en fibre de carbone gavent d'air le gros bi-cylindre qui anime l'Italienne. Au-dessus, le bloc optique à LED évidemment apparenté à celui de la Panigale donne une gueule très sportive au maxi-trail. Les rétroviseurs et les pare-mains identiquent à la version précédente qu'ils ne sont pas un mal. Au contraire, la vision arrière est très bonne et les clignotants intégrés au pare-mains sont toujours aussi beaux.
Sur la version Pikes Peak, seul un petit saute-vent réglable en carbone complète la face avant. Autres détails spécifiques à cette édition spéciale : le cache-courroie de distribution en carbone, les deux pare-boues en carbone et surtout les jantes forgées Marchesini. Celles-ci, 2.7kg gagnés sur les jantes classiques, diminuent les masses non-suspendues. Un kilo gagné à cet endroit compte plus que partout ailleurs.
Dernier bonus, le silencieux Termignoni en carbone avec ses caches en alu eloxé noirs. Le son qu'il produit est magnifique. Le niveau sonore est juste à la hauteur qu'on peut attendre d'une Italienne, heureusement bien en-dessous d'une RSV4.
Il y a quelques années, les motos s'équipaient l'une après l'autre d'ABS. Maintenant, ce sont les contrôles de traction qui font peu à peu leur arrivée. Summum de la technologie : les suspensions actives font leur loi pour imposer leur efficacité extrême.
En 2007, BMW ouvrait le bal avec son système ESA sur la R1200GS, suivi par Ducati en 2010 sur la Multistrada 1200S Sport/Touring. En 2012, les Allemands sortaient la sportive HP4 avec un système de suspensions actives semblable à celui qu'on trouve sur les voitures : à l'approche d'un choc un rien plus violent, la suspension se durcit automatiquement et très rapidement. Le système est proche de celui des Multistrada 1200S Touring, Pikes Peak et Granturismo 2013.
Vous le savez certainement, la remplaçante de la 1200GS a fait son apparition à Cologne en 2012, cette dernière a été équipée du système ESA Dynamique. Le maxi trail transalpin et allemand sont sur le même plan, techniquement, pour les suspensions. Jadis équipée par la marque suédoise Öhlins, Ducati a dû se tourner vers Sachs pour trouver une fourche équipée de capteurs pour le réglage dynamique.
Le coeur de la Multistrada, le bicylindre Testastretta 11° de 1198.4cm3, est bien connu du monde de la moto pour être la version assagie du moteur utilisée sur les superbike. La puissance maximum a été réduite pour plus d'onctuosité et d'agrément à mi-régime. Avec ses 150 chevaux, c'est quand même le bloc le plus puissant monté dans un maxi-trail (avec celui de la KTM Adventure 1190). De quoi vous allonger les bras lors de chaque envolée lyrique de la mécanique. Dans sa version 2013, le couple grimpe de 5.8Nm pour atteindre 124.5Nm à 7'500 tr/min. Etrangement, Ducati semble avoir parié sur la puissance du bicylindre, car le quatre cylindre de la CrossTourer produit plus de couple à un régime plus bas.
L'étagement de la boîte et le rapport de transmission n'ont pas changé sur le nouveau modèle. On peut tout à fait cruiser à 120 en sixième, mais la reprise sera assez longue. Tombez deux rapports et vous vous envolerez dans un grondement ténébreux. Le seul défaut est en première et deuxième à basse vitesse, la Multistrada vibre pas mal. Le pignon de 14 dents règle ceci, mais change le reste de la transmission.
Comme précédemment, l'ordinateur de bord permet d'indiquer aux suspensions si on part en balade seul, accompagné, chargé de bagages ou non. Ce même ordinateur propose quatre préréglages de cartographie moteur, de contrôle de traction et d'ABS : Sport, Touring, Urban et Enduro. Un réglage fin est aussi possible dans le menu, si vous souhaitez retirer une valeur d'ABS au mode sport ou ajouter du contrôle de motricité en Touring.
En mode Sport, on profite de 150cv et de réglages ABS et DTC pour aller chercher des limites. Le mode Touring a la même puissance mais réagit plus sagement à la poignée de gaz, les aides sont aussi plus civilisées. Le mode Urban limite la puissance à 100 chevaux (nos amis français connaissent bien ça) même si la mécanique reste très caractérielle. Enfin, le mode Enduro limite la puissance mais anesthésie le DTS et l'ABS pour permettre le blocage de roue arrière en tout-terrain.
Avec un physique à la fois haut et imposant, on s'attend à une machine peu réactive, lourde à guider. Que nenni ! La Multistrada est un véritable vélo. Le large guidon et le centre de gravité suffisamment bas confèrent une agilité surprenante pour une moto de ce gabarit. Passer plein gaz dans un petit enchaînement rapide n'est qu'une formalité. La moto se jette de gauche à droite à la vitesse d'un avion de chasse qui prend du roulis. Un virage qui se referme soudainement sera aussi facile à négocier, on corrige l'angle en un clin d'oeil et la moto change de cap.
Pour arrêter les 222kg de la Ducati, deux disque de 320mm et un de 245mm sous les ordres d'un ABS Bosch réglable. Même en utilisation intensive, le comportement est le même ; la force de freinage ne faiblit pas. La magie de l'électronique opère aussi inlassablement. A chaque gros freinage, grâce au système SkyHook, la fourche se durcit et la moto ne plonge pas d'un centimètre. Quand vient le temps de ressortir comme une balle d'un virage, tirez les gaz comme un sourd et l'amortisseur se figera pour améliorer le contact du pneu avec la route. Et si vous étiez trop fou, le Ducati Traction Control vous éviterait de perdre bêtement l'arrière sur une trace d'humidité.
Ce qui est le plus épatant avec la Multistrada, et encore plus avec la Pikes Peak, c'est qu'elle a sa place partout. Emmenez la sur piste, elle ne sera pas la meilleure, mais vous tournerez certainement plus vite que toute autre moto de ce type et aurez pris un énorme plaisir à le faire. Envie de monter un col non carrossable ? Le mode Enduro est là pour ça. Petit voyage de Gibraltar jusqu'aux fjords de Norvège ? Cette Ducati est aussi faite pour ça, à condition de voyager léger si vous ne prenez pas les valises !
Sur les grands axes, le saute-vent placé en position haute, le vent de face n'est pas excessif. Les suspensions actives se comportent aussi de façon à améliorer considérablement le confort de la Multistrada. Ces même suspensions transforment en rail toutes les routes empruntées, peu importe l'état de leur revêtement.
Aussi fabuleuse soit cette machine, il faut toujours passer à la caisse à un moment ou un autre. Pour la Pikes Peak, votre agent Ducati vous réclamera CHF 27'990.- (vous aussi, vous vous êtes étranglé en le lisant la première fois?). Pourquoi ce prix, avant même d'avoir plongé dans le catalogue des accessoires ? Voyons voir si vous en avez pour votre argent.
Prenons sa concurrente la plus directe, la BMW R1200GS 2013. Son prix de base est de CHF 16'450.-. Maintenant, on plonge dans le livre d'options pour que son équipement arrive à la hauteur de celui de la Multistrada Pikes Peak. Pour avoir différent mode de conduite, il vous faut l'ASC. A ça doit s'ajouter l'ESA Dynamic pour les suspensions réglables. Ajoutez encore les phares et les clignotants à LED, vous voilà déjà obligé de prendre deux packs d'options à CHF 790.- et 2'440.-.
Reste encore les jantes forgées que l'Allemande ne peut pas avoir et l'échappement Akrapovic, équivalent au Termignoni, qui n'est pas encore sur le marché. Enfin, chiffrer la différence de coût entre un monobras et un cardan est trop hasardeuse pour en parler.
La facture de la Bavaroise est encore loin de celle de la Bolognaise à équipement semblable. Maintenant, seriez-vous prêt à payer ce prix pour accéder au monde Ducati ?
Sculpturalement belle, diablement efficace et incroyablement polyvalente. Voilà comment résumer en quelque mots la nouvelle Ducati Multistrada. Son tarif peut encore vous dissuader, mais alors ne vous risquez pas à aller l'essayer, elle finira par hanter vos nuits comme elle hante les miennes, même après en avoir achetée une autre...